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“Game over” : DeepMind a-t-il vraiment produit la 1ere IA généraliste ?

Les sorciers de l’IA de DeepMind ont récemment dévoilé Gato, un nouvel agent IA présenté comme “généraliste”. Le système est extrêmement impressionnant, mais le qualificatif semble disproportionné pour plusieurs spécialistes.

Tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à cette discipline fascinante peuvent en témoigner : en quelques années, l’intelligence artificielle a rebattu les cartes dans de très nombreuses disciplines. De redoutables réseaux neuronaux spécialisés permettent aujourd’hui de produire des résultats bien au-delà des capacités humaines dans de nombreux domaines; il n’y a qu’à regarder du côté de systèmes révolutionnaires comme AlphaFold pour s’en convaincre (voir notre article).

Mais si elles font des merveilles dans le cadre de ces applications ultraspécialisées, le constat est assez différent dès qu’on s’intéresse aux IAs dites “fortes” ou “généralistes”. Ce terme désigne un système capable d’apprendre et de faire tout ce dont un humain serait capable, à condition de disposer des mêmes ressources.

Ce concept, c’est en substance l’objectif final de la recherche en IA. Sur le papier, un tel système serait capable de véritables prouesses algorithmiques en termes d’apprentissage, mais aussi de raisonnement, de communication, et ainsi de suite. À l’heure actuelle, personne n’a encore réussi à pousser cette technologie à ce niveau. Personne… sauf DeepMind, dont l’un des chercheurs affirme désormais que “la partie est terminée” !

Gato, un impressionnant “agent généraliste

En effet, la firme satellite de Google a récemment présenté Gato, un système présenté comme “généraliste”. Il a effectivement été entraîné sur un ensemble de tâches aussi diverses et variées que l’étiquetage d’images, le dialogue, le jeu vidéo (sur console Atari) ou l’empilement de blocs à l’aide d’un bras robotique.

Une diversité assez phénoménale, sachant que les IA actuelles sont traditionnellement optimisées pour une tâche ne particulier. Ce n’est pas la première fois qu’un système de ce type voir le jour, mais Gato se distingue à deux niveaux différents par son champ de compétences étonnamment large. Au total, il a été entraîné pour réaliser un total ahurissant de 604 tâches différentes !

Les résultats sont assez hétérogènes; en termes de dialogue, Gato est par exemple à des années-lumière des prouesses de GPT-3, le modèle de génération de texte d’OpenAI. Mais il s’est tout de même montré extrêmement capable dans d’autres domaines. Ses concepteurs affirment que Gato fait mieux que des experts humains dans 450 des 604 tâches mentionnées ci-dessus !

Un agent “généraliste“, vraiment ?

Des performances exceptionnelles qui ont poussé Nando de Freitas, chercheur chez DeepMind, à se fendre d’une petite phrase qui ne passe pas inaperçue. “Ce n’est plus qu’une question d’échelle désormais ! La partie est terminée !”, affirme-t-il en sous-entendant que Gato est donc la toute première preuve de concept d’IA généraliste (IAG). Selon lui, les bases théoriques sont désormais en place et il ne reste désormais plus qu’à augmenter la taille et la puissance de ces modèles pour arriver à une vraie IA généraliste.

Une affirmation qui a fait froncer quelques sourcils dans le milieu. Certes, Gato a bien été entraîné grâce à un système un peu différent des IA spécialisées traditionnelles (voir le papier de DeepMind ici pour plus de détails). Mais techniquement, il existe une différence fondamentale entre une vraie IA généraliste et un réseau neuronal standard, mais à très grande échelle. Et en termes d’architecture, Gato fonctionne plus ou moins sur les mêmes bases technologiques que ses prédécesseurs.

Le résultat peut générer des erreurs d’interprétation”, explique le chercheur Mike Cook à TechCrunch. “Cela semble excitant qu’une IA soit capable de réaliser toutes ces tâches si différentes. Mais en réalité, ce n’est pas très différent de la façon dont GPT-3 comprend la différence entre de l’anglais ou du code Python, par exemple”.

La première IA forte n’est pas encore pour demain

Et sans une évolution radicale, le fait de parler d’IA généraliste semble donc pour le moins ambitieux. C’est en tout cas l’avis de Matthew Guzidal, un chercheur en IA de l’Université d’Alberta également interviewé par TechCrunch.“Si vous faites partie de ceux qui pensent que l’on a besoin d’IAs généralistes, Gato représente une avancée importante”, commence-t-il par affirmer avant de nuancer son propos.

Je pense que les gens qui affirment que c’est une étape majeure dans le développement d’une IAG en font un peu trop, dans la mesure où ce n’est pas encore au niveau de l’intelligence humaine et que nous n’y parviendrons probablement pas avant longtemps, à mon avis”, explique-t-il.

TheNextWeb rappelle que c’est aussi un avis partagé par Gary Marcus, un éminent chercheur en IA et PDG de Robust.AI. Cette pointure du secteur estime en effet que l’approche actuelle est tout simplement stérile lorsqu’il s’agit de courir après une IAG. Il a d’ailleurs écrit un livre à ce sujet, Rebooting AI, qui suggère qu’aucune IAG ne verra le jour sans un changement radical de méthodologie.

Gato est donc bel et bien une avancée spectaculaire; jamais encore un système basé sur l’IA n’était parvenu à exceller sur un ensemble de tâches aussi vastes. Mais conceptuellement, il semble encore très éloigné d’une vraie IA généraliste au sens le plus strict du terme. Autant dire qu’il faudra probablement attendre une grosse révolution conceptuelle pour voir débarquer de telles intelligences artificielles dignes de la science-fiction.

Le papier de recherche est disponible ici.

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Source : DeepMind

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