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Voici le Navier, le premier moteur-fusée français 100% imprimé en 3D !

La start-up rémoise Latitude a coché une case importante de sa feuille de route avec la réception du Navier Mark I, le moteur qui fera voler la fusée Zéphyr. Cocorico !

C’est le grand jour pour Latitude, anciennement Venture Orbital Systems; la start-up rémoise dévoile aujourd’hui la première itération du Navier, un moteur-fusée très particulier puisqu’il est entièrement imprimé en 3D ! Une étape remarquable pour cette firme spécialisée dans le développement de microlanceurs spatiaux, conçus pour envoyer des petits satellites en orbite de la Terre.

Un moteur 100% imprimé en 3D et tourné vers l’avenir

C’est un moteur entièrement imprimé en 3D par Saturne Technology (ST), une PME luxembourgeoise spécialisée en impression 3D métallique et en usinage pour les filières de pointe, comme le médical, le nucléaire ou l’aérospatiale.

Pour le produire, ST a utilisé un processus baptisé Selective Laser Melting. Il consiste à déposer une couche de poudre de métal (en l’occurrence, un alliage à base de nickel) très fine. Un laser à haute intensité vient ensuite faire fondre cette poudre de manière sélective (d’où le nom) afin qu’elle fusionne avec la couche inférieure, et ainsi de suite.

© Latitude

À cause de la finesse extrême de cette couche, le processeur peut être admirablement précis. Il prend tout de même un certain temps; Saturne Technologies a besoin d’ une petite semaine à imprimer un Navier. Mais cela reste bien plus rapide et surtout immensément moins contraignant que de demander à des opérateurs humains de les assembler.

Il est aussi intéressant de noter que la machine utilisée par Saturne est une imprimante relativement “grand public”, en tout cas par rapport aux systèmes maison de certains concurrents. Mis bout à bout, ces éléments permettent de réduire significativement la facture du côté de Latitude. “Cela représente considérablement plus de 10% d’économies”, nous explique la start-up rémoise.

Deux années sur les chapeaux de roue avant le grand saut

Elle va désormais commencer à tester son moteur-fusée dès cette année, avec un second modèle qui entrera en campagne de mise à feu à l’été 2022. Mais cet engin ne dépassera pas ce stade. Il a surtout vocation à servir de preuve de concept. Ce Navier Mark I apportera à Latitude un retour sur expérience crucial.

Elle s’attaquera alors au Mark II. Ce moteur pourra développer une poussée d’une vingtaine de kN, soit environ deux tonnes. Juste ce qu’il faut pour placer en orbite des nanosatellites de plus en plus répandus dans les télécommunications, la surveillance de phénomènes terrestres ou la météo. Et surtout, il marquera l’arrivée de la firme dans la cour des grands.

C’est en effet ce Navier Mark II qui siégera au pied de Zéphyr, le microlanceur qui deviendra bientôt la figure de proue de la firme rémoise. Il devrait entrer en service au plus tôt en 2024. Autant dire que les années à venir seront chargées pour Latitude.

Une nouvelle ère où tout reste à inventer

Avec son Navier, l’entreprise embrasse le nouveau paradigme de l’aéronautique à l’échelle industrielle, avec ses nouvelles pratiques et normes de fabrication. Une approche qui est non seulement dans l’air du temps, mais aussi particulièrement pertinente pour une entreprise de ce type, qui construit de petits véhicules.

En règle générale, les entreprises qui misent sur ces petits volumes ne peuvent pas se contenter de quelques gros contrats. Ils doivent multiplier les lancements pour espérer devenir rentables. Encore plus que dans le reste de l’aérospatiale, le prix de chaque véhicule est donc d’une importance capitale.

Le problème, c’est que les fusées, et en particulier les moteurs qui les propulsent, sont des engins par définition très chers. Et pour cause : ils sont extrêmement complexes et délicats, et il est pour le moment impossible d’automatiser entièrement leur production.

L’imprimante Stargate de Relativity Space, un bijou d’ingénierie grâce à laquelle elle compte bien imprimer l’intégralité de ses lanceurs en 3D. © Relativity Space

Mais la donne est en train de changer radicalement à l’aube de cette nouvelle course à l’espace. Dans le sillage de SpaceX, cette filière construit son propre futur à grands coups d’industrialisation de la production, de nouvelles infrastructures orbitales et de lanceurs réutilisables.

Depuis de longues années déjà, les cadors du secteur sont passés à l’impression 3D pour certains éléments infiniment délicats et indispensables au bon fonctionnement de l’engin. C’est par exemple le cas des injecteurs qui transforment les ergols liquides qui réagissent pour propulser l’engin en une fine brume, de façon à ce que la réaction se déroule de façon stable et homogène.

Cette pièce traditionnellement très difficile à usiner est aujourd’hui régulièrement imprimée en 3D; une mutation qui a permis aux entreprises de réaliser des économies de temps et d’argent. Mais pour l’instant, cette technologie ne s’est pas encore imposée à très grande échelle. Seuls quelques précurseurs réalisent actuellement des travaux significatifs sur ce terrain.

Côté américain, ce sont Launcher et Relativity Space qui font office de référence sur ce segment; la première vient de pousser son moteur imprimé en 3D à plein régime pour la première fois, tandis que la seconde prévoit d’imprimer l’intégralité de ses lanceurs Terran avec une gigantesque imprimante 3D baptisée Stargate. Et désormais, c’est le contingent français peut se targuer d’avoir fait un grand pas dans ce sens.

Le lanceur Electron de RocketLab, la Rolls Royce actuelle des microlanceurs. © RocketLab

Petits lanceurs, futur géant ?

Verra-t-on donc des fusées entièrement imprimées en 3D voler sous pavillon français d’ici quelques années? Pour l’instant, cela ne fait pas encore partie des plans. Contrairement à Relativity Space, les Rémois ne prévoient pas d’imprimer tout le véhicule, du moins pour l’instant. Seul le moteur Navier sortira donc des ateliers de Saturne Technology. “Dans tous les autres cas, l’usinage classique est plus simple et donc moins cher”, nous indique la firme.

Mais cela n’enlève rien au potentiel de Latitude. Ce n’est pas un hasard si la firme a été récompensée de son dynamisme par le CNES, avec qui elle a signé un contrat de R&D. L’arrivée du Zéphyr et de son Navier Mark II représentera assurément une bouffée d’air frais pour l’aérospatiale française et même européenne, qui brille trop souvent par son absence parmi les mastodontes américains et désormais chinois.

Il convient en tout cas de leur souhaiter un franc succès; nous ne sommes peut-être qu’à quelques années de voir émerger un concurrent français de Rocket Lab, le géant américain des microlanceurs qui fait des merveilles avec ses lanceurs Electron. Et ça, on ne peut que l’applaudir des deux mains.

 

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