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La “police des trous noirs” a interpellé un fugitif cosmique de longue date

La découverte du premier trou noir dormant en dehors de la Voie Lactée aura des “implications énormes” pour les chercheurs.

Parmi tous les scientifiques de premier plan qui travaillent à la pointe de l’astrophysique mondiale, peu sont aussi qualifiés pour parler des trous noirs que les physiciens de l’European South Observatory (ESO).

Cette institution fait partie des références absolues pour tout ce qui concerne ces monstres cosmiques. On leur doit déjà une montagne de travaux révolutionnaire sur ce thème, à commencer par la toute première image jamais prise d’un trou noir, rien que ça ! Plus récemment, ils se sont encore illustrés en présentant la première image de Sagittarius A*, le trou noir supermassif qui structure toute la Voie Lactée (voir notre article).

Quand la “Police des trous noirs” mène l’enquête

Ces exploits en disent long sur la réputation de l’ESO : lorsque ses équipes parlent de ces objets, c’est toute la communauté scientifique qui se tait et qui écoute. Même quand un papier de recherche qui affirme avoir découvert un trou noir particulier passe le cap de la relecture par les pairs, il n’est pas rare que l’ESO vienne « débunker » ces articles par la suite (voir notre article).

Ce statut de référence a souvent conduit l’ESO à se positionner en tant qu’arbitre ; une situation qui lui a valu le surnom de « Police des trous noirs ». Lorsque cette milice de l’astrophysique valide à l’unanimité une observation rare, c’est donc un petit événement en soi, et c’est précisément ce qui s’est passé hier.

Dans un communiqué, l’institution a annoncé la découverte de VFTS 243, un trou noir dormant qui réside dans le Grand Nuage de Magellan — une galaxie satellite de la Voie Lactée. C’est la toute première fois que la présence d’un objet de ce type est confirmée sans ambiguïté en dehors de notre galaxie, alors que les modèles des chercheurs suggèrent qu’ils devraient être extrêmement fréquents.

© Ute Kraus, Institute of Physics, Universität Hildesheim, Space Time Travel

Une chasse aux trous noirs fugitifs

Les trous noirs de cette catégorie apparaissent à la fin du cycle de vie d’une étoile, lorsque cette dernière commence à s’écrouler sous l’effet de sa propre gravité. Cette étape marque typiquement le début d’une intense émission de rayons X ; c’est ce rayonnement qui permet habituellement aux astronomes de repérer ces objets.

Mais les trous noir dormant comme celui-ci sont au contraire particulièrement discrets ; ils émettent des niveaux de radiation bien plus faibles. Cela rend leur détection quasiment impossible, puisqu’ils absorbent toutes les autres ondes électromagnétiques comme la lumière visible ou l’infrarouge.

« C’est incroyable que nous ne connaissions presque aucun trou noir dormant, sachant que les astronomes considèrent qu’ils sont extrêmement communs », explique Pablo Marchant, co-auteur de l’étude. Et il ne s’agit pas d’une exploration. Pour mettre la main sur cette curiosité invisible, les chercheurs ont dû fournir de gros efforts.

Puisqu’il est impossible de les repérer par des méthodes directes, les spécialistes cherchent les trous noirs dormants grâce à des techniques indirectes. Le plus souvent, ils s’intéressent à des étoiles massives bien précises; elles peuvent parfois former un couple avec ces objets avant de fusionner. Dans ce cas de figure, les troupes de l’ESO ont passé en revue plus d’un millier d’étoiles dans la nébuleuse de la Tarantule avant de tomber sur l’objet tant convoité.

Et même après ces travaux extrêmement minutieux, les chercheurs de l’ESO ont fait honneur à leur réputation en appliquant leur scepticisme habituel à leurs propres résultats. « En tant que chercheur qui a débunké plusieurs trous noirs potentiels ces dernières années, j’étais extrêmement sceptique quant à cette découverte », explique Tomer Shenar, auteur principal de l’étude. Et il n’était pas le seul.

« Quand Tomer m’a demandé de revérifier, j’avais des doutes », enchaîne Kareem El-Badr, l’un des co-auteurs de l’étude. Mais même après avoir retourné les données dans tous les sens, ce dernier n’a « pas trouvé la moindre explication plausible qui n’implique pas un trou noir ».

La toute première image d’un trou noir, produite grâce à un algorithme de la jeune chercheuse Katie Bouman. © ESO / Event Horizon Telescope collaboration et al.

Des “implications énormes” pour la physique des trous noirs

Désormais sûrs de leur fait, les auteurs de l’étude ont pu passer à la phase de l’interprétation. L’objectif : comprendre pourquoi et comment ces gloutons cosmiques peuvent demeurer aussi discrets. Et les chercheurs ont leur petite idée sur la réponse ; ce calme apparent serait directement lié aux circonstances de la naissance du trou noir.

« L’étoile qui a formé le trou noir VFTS 243 a l’air de s’être écroulée entièrement, sans signe d’explosion ». Un élément très surprenant, puisque la fin de vie des étoiles de cette catégorie est généralement marquée par une gigantesque supernova qui laisse ensuite place à un trou noir normal.

Il pourrait donc s’agir d’une supernova avortée, comme dans le cas de l’étoile « zombie » récemment découverte par d’autres astronomes. Pour l’instant, la dynamique de ce phénomène reste très mystérieuse. Mais dans tous les cas, cette découverte va avoir des « implications énormes pour l’origine des fusions de trous noirs », dixit Shenar.

C’est donc une investigation rondement menée pour les inspecteurs de choc de la « Police des trous noirs ». Et ses troupes espèrent déjà que d’autres chercheurs viendront remettre leur interprétation en question pour défricher de nouvelles pistes de recherche.

« Bien sûr, je m’attends à ce que d’autres chercheurs passent consciencieusement notre analyse en revue et essaient de nous cuisiner des modèles alternatifs », anticipe Shenar en conclusion. « C’est très excitant de faire partie de ce projet ».

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2 commentaires
  1. La “police des trous noirs” a interpellé un fugitif cosmique de longue date !

    Oh merde ! Ils vont lui faire encore plus de trous que la dernière arrestation ! Record à battre 60 trous ! ;-(

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