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Ces deux virus sont attachés l’un à l’autre, et c’est une première

Pour la première fois, des chercheurs américains ont observé des virus satellite fermement agrippés à d’autres virus. Une découverte qui pourrait révéler de nouveaux éléments sur l’évolution des êtres vivants.

Pour la première fois, des chercheurs de l’Université de Baltimore County (UMBC) ont réussi à observer un virus en train de s’agripper à un autre virus. Une découverte qui pourrait conduire à des avancées significatives dans le domaine de la virologie, avec des implications considérables pour la biologie fondamentale et la santé humaine.

Les virus sont des entités fascinantes qui occupent une place à part dans la biologie de notre planète. Ils disposent d’outils redoutables pour se reproduire aux dépens de leur hôte, et aux yeux du grand public, ils sont surtout synonymes de maladie ; mais pour les chercheurs, leur intérêt va bien plus loin.le

Ils jouent un rôle absolument crucial dans la trajectoire évolutive de toutes les espèces vivantes, notamment en facilitant le brassage génétique. L’étude des virus, c’est donc bien plus qu’une affaire de santé publique : comprendre le fonctionnement des virus permet de comprendre comment s’est construite la vie telle qu’on la connaît aujourd’hui.

Les virus satellites, des entités co-dépendantes

Au fil des années, les chercheurs ont identifié des tas de stratégies différentes chez les virus. L’une des plus remarquables concerne ce que les chercheurs appellent les virus satellites. Comme tous leurs congénères, ils dépendent directement de l’organisme hôte — mais pas seulement ; ils s’appuient aussi sur un second virus, dit « assistant », pour boucler leur cycle de vie.

Cet acolyte peut avoir différents rôles en fonction des souches. Certains aident les virus satellites en assemblant leur capside, la structure qui encapsule le matériel génétique du virus pour le protéger du milieu extérieur. Dans d’autres cas, il peuvent aussi contribuer à la réplication de leur ADN. Le point commun de toutes ces relations entre virus, c’est que les deux membres du tandem doivent être proches l’un de l’autre.

Mais personne n’a jamais observé deux virus directement attachés l’un à l’autre dans ce contexte. Les seules exceptions ne correspondant pas à des couples satellite-assistant, et ne s’attachent pas véritablement l’un à l’autre. Ces cas concernent ce qu’on appelle les virophages, une classe très particulière de virus qui “infecte” d’autres virus géants. Pour l’anecdote, ceux-ci ont été découverts en 2008 par un certain… Didier Raoult.

De la contamination à la confirmation

Ou du moins, c’était le cas jusqu’à présent. Dans un papier publié le 31 octobre, des chercheurs de l’Université de Baltimore ont décrit la première observation de virus satellites fermement agrippés à d’autres virus bactériophages — une classe de virus qui s’attaque aux bactéries.

L’histoire a commencé avec un protocole tout ce qu’il y a de plus standard, conçu pour former un groupe d’étudiants à l’étude des virus. Ils devaient isoler les bactériophages à partir d’un prélèvement, les envoyer au séquençage, puis utiliser différents outils informatiques pour analyser les résultats.

L’échantillon d’un des groupes est revenu avec une mention de contamination ; cela signifie que les techniciens qui ont réalisé le séquençage ont trouvé des morceaux de génome qui n’appartiennent pas au bactériophage qu’ils devaient isoler. Pourtant, le protocole expérimental avait été réalisé dans les règles. Steven Caruso, responsable du programme, a donc refait la manipulation lui-même par acquit de conscience — et il a obtenu exactement les mêmes résultats.

Ils ont donc passé les échantillons au microscope électronique à transmission. Et à leur grande surprise, le fragment d’ADN supplémentaire ne provenait pas d’un contaminant, mais d’un virus satellite bien agrippé à son bactériophage juste en dessous de la capside. Un cas jamais documenté dans la littérature scientifique jusqu’à présent.

Virus satellite attaché vu au microscope électronique
© deCarvalho et al.

« Quand j’ai vu ça, je n’en ai pas cru mes yeux », explique Tagide deCavalho, auteure principale de l’étude. « Personne n’a jamais vu de bactériophage — ou quelque autre virus que ce soit — s’attacher à un autre virus », précise-t-elle dans le communiqué de l’université.

Une justification fonctionnelle tout à fait cohérente

Après cette découverte, l’équipe de recherche a entrepris de séquencer le génome du virus et de son satellite. Ils ont ainsi pu découvrir des détails très intéressants sur la relation particulière entre les deux individus.

En règle générale, les virus satellites contiennent un gène particulier qui leur permet de s’immiscer dans le génome de la cellule hôte afin de profiter de l’appareil de réplication de leur assistant. Ils peuvent ainsi se reproduire à chaque fois qu’un autre virus assistant pénètre dans la même cellule ; ce dernier recopie l’ADN du satellite en même temps qu’il se divise.

En revanche, le satellite identifié par l’UMBC MiniFlayer) déroge à cette règle ; il se trouve qu’il ne contient aucun gène dédié à cette intégration. Pour survivre, il doit donc rester au contact de son assistant (baptisé MindFlayer en hommage aux terrifiants parasites de l’univers Dungeons & Dragons) à chaque fois que ce dernier entre dans une cellule.

« En partant de ce constat, la stratégie de l’attachement a pris tout son sens », explique Ivan Erill, directeur d’une équipe de recherche sur les bactériophages à l’UMBC. « Parce qu’autrement, comment pourrait-il garantir qu’il pénètre dans la cellule au même moment ? » s’interroge-t-il.

Un mécanisme important dans l’histoire de la vie ?

L’autre point intéressant, c’est qu’une telle co-dépendance n’a pas pu s’installer du jour au lendemain. Pour en arriver là, les deux souches ont du évoluer au contact l’une de l’autre sur une très longue durée ; on parle de co-évolution. « Ce satellite s’est adapté, et a optimisé son génome pour s’associer à celui de son assistant pendant au moins 100 millions d’années », précise Erill.

C’est une information de taille pour les chercheurs. En effet, cela suggère que des tas d’autres exemples de telles symbioses existent probablement dans la nature. Et bon nombre d’entre eux sont probablement passés à deux doigts de la découverte ; le plus probable, c’est que les chercheurs les aient ignorés. Non pas par manque de rigueur, mais parce que tout indiquait que les échantillons étaient contaminés, comme l’équipe de Baltimore au début de cette étude.

« Tout le monde n’a pas un microscope électronique à transmission à disposition. C’est possible que de nombreux bactériophages que l’on pensait contaminés soient en fait des systèmes satellite-assistant », explique deCarvalho. « Maintenant avec ce papier, les gens seront peut-être en mesure d’en reconnaître davantage ».

Il ne reste donc plus qu’à patienter le temps que d’autres chercheurs tombent sur des couples de ce genre. Une fois que la banque de données sera suffisamment garnie, il sera possible de définir les règles générales qui gouvernent ces symbioses pour en étudier les divers mécanismes. Et connaissant l’importance évolutive énorme des virus, ces travaux pourraient amener de nouvelles découvertes majeures par rapport au développement de la vie sur Terre depuis l’apparition des premières cellules eucaryotes (à noyau).

Le texte de l’étude est disponible ici.

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Source : UMBC

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