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Kyutai : Xavier Niel dévoile sa vision de l’impérialisme français dans l’IA

Cette structure ouverte à but non lucratif a pour ambition de propulser la France vers les hautes sphères de la recherche en intelligence artificielle.

À la fin du mois de septembre, le groupe Iliad avait annoncé son intention d’investir 200 millions d’euros dans l’intelligence artificielle afin de placer la France parmi les leaders de cette niche technologique (voir notre article).

La clé de voûte de ce projet, c’est un laboratoire de recherche de classe mondiale basé à Paris. Le 17 novembre dernier, lors de la conférence ai-PULSE de sa filiale Scaleway, le groupe de Xavier Niel a donné des détails sur cette nouvelle structure, baptisée Kyutai.

300 millions d’euros d’investissements

Le trublion des télécoms françaises a commencé par affirmer que le budget du laboratoire avait explosé depuis la dernière annonce. À l’origine, le groupe comptait y consacrer la moitié de son enveloppe initiale, soit 100 millions d’euros. Mais selon TechCrunch, grâce à l’entrée en piste de plusieurs investisseurs de poids, les troupes de Xavier Niel ont déjà réussi à sécuriser 300 millions d’euros. On peut notamment citer Rodolphe Saadé, PDG du géant de la logistique CMA CGM, qui a injecté 100 millions supplémentaires, ou Eric Schmidt, l’ancien PDG de Google.

Iliad avait aussi annoncé vouloir s’appuyer sur des spécialistes de tout premier plan. Lors de la conférence, le groupe a présenté les premières recrues de cette équipe scientifique de choc. On peut notamment citer Patrick Perez, un transfuge de Valeo qui occupera le poste de directeur. Il sera entouré d’un noyau dur constitué d’Édouard Grave, Hervé Jegou, Laurent Mazaré, Alexandre Defossez et Neil Zeghidour. Tous ont auparavant travaillé pour des pointures du secteur, comme Meta ou DeepMind.

Une structure ouverte et transparente

Pour séduire encore plus d’experts reconnus, Iliad met notamment en avant le modèle particulier de Kyutai. Traditionnellement, les entreprises à la pointe de la recherche en IA ont tendance à verrouiller leurs travaux autant que possible, car il s’agit d’une niche technologie à la fois ultra-compétitive et extrêmement rémunératrice. En revanche, le laboratoire d’Iliad mise sur un modèle plus ouvert.

En particulier, les chercheurs de Kyutai seront encouragés à publier leurs études, comme s’il s’agissait d’un institut de recherche public. Une démarche qui va à la fois contribuer à la reconnaissance de leurs travaux, mais aussi faire avancer la recherche en IA dans son ensemble.

« Malheureusement, la big tech tolère de moins en moins la publication scientifique. Au-delà du boost d’ego pour les chercheurs, ça participe à faire avancer la recherche et à contribuer au bien commun », a déclaré Niel.

Il est vrai qu’il s’agit d’une démarche assez singulière dans les hautes sphères de l’IA. On peut notamment citer l’exemple du titan américain OpenAI. Autrefois, il s’agissait aussi d’une entreprise à but non lucratif avec une philosophie basée sur la transparence. Mais Sam Altman, l’ancien PDG qui vient d’être licencié avec fracas à la surprise générale, a fini par changer de modèle. Il a notamment ouvert les portes de l’entreprise à Microsoft, qui en est devenu l’actionnaire majoritaire. Consciente d’avoir mis la main sur une mine d’or, la firme de Satya Nadella s’est donc empressée de mettre une chape de plomb sur les travaux de l’entreprise.

Xavier Niel espère que ce positionnement permettra à la France de se démarquer sur la scène internationale. Et apparemment, le projet séduit également le gouvernement français. Dans un message préenregistré, le Président Emmanuel Macron s’est également posé en fervent partisan de l’open source, et a souligné l’importance d’en faire un atout pour la France.

Avec un portefeuille massif, de grands talents et l’appui du gouvernement, tous les voyants semblent donc au vert pour Kyutai. Il sera très intéressant de suivre l’évolution de ce laboratoire de pointe qui pourrait devenir l’un des fers de lance de la tech française.

Réguler, mais pas trop

Comme souvent, Xavier Niel a aussi profité de l’occasion pour se livrer à un petit exercice de lobbying comme il en a le secret. Selon lui, pour que des structures comme Kyutai puissent exprimer tout leur potentiel, il va impérativement falloir mettre en place un environnement favorable à l’innovation, ce qui implique — vous l’aurez deviné — de ne pas ensevelir la tech française sous une montagne de régulations.

Il a notamment ciblé l’AI Act, l’immense projet de loi européen visant à réguler le domaine de l’intelligence artificielle. Pour Niel, de telles initiatives sont de nature à brider l’innovation, et pourraient empêcher la France de lutter à armes égales contre les géants américains et chinois. Avec tout ce que cela implique pour la souveraineté technologique du pays. « J’aimerais bien qu’un jour on parle de l’impérialisme français dans l’IA », a déclaré le dirigeant.

Même s’il s’est montré plus mesuré, Emmanuel Macron a aussi argumenté dans ce sens. Il a répété que la régulation restait indispensable et n’était « pas l’ennemi de l’innovation ». En revanche, il estime qu’elle doit être contrôlée et non punitive. Et surtout, il a insisté sur l’importance de réguler non pas la technologie en elle-même, mais son usage.

Il faut donc espérer que les acteurs de la tech française arrivent à trouver un terrain d’entente avec Bruxelles, afin d’encourager l’innovation — et par extension, la souveraineté technologique française —, mais aussi de protéger les utilisateurs des innombrables dérives potentielles qui accompagnent cette nouvelles génération d’outils basés sur le machine learning.

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