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Contrôle de la majorité, cyberharcèlement… pourquoi la loi SREN inquiète autant ?

Derrière ses promesses sécuritaires, la loi SREN soulève de sérieuses inquiétudes en matière de vie privée.

Demain, il faudra peut-être justifier de son identité pour visiter un site pornographique, acheter de l’alcool en ligne et s’inscrire sur un réseau social. Derrière la loi SREN (Sécurité et Régulation de l’Espace Numérique), le gouvernement veut s’attaquer pêle-mêle à la protection des mineurs, à la lutte contre le cyberharcèlement et aux arnaques en ligne. Un vaste projet, pour lequel il vient de valider une solution liberticide et autoritaire, estime Bastien Le Querrec, juriste à la Quadrature du Net.

Une bonne intention, mais…

Le projet de régulation de l’espace numérique, notamment dans l’objectif de protéger les plus jeunes, part d’une bonne intention. “Les objectifs sont totalement louables“, reconnaît Bastien Le Querrec, “mais le choix du gouvernement a été celui d’une solution autoritaire“. D’abord parce qu’en marge des nombreuses solutions qui ont été proposées par les autorités pour vérifier la majorité des internautes lorsque ces derniers visitent un site interdit aux mineurs, la plupart reviendraient purement et simplement à supprimer le droit à l’anonymat en ligne.

Le débat a été lancé il y a déjà plusieurs années, et compte autant de défenseurs que de détracteurs. Reste qu’à l’heure actuelle, c’est lui qui prévaut légalement, rappelle le juriste : “En obligeant à l’internaute de certifier son identité civile et son âge, on lui impose de s’identifier“.

Le double anonymat, pas idéal

Face aux différentes solutions proposées, Bastien Le Querrec le reconnaît : le double anonymat, que l’on a maintes fois évoqué ici et qui a depuis déjà plusieurs mois la préférence des autorités autant que des plateformes s’impose comme la solution la moins problématique. Mais elle est loin d’être idéale, tempère le juriste.

Autre point soulevé par la Quadrature du Net, la menace de bannissement des internautes dans le cas de cyberharcèlement, et l’impossibilité pour ces derniers de recréer un compte en ligne. Sur le papier encore, la loi part d’une bonne intention. Mais comment s’assurer qu’un internaute n’utilisera pas une autre adresse mail, ou un changement de DNS pour créer un nouveau profil sur un réseau duquel il a été banni ? “En vérifiant son identité“.

Quelles solutions ?

Comment alors protéger les mineurs, et plus généralement les internautes en ligne ? Depuis 2017, la Quadrature du Net évoque la possibilité de rendre interopérables les réseaux sociaux. À la manière du protocole RCS pour les SMS, Facebook, Instagram, TikTok et consorts pourraient devenir un vaste terrain de jeu pour les utilisateurs de médias sociaux en ligne, qui ne seraient plus directement dépendants d’une entreprise, mais pourraient faire le choix d’aller voir ailleurs sans perdre leur communauté, détaille Bastien Le Querrec : “Les gens pourraient quitter un réseau social toxique sans se couper de leurs contacts“.

Autre solution, cette fois à destination des plus jeunes, généraliser l’utilisation d’un contrôle parental, en faisant peser (aussi) sur les parents la responsabilité de l’activité en ligne de leur progéniture. Enfin, il conviendrait enfin de proposer des cours d’éducation au numérique digne de ce nom, non seulement à l’école, mais aussi à destination des adultes. Autant de solutions auxquelles les autorités font la sourde oreille. “Ce projet de loi montre que le gouvernement ne veut pas comprendre la réalité d’Internet“, regrette le juriste. “C’est le risque qu’Internet soit pris au piège entre les mains d’un gouvernement de plus en plus autoritaire“.

Reste que la loi SREN pourrait bien ne jamais voir le jour. Si le texte a été validé à l’échelle nationale, il contredit certains points législatifs européens, et pourrait bien être invalidé dès le début de l’année prochaine.

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1 commentaire
  1. La question que j’me pose, c’est : dans une société où les parents sont de moins en moins autoritaires donc plus laxistes et également moins attentifs à leurs enfants, est-ce que c’est au gouvernement de s’en mêler.
    Franchement je commence à penser que oui, car même si avec un minimum de contrôle et de communication les parents sont tout à fait à même de gérer leurs enfants, le fait est que la fatigue et l’énervement laisse souvent place à des parents démissionnaires qui se contentent de laisser leurs p’tits sur les écrans pour être tranquille. Et avec toutes les conséquences que ça implique, on se retrouve avec de plus en plus de gosses instables, frustré, inadaptés socialement, et des parents complètement largués.
    Donc même si ce n’est pas une solution miracle, c’est déjà une bonne avancée. Et l’anonymat sur Internet cause beaucoup plus de dégâts que de bienfaits.

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