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Pourquoi Netflix met fin au tabou de ses chiffres d’audience

Après avoir gardé jalousement les audiences de ses productions, en dehors de ses TOP 10 et autres classements historiques, Netflix détaille pour la première fois le nombre d’heures visionnées pour la majorité des ses productions diffusées entre janvier et juin 2023. Pourquoi un tel revirement de situation ?

C’est une première dans l’histoire de la plateforme. Depuis aussi longtemps qu’elle existe, l’entreprise américaine cultive le mystère entourant le succès de ses productions originales. En dehors des cartons internationaux, ceux qui s’invitent dans les TOP hebdomadaires et historiques, peu d’informations sur le nombre de visionnages sont partagées par le N rouge. Cette opacité est d’ailleurs souvent raillée par la presse spécialisée et les analystes, qui doivent se tourner vers des cabinets externes pour dégager une tendance et se pencher sur les productions couronnées de succès ou au contraire à la réception décevante. Généralement, ce sont les chiffres de Nielsen et Samba TV — qui reposent uniquement sur le marché américain — qui sont utilisés. Néanmoins, les choses changent en cette fin d’année 2023.

Netflix vient de dévoiler un rapport d’engagement qui comprend l’intégralité des audiences des sorties originales et des acquisitions du géant du divertissement entre janvier et juin dernier. Ainsi, l’on découvre que The Night Agent s’impose largement en tête des productions les plus vues à travers le monde. Le récit d’espionnage affiche 812 millions d’heures visionnées à travers le monde rien que pour les six premiers mois de l’année. La mini-série est suivie de près par Ginny & Georgia : saison 2 et The Glory. Mercredi, qui siège à la première place du classement anglophone toutes années confondues, s’impose à la quatrième place devant La Reine Charlotte : un chapitre BridgertonAvec plus de 18 000 entrées, le document est assez exhaustif, bien loin des quelques informations jusqu’ici publiées via le site Netflix/Tudum/Top10. Néanmoins, toutes les productions sérielles et filmiques ne sont pas mentionnées, elle doit avoir accumulé plus de 50 000 heures visionnées au cours de la période étudiée.

Plus de transparence et une nouvelle approche

Cette décision intervient quelques semaines après la résolution d’une grève historique à Hollywood. Son modèle économique, autant que son opacité, comptait d’ailleurs parmi les nombreux points de discorde. Le syndicat représentant les scénaristes, la WGA, avait ainsi militer pour une révision de ces méthodes. En effet, profitant de son exception au sein du panorama télévisuel, la firme s’affranchissait du traditionnel système des droits résiduels. À la télévision, il consiste en une somme versée aux artisans d’un épisode à chaque rediffusion. Une partie des recettes publicitaires générées revenait aux créateurs, auteurs et acteurs. Ils représentent une importance manne financière pour les artistes.

Netflix ne disposant pas de grille de diffusion, et donc de rediffusion, ne versait ainsi pas ces sommes à ses collaborateurs. Face à un tel manque à gagner, les artistes ont ainsi fait valoir la nécessité de revoir cette méthode. Ainsi, depuis le vote du nouveau contrat, les données de streaming doivent être automatiquement partagées avec la WGA. Elle s’assurera que la prime à la popularité soit à la hauteur de ce qu’elle doit être. Netflix a visiblement profité de cette obligation pour inclure le public dans la boucle. La presse pourra également en profiter, deux fois par an. Les utilisateurs curieux pourront également constater par eux-mêmes les audiences de leurs séries préférées, et sans doute comprendre les annulations devenues légion au sein de son catalogue.

Netflix se fend tout de même d’une remarque au sujet de ces annulations, ou du moins des renouvellements. Dans son communiqué, l’entreprise précise que le succès “se présente sous toutes les formes et dans toutes les tailles, et n’est pas déterminé uniquement par les heures de visionnage. Nous avons des émissions et des films extrêmement réussis avec des heures de visionnage importantes ou non (à nos attentes, ndlr). Il s’agit de savoir si un film ou une série a enthousiasmé son public — et la taille de ce public par rapport à la rentabilité du titre”.

Une question de confiance

Interrogé à ce sujet lors de la conférence de presse, le patron de Netflix Ted Sarandos explique ce choix par une progression significative de son entreprise. Maintenant qu’elle a assis sa dominance sur le secteur de l’audiovisuel, la plateforme peut se permettre d’ouvrir un peu les portes de ses coulisses. Sarandos explique : “Au début, nous n’avions pas vraiment intérêt à être aussi transparents. Nous bâtissions une nouvelle entreprise et nous avions besoin d’espace pour entreprendre”. Il ajoute que cette méthode avait l’avantage certain de faciliter le travail des équipes créatifs, en réduisant la pression.

Il avoue que cette approche n’était néanmoins pas parfaite : “La conséquence involontaire de ce manque de données sur nos données d’engagements a été la création d’une atmosphère de méfiance à l’égard des producteurs et des créateurs, ainsi que tout ce qui se passait sur Netflix”. En partageant le détail de ces audiences, Netflix espère bâtir un meilleur avenir, “un meilleur environnement pour la WGA, pour nous et pour la presse”. Il a précisé que les données utilisées dans le rapport sont également celles qui servent au quotidien à faire fonctionner l’entreprise.

Pour l’instant, il est difficile de savoir si d’autres entreprises suivront le même chemin. Netflix fait office de chef de file dans le domaine de la SVOD, ces expérimentations en matière d’expérience utilisateur ou de démarches économiques sont régulièrement reprises par ses concurrents. On peut citer la fin du partage de compte qui commence doucement à s’imposer chez Disney+.

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