Passer au contenu

La cryptographie quantique avance grâce au record de chercheurs danois

Les chercheurs de l’Université Technique du Danemark ont réussi à transmettre une clé de chiffrement quantique sur une distance de 100 kilomètres, et prévoient désormais d’utiliser cette technologie pour sécuriser les communications du gouvernement.

Une équipe de chercheurs a récemment battu un record dans le domaine des télécommunications expérimentales, en faisant voyager un message camouflé à l’aide d’un chiffrement quantique sur une distance de 100 kilomètres.

Le chiffrement joue un rôle absolument crucial dans notre écosystème technologique pour des raisons de confidentialité et de sécurité. Dans l’ensemble notre organisation actuelle fonctionne bien, car les messages encodés à l’aide de techniques comme le chiffrement RSA peuvent être très difficiles à craquer. En effet, cela implique de résoudre de longues séries d’opérations complexes, et peu de machines en sont capables.

Mais ces systèmes de chiffrement ne sont pas invulnérables pour autant. En cas d’interception, il est théoriquement possible de craquer à peu près n’importe quoi par force brute à condition d’avoir beaucoup de temps et une puissance de calcul énorme.

L’ère de la cryptographie post-quantique

Cette problématique devient de plus en plus importante avec la montée en puissance des supercalculateurs, et surtout de l’informatique quantique. Une fois arrivés à maturité, ces engins pourront faire tourner des programmes spécialisés (voir les algorithmes de Shor et de Grover), capables de pulvériser n’importe clé RSA ou ECC en une fraction de seconde. Une échéance qui sonnera le glas du chiffrement tel qu’on le connaît aujourd’hui, avec tout ce que cela implique pour les particuliers, les industries et les gouvernements. Et la plupart des experts s’accordent à dire que ce n’est plus qu’une question de temps.

Ordinateur Quantique Google
© Google Quantum

Par conséquent, les experts en sécurité se préparent d’ores et déjà à cette échéance pour éviter le plus grand cataclysme de l’histoire des communications. Depuis des années, de nombreuses entreprises et laboratoires travaillent sur des systèmes de chiffrement dits « post-quantiques », capables de résister aux assauts de ces machines.

Un photon en guise de clé

C’est là qu’interviennent les auteurs de cette nouvelle étude, affiliés à l’Université Technique du Danemark (DTU). Ils travaillent sur une méthode appelée Continuous Variable Quantum Key Distribution, ou CV QKD. Comme de nombreuses autres techniques de cryptographie, elle repose sur l’échange de clés de chiffrement — des séquences de bits qui sont utilisées pour encoder, puis décoder une information sensible. Mais dans ce cas précis, il s’agit de clés très particulières. Les informations sont enregistrées dans les propriétés quantiques de photons individuels, qui sont ensuite transportés à la vitesse de la lumière dans un câble de fibre optique.

Photon Quantique
© Journal du Geek – MidjourneyAI

Son premier avantage, c’est que comme les autres techniques de chiffrement quantique, la CV QKD offre un niveau de protection extrême qui repose sur les propriétés quantiques de la matière. Au niveau quantique, il est très difficile de maintenir une particule dans un état de superposition stable, car il s’agit de systèmes extrêmement délicats. La moindre perturbation, qu’elle soit mécanique ou électromagnétique, bouleverse l’état quantique de l’objet.

Cela a une implication très importante : si un pirate essaie de mesurer le photon-clé pour déchiffrer le message, il va forcément rompre cet équilibre précaire et introduire des erreurs dans le système. Par conséquent, les défenseurs seront mis au courant immédiatement, et pourront fermer la porte avant même que l’attaquant n’ait eu le temps de réaliser ce qui vient de se passer.

Mais cette sensibilité n’est pas qu’un avantage. Elle rend aussi ces systèmes difficiles à manipuler. C’est d’ailleurs l’une des principales raisons qui expliquent les progrès relativement lents des ordinateurs quantiques, qui imposent aux chercheurs de maintenir de nombreux qbits dans un état de cohérence parfaite.

Dans le cas de la CV QKD, le problème est légèrement différent, puisque le nombre de particules impliquées est nettement plus faible. Mais il faut tout de même que le fameux photon soit protégé de toutes les interférences, aussi insignifiantes soient-elles. Et la complexité de ce problème augmente de façon exponentielle avec la distance. Pour cette raison, la CV QKD est encore loin d’être mature. De nombreux chercheurs ont déjà apporté des démonstrations convaincantes, mais toujours avec la principale limite : jusqu’à présent, le concept n’a été validé que sur des distances de l’ordre de quelques kilomètres, ce qui est largement insuffisant en pratique.

Les applications concrètes approchent

Pour passer à la vitesse supérieure, les chercheurs danois ont attaqué simultanément sur deux fronts différents. Pour commencer, ils ont développé des outils basés sur le machine learning pour mesurer toutes les sources de perturbations susceptibles d’affecter le système. En parallèle, ils ont aussi conçu de nouveaux outils logiciels pour corriger les éventuelles erreurs de façon plus efficace. Et ces efforts ont fini par payer. Récemment, ils ont réussi à transmettre une clé de chiffrement quantique sur une distance de 100 kilomètres, pulvérisant ainsi l’ancien record de la technologie CV QKD.

Et les chercheurs de la DTU ne comptent pas s’arrêter là. Car la bonne nouvelle, c’est que cette technologie est désormais proche d’être exploitable en conditions réelles. En effet, la CV QKD peut être intégrée relativement facilement à l’infrastructure web actuelle. Elle repose largement sur des câbles de fibre optique, et ces derniers pourraient aussi servir à transférer des clés de chiffrement encodées dans des photons. « C’est une technologie standard que l’on utilise depuis longtemps. Donc il n’y a pas besoin d’inventer quoi que ce soit de nouveau pour distribuer ces clés quantiques, et cela peut rendre le déploiement beaucoup plus économique », précise Tobias Gehring, co-auteur de l’étude.

Dans un futur proche, les chercheurs comptent notamment utiliser cette technologie pour établir une ligne de communication sécurisée entre les différents ministères du gouvernement danois. Une initiative qui montre que nous sommes déjà en train de basculer dans l’ère de la cryptographie post-quantique, et il sera fascinant de suivre cette transition qui va sans doute s’étendre à l’ensemble de la planète à moyen terme.

Le texte de l’étude est disponible ici.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *