Passer au contenu

Airbus va construire la prochaine sentinelle solaire de l’ESA

Le satellite Vigil aidera l’humanité à se prémunir contre les caprices de notre étoile à partir de 2031.

L’Agence Spatiale Européenne vient de signer un nouveau contrat de 340 millions d’euros avec Airbus, et plus spécifiquement avec sa division Défense et Espace, pour la construction d’un nouveau satellite qui va nous offrir un point de vue assez unique sur notre étoile.

L’engin, baptisé Vigil, aura pour mission de renseigner les chercheurs très en avance sur les aléas de la météo solaire. « Les données de Vigil nous donneront une avance inédite de 4 à 5 jours pour anticiper certains phénomènes solaires qui voyagent vers la Terre », explique Giuseppe Mandorlo, responsable du projet à l’ESA. « Depuis son poste d’observation, il peut aussi déterminer bien plus précisément la vitesse, la direction et les chances d’impact des éjections de masse coronale », précise-t-il.

Une sentinelle contre les caprices du Soleil

Ces éjections sont de vastes nuages de plasma emprisonnés dans des bulles magnétiques éjectées par l’étoile lors de violentes éruptions solaires. Lorsque ces torrents de particules chargées se heurtent à la magnétosphère terrestre, on obtient alors ce qu’on appelle une tempête solaire. La majorité d’entre elles n’ont pas d’effet perceptible pour les humains, qui sont protégés par le champ magnétique de la planète ; elles se contentent de produire de jolies aurores.

Mais les plus intenses d’entre elles peuvent avoir des effets considérables sur les systèmes électriques et les équipements de communication. Récemment, elles ont par exemple provoqué quelques black-out radio localisés. Dans les cas extrêmes, les conséquences peuvent même être assez cataclysmiques, comme le montre l’exemple de l’Événement de Carrington en 1859 (voir notre article).

Météo Solaire Esa
© ESA

« En fonction de leur sévérité, les estimations des dommages associés vont de plusieurs milliards à 3000 milliards d’euros pour un événement de magnitude comparable à celle de l’Événement de Carrington », avertit Holger Krag, chef du programme de sécurité spatiale à l’ESA.

À l’heure actuelle, nous n’avons que très peu de moyens de nous défendre. Mais avec une sentinelle comme Vigil, nous pourrons au moins disposer d’une alerte suffisamment précoce pour espérer protéger les infrastructures essentielles. Cette démarche prophylactique sera aussi importante pour le futur de l’exploration spatiale.

« Sans avertissement, les tempêtes solaires peuvent causer de sérieux soucis de santé chez les astronautes et leur impact économique peut être considérable, surtout à une époque où l’on se repose de plus en plus sur des technologies sensibles pour la navigation, la finance, l’aviation, l’énergie et les communications », précise Krag.

Direction le point de Lagrange L5

Pour mener à bien sa mission, Vigil ira s’installer au  niveau d’un point de Lagrange du système Terre-Soleil. Il s’agit de points d’équilibre où les forces gravitationnelles de deux corps célestes massifs — en l’occurrence, notre planète et son étoile — se compensent parfaitement. En pratique, cela signifie qu’un engin spatial peut s’y installer durablement tout en gardant une position fixe par rapport aux deux objets.

Points De Lagrange
© NASA

Ces places de parking orbitales, numérotées de 1 à 5, sont très utiles pour les engins qui doivent impérativement rester stables sur de longues durées. Les télescopes James Webb et Euclid, par exemple, sont tous les deux parqués au point de Lagrange L2, dans l’ombre de la Terre, pour assurer la continuité des observations et des communications, mais surtout pour les protéger des rayonnements du Soleil qui pourraient polluer leurs images.

Vigil, en revanche, sera positionné au point L5, sur la même orbite que la Terre autour du Soleil, mais 1/6 de tour en amont. L’intérêt de ce perchoir, c’est qu’il permettra d’observer certaines régions de l’étoile avant qu’elles ne soient visibles depuis la Terre.

Le gotha européen se mobilise

Une fois sur place, l’engin d’ Airbus il pourra s’appuyer sur un bel arsenal d’instruments conçus par de grandes institutions européennes. L’Institut Max Planck, en Allemagne, se chargera par exemple de concevoir un magnétomètre spécialisé dans l’analyse de la photosphère. Leonardo, un conglomérat qui représente environ 33 % de la coentreprise franco-italienne Thales Alenia Space, va construire une caméra pour analyser les variations de l’héliosphère.

D’autres institutions britanniques, belges, autrichiennes et américaines seront aussi de la partie. La NASA et la NOAA vont fournir deux instruments clés, respectivement un coronographe et une caméra spécialisée dans les rayonnements ultraviolets extrêmes.

Tous ces instruments seraient précieux en ce moment, dans un contexte où le Soleil est à deux doigts du pic de son cycle d’activité — une période où la météo solaire a tendance à être particulièrement capricieuse. Malheureusement, il faudra patienter pour en bénéficier, puisque le lancement n’est pas prévu avant 2031. Au moins, cela signifie que Vigil sera sans doute opérationnel pour le prochain maximum solaire, prévu en 2035. Espérons que notre étoile se montrera clémente d’ici là !

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

Source : ESA

Mode