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Cette petite fougère a pulvérisé le record du plus grand génome

Cette petite plante originaire de Nouvelle Calédonie ne paye pas de mine, mais elle se distingue par son génome incroyablement vaste qui pousse les chercheurs à s’interroger sur les mécanismes de l’évolution.

À première vue, la petite fougère calédonienne Tmesipteris oblanceolate n’a pas grand-chose de remarquable — mais elle vient pourtant de s’adjuger un record pour le moins inattendu ; une équipe de chercheurs a eu la surprise de constater qu’elle contenait le plus grand génome jamais documenté chez un organisme vivant !

Le génome, c’est l’archive chimique qui conserve toutes les informations nécessaires au développement, à la fonction, à la croissance et à la reproduction des organismes. Chez les organismes dits diploïdes, comme les humains, chaque cellule de l’organisme en contient deux copies qui sont conservées sous forme de chromosomes, de minuscules pelotes d’ADN — une molécule elle-même constituée de paires de bases azotées communément désignées par les lettres A (adénine), C (cytosine), G (guanine) et T (thymine).

Si cette organisation a été sélectionnée au fil de l’évolution, c’est parce qu’il s’agit d’un support de stockage exceptionnellement dense. Un seul gramme d’ADN peut encoder l’équivalent d’environ 215 millions de GB, ce qui représente à peu près 3400 années de streaming en 4K sur Netflix. Mais les chercheurs ne raisonnent pas en termes de masse lorsqu’il s’agit de décrire la taille d’un génome ; l’unité de référence, c’est le nombre de paires de bases mentionnées ci-dessus.

Un génome 53 fois plus grand que celui des humains

Le génome humain, qui a été intégralement séquencé en 2003, se situe plutôt dans la moyenne haute, avec environ 3,1 milliards de paires de bases réparties sur 23 chromosomes. Une fois déplié et mis bout à bout, le matériel génétique contenu dans une de vos cellules formerait une guirlande d’environ 2 mètres de long, soit à peu près la taille d’un joueur de NBA moyen.

Celui de Tmesipteris oblanceolata, en revanche, compte… 160,45 milliards de paires de bases ! De quoi atteindre environ 100 mètres, la longueur moyenne d’un terrain de football standard. Il s’agit donc d’un nouveau record, et avec une avance considérable ; il est 7 % plus grand que celui du précédent tenant du titre, une petite fleur japonaise baptisée Paris japonica.

Tmesipteris Oblanceolata Arbre
Tmesipteris Oblanceolata est une plante dite épiphyte, c’est à dire qu’elle se sert d’autres plantes comme support sans pour autant les parasiter. © Oriane Hidalgo

160 milliards de paires de bases et autant de questions

Tmesipteris oblanceolata va donc devenir un sujet d’étude très intéressant pour les chercheurs. Contrairement à ce que pensaient les premiers généticiens, on sait aujourd’hui qu’il n’existe pas de corrélation directe entre la taille du génome et la complexité d’un organisme. En revanche, tout ce matériel pourrait regorger d’informations sur l’histoire évolutive de cette espèce, et même des plantes en général.

On sait que les ancêtres de T. oblanceolata ont émergé il y a environ 350 millions d’années. Bien avant l’apparition des premiers dinosaures. Par conséquent, ces 160 milliards de paires de bases pourraient contenir des vestiges génétiques susceptibles de renseigner les biologistes sur l’origine et la trajectoire évolutive de certains mécanismes physiologiques des plantes modernes.

Plus concrètement, les chercheurs vont aussi chercher à déterminer comment une plante au génome si large a pu survivre aussi longtemps. En effet, ces méga-génomes ne sont généralement pas un avantage au niveau évolutif, bien au contraire. On considère que les espèces qui contiennent le plus d’ADN ont tendance à grandir plus lentement et à consommer davantage de nutriments que leurs homologues aux génomes plus restreints. Il leur faut en effet davantage d’énergie et de temps pour copier tout ce matériel lors de la duplication des cellules. En outre, certaines études suggèrent aussi qu’elles pratiquent la photosynthèse de manière moins efficace. On peut donc légitimement se demander comment cette espèce a pu survivre à des millions d’années de sélection naturelle.

« Qui aurait cru que cette petite plante sans prétention, devant laquelle la plupart des gens passeraient probablement sans même la remarquer, pourrait s’adjuger un record mondial en termes de taille de génome ! », s’étonne Ilia Leitch, co-autrice de l’étude. « Comparées à d’autres organismes, les plantes sont incroyablement diverses au niveau de l’ADN, ce qui devrait nous inciter à réfléchir à leur valeur intrinsèque dans le cadre plus large de la biodiversité mondiale. Cette découverte soulève également de nombreuses questions nouvelles et passionnantes sur les limites supérieures de ce qui est biologiquement possible, et nous espérons résoudre ces mystères un jour. »

Le texte de l’étude est disponible ici.

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