Passer au contenu

Test Moustache J.all : le poids de la qualité, le prix du cadre français

Révolutionner le vélo électrique, ramener la production en France et monter en gamme, tels sont les objectifs de Moustache avec sa gamme J et le J.all. Il n’en fallait pas moins pour nous donner envie de l’essayer.

Moustache Bikes a plus de 10 ans et affiche une forme aussi insolente qu’encourageante. Le constructeur de vélos 100 % électriques a réussi à se faire une place dans l’univers très fermé du vélo. Nous le répétons sans cesse, car c’est loin d’être simple. Il faut avouer que les ingénieurs s’inspirent de ce qui fonctionne (Riese & Muller, par exemple) et travaillent la géométrie dans les moindres détails pour aboutir à des cadres offrant du plaisir au pédalage. Le Moustache J.All est leur nouveau bébé, une grosse fierté, car le cadre, justement, est en quelque sorte un aboutissement pour Moustache et une petite révolution pour le vélo urbain, en mettant la barre du confort à une hauteur encore jamais atteinte. Mais cela se paie au prix fort, avec un poids qui pèse sur les bras et un coût qui pèse sur le compte bancaire. Allez, c’est parti pour l’essai !

Un cadre fabriqué en France

Le cadre en deux parties est évidemment la pièce maîtresse, une pièce qui confère un style massif. Ce cadre mérite son propre paragraphe car il joue à la fois la carte de l’écologie et celle de l’emploi en France.

D’ailleurs, nous avons publié un reportage à ce sujet sur le site. Pour résumer, le cadre utilise un système de moulage en coquille par gravité d’aluminium. Cette étape est réalisée à Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône. Puis l’usinage est effectué dans le Jura et le thermolaquage (pulvérisation de peinture chargée en électricité statique qui se fixe sur le métal par un effet magnétique) est appliqué.

À ce moment-là, vous vous dites que ce cadre a beaucoup voyagé. En effet, jusqu’à présent, les cadres venaient de Chine pour ensuite être thermolaqués puis assemblés. Avec ce nouveau procédé de fabrication, Moustache fait appel au savoir-faire français et réduit la distance de 15 000 km à 1 000 km.

On peut donc saluer l’effort du constructeur. Cela dit, ce n’est pas cela qui en fait nécessairement un bon vélo.

Le cadre est composé de deux parties. La particularité de la conception réside dans l’emplacement de la suspension centrale, qui place le moteur sur le bras oscillant. À cela s’ajoute le porte-bagages fixé à la partie suspendue. C’est inédit sur un cadre ouvert, et la résultante est une variation continue de la hauteur de selle. L’amplitude de la suspension de 115 mm ne change en rien le rapport de hauteur aux pédales, mais d’un point de vue sensations, le J.all donne l’impression de chevaucher une guimauve géante.

Notez, puisque nous sommes lancés, l’absence de soudure (forcément, le cadre est moulé), ce qui confère un visuel très propre et, mais c’est un avis personnel, très désirable. Puis, tant que vous avez le carnet en main, ajoutez en note que le réglage de l’amortisseur central Moustache Magic Grip Control à air nécessite une pompe spécifique et doit impérativement être réalisé selon votre poids.

Un design qui envoie du lourd

Oui, c’est massif, oui, ça en impose, et oui, c’est un design très clivant. La finition est superbe et ce noir mat est du plus bel effet. En dehors du cadre, nous pouvons admirer une fourche avant suspendue issue du monde de la descente VTT, qui offre 120 mm de débattement. Elle est verrouillable, et il est fortement recommandé de le faire sur un sol plat et lisse.

L’éclairage est intégré au cadre et sa puissance est très bonne, mais il manque un peu d’angle toutefois. Le feu arrière, de son côté, est décevant par sa qualité et son intégration.

Le porte-bagages est fixé à la tige de selle et propose des fixations QL3 (un standard). Il vous coûtera tout de même 200 euros. À cela, vous pouvez ajouter 100 euros pour un siège enfant. Mais le confort de bébé mérite bien ce petit extra financier.

Les pneus sont d’énormes Schwalbe Johnny Watts (et non Walker). Leur particularité réside dans la bande de roulement plus fine, dotée de crampons au relief nettement moins marqué, assurant un roulage mieux adapté à la route. Les côtés sont agrémentés de crampons plus hauts censés offrir une bonne adhérence sur les chemins de terre.

Le cintre est assez droit, ce qui n’est pas dans les habitudes de Moustache, qui utilise normalement des cintres au design éponyme.

Notre modèle d’essai arbore une transmission à courroie (en option à 800 euros). Le moyeu, positionné sur la roue arrière, donne l’impression d’un petit moteur supplémentaire. La batterie est amovible, intégrée, et se retire par le haut.

Le moteur Bosch Performance Line, de 75 Nm, est mis en valeur grâce à la suspension. Enfin, les garde-boues en métal sont de série. Robustes, ils se trouvent un peu trop près du pneu.

Caractéristiques techniques principales

  • Cadre en aluminium moulé
  • Amortisseur centrale à air Moustache Magic Grip Control de 115mm de débattement
  • Fourche suspendue SR Suntour XCR 34 Air de 120mm de débattement
  • Moteur Bosch Performance Line de 75 Nm de couple
  • Batterie 500 Wh de série ou 625 Wh en option (+200 euros)
  • Chargeur 4A
  • Transmission Enviolo à courroie (en option +800 euros)
  • Selle Royal Essenza
  • Tige de selle télescopique avec contrôle de la hauteur via une gâchette dédiée
  • Pneu Schwalbe Johnny Watts 27,5 x 2,6 pouces
  • Freinage hydraulique Alhonga à disque 180mm avant et arrière

Conduite : un confort qui fait prendre de la hauteur

Prenez un fauteuil club très moelleux, placez-le sur un cadre de vélo, et vous obtenez le J.all. Le confort est hallucinant, voire déstabilisant la première fois. La tige de selle télescopique, héritée du monde du VTT (on baisse la selle en entier pour offrir une plus grande liberté de mouvement), permet de pédaler avec la bonne hauteur de jambe et de poser le pied au sol lors de l’arrêt.

Les pneus ne sont pas les plus adhérents. Malgré une bande de roulement plus fine, les Johnny Watts n’ont pas vraiment assuré sur sol boueux. D’une part, parce que le milieu du pneu patine à cause de sa partie centrale fine, et d’autre part, parce que les garde-boues accumulent une pellicule de terre. Sur sol sec, en revanche, ils sont très performants.

Concernant les cailloux, le contrôle est correct, mais le poids génère une inertie non négligeable. Le paradoxe vient de l’absorption des vibrations qui ne permet pas de se rendre compte de la situation du pneu. Rien de grave, d’autant que le corollaire est, encore et toujours, un confort.

La position de conduite est légèrement inclinée, un poil dynamique. Le J.all n’est pas un vélo hollandais. Mais rien de fatigant, au contraire. Cette cambrure offre un meilleur contrôle du vélo.

Les freins ne sont pas les traditionnels Shimano MT200. Point de Tektro non plus. N’empêche qu’ils font très bien l’affaire et ont permis de stopper le cycliste d’un quintal, le vélo de 33 kg, dans une descente raide (un bon 15% facile), lancé à environ 50 km/h, en environ 14 mètres. Le freinage est d’ailleurs progressif avec une belle amplitude. C’est un bon choix. Peut-être que l’égo aurait préféré un petit Shimano pour justifier le prix, mais ce serait alors purement psychologique.

Qui dit hauteur dit franchissement d’obstacles élevés. Honnêtement, même sans être un pro du trial ou du freestyle, vous réussirez à monter deux marches et à en descendre une centaine, cela sans effort et avec le luxe de laisser vos fesses sur la selle.

Niveau performance, le moteur Bosch Performance Line nouvelle génération affiche fièrement un couple de 75 Nm. Sur le papier, ça annonce du lourd. Dans la réalité, c’est nettement moins le cas. Les raisons sont nombreuses et logiques : le tout suspendu, avec un tel débattement qui plus est, absorbe une bonne partie de l’énergie. Pour le comprendre, désactivez l’assistance et pédalez. La seconde raison vient des pneus qui, de par l’abondance de gomme et leurs sculptures, n’incarnent pas l’efficience. Enfin, le poids du vélo est conséquent. Tout ceci mis bout à bout donne une performance très correcte dans la majorité des cas, mais qui devient limitée quand ça monte beaucoup. Évidemment, au-delà des 25 km/h, augmenter la vitesse demande beaucoup d’efforts pour peu de résultats. De quoi décourager.

Le cintre est vraiment agréable. Les poignées sont confortables. La direction est précise et la géométrie du cadre permet d’insuffler un peu de dynamisme. On peut même faire un wheeling sans trop se forcer.

Maintenant, abordons le dernier point et non des moindres : la transmission. Dans notre modèle d’essai, nous avons eu droit à de l’Enviolo. C’est une transmission par courroie qui offre la possibilité de changer le rapport ou plutôt la résistance de pédalage à l’arrêt. C’est très pratique puisqu’on n’a plus besoin de rétrograder avant de s’arrêter. Mieux, le côté analogique de la chose permet d’ajuster finement le degré de résistance. L’inconvénient réside justement dans la gestion de l’effort aux jambes. Un rapport engagé sur une transmission à chaîne implique de donner une impulsion avec les jambes. Avec l’Enviolo, ce ne sera pas le cas.

Évidemment, on retrouve l’assistance Bosch et sa capacité à procurer une sensation naturelle de pédalage. Bosch est actuellement au-dessus de la concurrence sur ce point. Avec le mode Auto du Smart System, le plaisir a franchi un cap, car l’assistance s’adapte à la perfection à la pression exercée sur la pédale.

Une autonomie moyenne surtout avec une batterie 625 Wh

Comptez 40 km en mode turbo. Si le cycliste pesait 100 kg, dites-vous que la température de 25°C était idéale pendant l’essai. En hiver, ce sera donc 43 km. Ce n’est pas énorme, surtout compte tenu de la batterie 625Wh (option à 200 euros) de notre modèle d’essai. Heureusement, le système Bosch Smart System propose un mode Auto qui rallonge l’espérance de trajet à 70 km théoriques ou, dans la réalité, une moyenne de 55 km sur plusieurs cycles.

La recharge est longue, avec un bon 4h pour un cycle complet malgré le chargeur 4A. Nous vous conseillons d’ailleurs de vous limiter à une recharge de 20% à 100% si vous partez de suite, et de 20% à 80% si vous partez plus tard.

Le Bosch Smart System avec le support smartphone : c’est beaucoup mieux

Les écrans fournis par les motorisations Bosch sont jolis, à défaut d’être hyper efficaces. Nous avons donc décidé d’utiliser notre smartphone, un Samsung S23 Ultra. Pour cela, Bosch propose un support en option. Jusque-là, rien de spécial. Et pourtant, ça change tout !

Le support offre la recharge par induction en puisant dans la batterie du vélo. Et non, cela n’affecte que très peu l’autonomie. Alors imaginez d’ailleurs à quel point cela n’a aucune influence sur une voiture électrique. D’ailleurs, le vent refroidit votre smartphone. Mais le point intéressant réside dans la stabilité du Smart System. Alors que l’utilisation des écrans provoquait parfois des bugs, l’usage du smartphone n’en a généré aucun. Mieux encore, il n’y avait aucune latence entre les modifications apportées sur le téléphone et leur effet sur le vélo.

Moralité : si vous envisagez d’utiliser le Bosch Smart System, optez pour le support smartphone. Par ailleurs, la grande dimension du S23 Ultra n’a posé aucun problème. La conception du support empêche d’appuyer accidentellement sur les boutons, cependant, ils deviennent inaccessibles. Et c’est précisément un inconvénient avec ce modèle : si vous souhaitez avoir accès aux boutons du smartphone, vous serez contraint de le décaler. Il tiendra sans souci, mais la recharge par induction ne se fera plus.

Des concessions importantes

Nous concluons cet essai en abordant les compromis imposés par ce Moustache J.all. La première concession est évidemment son prix. Notre configuration d’essai, incluant la batterie 625Wh, le porte-bagage, la transmission Enviolo et le support smartphone, approche les 6500 euros. Pour une telle somme, on pourrait s’offrir un vélo cargo longtail, un scooter 125 et une trottinette (et oui, les trois à la fois) sans pour autant se limiter à l’entrée de gamme. Cependant, il est rassurant de penser que le J.all garantit une durabilité impressionnante (c’est littéralement un tank) et qu’un objet durable qu’on utilise intensivement vaut (peut-être) mieux que trois objets moins résistants et moins utilisés.

La deuxième contrainte est incontestablement le risque de vol. Un vélo comme celui-ci suscite la convoitise. Même si Bosch propose un système de traçage en option, l’idée de devoir chercher sans garantie de retrouver un vélo équivalant à six mois de salaire minimum n’est guère rassurante. De plus, la conception unique du vélo ne facilite pas l’ajout d’un antivol robuste. Il est donc indispensable de disposer d’un endroit sécurisé pour le ranger.

N’espérez pas trop vous dépenser avec ce vélo. Là où certains vélos électriques peuvent vous donner envie de désactiver l’assistance pour transpirer un peu, le J.all n’offre pas cette tentation. Vous serez donc limité à une vitesse de 25 km/h, ce qui n’est pas forcément un inconvénient.

Au final, bien qu’il n’y ait pas de défaut majeur si vous avez le budget nécessaire, nous sommes encore loin du vélo parfait – s’il existe un jour.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

Notre avis

Vous êtes à la recherche d'un confort incomparable ? Vous souhaitez prioriser votre sécurité et celle de votre passager sur la route ? Vous désirez ramener vos courses, y compris des œufs, en toute quiétude ? Si vous avez un endroit sécurisé pour garer votre vélo, si vos trajets n'excèdent pas 40 km par temps froid, et que vous êtes prêt à investir 6 000 € dans un moyen de transport capable de parcourir 10 000 km par an pour une simple poignée d'euros d'électricité, alors le Moustache J.all est fait pour vous. Il représente l'excellence en matière d'expérience urbaine, du moins jusqu'à la sortie du modèle J.on, encore mieux adapté à la ville. Son confort de conduite et sa qualité de fabrication sont irréprochables.

Cependant, si même une seule de ces conditions n'est pas satisfaite, ce vélo pourrait ne pas être le choix optimal. En dépit de ses nombreuses qualités, son poids important, son coût élevé (même s'il est justifiable) et son autonomie limitée peuvent être des freins pour certains. Bien que le vélo soit impressionnant, il y a toujours place à l'amélioration. Et son design "Trail", inspiré des motos, pourrait être superflu, surtout en comparaison avec le J.on, conçu pour un usage purement urbain.
Note : 8  /  10

Les plus

  • Confort
  • Robuste et bien fini
  • Assistance au pédalage naturelle
  • On vous a dit qu'il était confortable ?

Les moins

  • Prix élevé
  • Poids élevé
  • Autonomie juste
3 commentaires
  1. Bravo le Journal du Geek pour cet essai complet qu’on attendait avec impatience. Un modèle innovant qui attire l’oeil mais qui reste encore à un tarif assez exclusif.
    En attendant, dommage de ne pas mettre plus en lumière les marques françaises qui ont choisi de fabriquer également en France (des séries moins importantes que Moustache) en proposant une vraie philosophie environnementale en travaillant l’acier et non l’aluminium (plus émetteur de CO2 et consommateur en eau que l’acier).
    Vous en doutez, découvrez les VAE Radior, labellisés Origine France Garantie et proposant jusqu’à 90% de fabrication française sur l’ensemble des composants du vélo et respectueux de l’environnement 😉 (moins lourd, moins cher qu’un J et 200km pour la fabrication du cadre…)

    1. A ce prix, ils auraient dû mettre un moteur digne de ce nom, pas une lavette de 75 n/m .Désolant , affligeant ….et , rédhibitoire . Pendant ce temps, ultima et radior mettent un moteur Valeo de 130 n/m avec une boîte effigear ! ..Et pour moins cher !!! Cherchez l’erreur…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *