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Notre sélection des 10 meilleures comédies françaises de ces trente dernières années

Que serait le cinéma français sans la comédie populaire ? À n’en pas douter une entité très différente. Si l’on se penche sur les plus gros succès du box-office hexagonal, on remarque que seules des comédies françaises y figurent (Qu’est ce qu’on a fait au bon Dieu, Taxi 2, Le Corniaud,…).  Aujourd’hui, on vous propose de revenir sur 10 des meilleurs films hexagonaux du genre.

Conspuée par certains, adulée par d’autres, la comédie franchouillarde cristallise en vérité de vieilles oppositions idéologiques voyant notamment cinéma populaire et cinéma dit d’auteur se défier inlassablement. On se souviendra à ce propos du boycott opéré par Danny Boon lors de la cérémonie des Césars en 2009 où l’acteur/réalisateur reprochait à l’Académie des Césars de n’avoir attribuée qu’une seule nomination à Bienvenue chez les Ch’tis. Des rapports artistiques et commerciaux qui ne semblent pas nécessairement avoir évolué aujourd’hui.

Pour ce classement (évidemment non exhaustif) de la rédaction, n’ont été retenues que les comédies françaises datant des années 1990 à nos jours et incarnant, pour la plupart, les rapports de force idéologiques et économiques précédemment cités.

Ne soyez donc pas surpris de ne pas retrouver des classiques tels que Les Bronzés, Le Père Noël est une ordure, ou encore n’importe quel film avec Louis de Funès. En revanche, vous pourrez ici croiser les noms des non moins prestigieux Christian Clavier, Albert Dupontel, Alain Chabat, ou encore, Jean Reno.

10. Bienvenue chez les Ch’tis – 27 février 2008

Bienvenue chez les Ch’tis, c’est d’abord le film de tous les records. En cumulant plus de 20 millions d’entrées (précisément 20.435.557 spectateurs), le métrage a littéralement explosé le record de 14 millions, détenu jusqu’alors par La Grande Vadrouille de Gérard Oury. Un record qui à l’époque, avait dopé à lui seul l’ensemble du cinéma français. La fréquentation des salles avait en effet augmenté de 49,1 % en 2008, par rapport à 2007. Des chiffres colossaux.

Mais au-delà de son imposant succès, que dire du film lui-même ? Il est impossible de balayer d’un revers de manche l’ahurissante ascension économique du métrage et le véritable phénomène populaire qu’il est devenu.  Mais il est tout aussi impossible d’affirmer que cela n’est que hasard. Le film de Boon est d’abord un film parfaitement maîtrisé dans son écriture. Bien qu’il soit dénué d’une véritable tension dramatique et d’enjeux forts, le métrage réussit indéniablement à amener le spectateur dans son univers par le biais de son personnage principal venant du Sud.

Toute la caractérisation du Nord est brillamment amenée. L’humoriste traitant sa région comme un film quasi-fantastique (les trombes d’eau surréalistes lors de l’arrivée de Philippe Abrams/Kad Merad, le décor gris et froid évoquant presque le village de Nosferatu…) et parvient à créer un jeu de contraste jouissif entre les premières minutes de son métrage et ce qui s’ensuit.

Bienvenue chez les Ch’tis propose enfin un sous-texte social avec un personnage (Kad Merad) de classe moyenne apprenant les valeurs d’un groupe de personnages de classe populaire.

L’accent Ch’ti devenant finalement le vecteur de la conversion du héros en homme “vrai”. C’est à dire en protagoniste qui épouse les codes du peuple du Nord et qui apprend, en même temps qu’un langage qui lui est étranger, une nouvelle vision du monde. Celle de la classe populaire, certes plus rustre, mais décrite chez Boon comme plus authentique que la classe moyenne. Les Tuches sauront s’en souvenir.

“Je voudrais la création d’un César de la meilleure comédie”, avait déclaré sur RTL Danny Boon lors de son boycott pour les Césars en 2009. «Il faut aussi savoir reconnaître le succès d’un film», avait-il ajouté, soulignant-là les oppositions bien ancrées entre un cinéma populaire fonctionnant sur le plan commercial et un cinéma dit élitiste bien souvent incompris. Dans un communiqué, le conseil d’administration des Césars s’était de son côté expliqué en ces termes face à la demande et aux réprimandes de Danny Boon :

«Lors de sa séance du 6 novembre 2009, le Conseil d’Admi­nis­tra­tion de l’Académie des Arts et Tech­niques du Cinéma a débattu de la création d’un César supplémentaire pour les films ayant réalisé un grand nombre d’entrées en salle. Aucune des propositions étudiées n’ayant été retenues, le Conseil a décidé à l’unanimité de ne pas modifier le nombre et le mode d’attri­bu­tion des vingt trophées pour la Céré­mo­nie 2010 »

Pas sûr que plus de dix ans après la sortie de Bienvenue chez les Ch’tis les choses aient réellement changé.

9. Bernie – 27 novembre 1996

Premier film pour Albert Dupontel. L’artiste français incontournable n’aura ensuite de cesse de proposer des projets aussi fous qu’en marge du reste du tout-venant de la production française. Avant de mettre en scène Enfermé dehors, Le créateur ou encore Au revoir là-haut, l’acteur-cinéaste réalisait ainsi Bernie. L’histoire d’un orphelin âgée de 30 ans décidant de partir à la recherche de ses origines. De ce postulat de départ, Dupontel en tire une sorte de quête hystérique à la fois drôle, poétique et dérangeante.

“Bernie est une farce, plus agressive, plus violente dans la forme et le fond”, déclarait le réalisateur lors d’une interview publiée sur le site de L’ouvreuse. Ces mots résument assez bien ce qu’est fondamentalement Bernie. À savoir une oeuvre transgressive, que son faible budget rend encore plus ‘’rugueux’’ et organique. En suivant le parcours d’un marginal névrosé répandant la violence sur son passage, Dupontel semble organiser un règlement de compte avec le monde et la société occidentale.

On retiendra parmi les moments les plus mémorables du film, cette cartouche de fusil à pompe assénée en plein visage d’un député, ou encore les différents coups de pelle reçus par une femme de service dans la tête.

Le dernier acte du métrage évoque quant à lui une sorte de Pierrot le fou et de Bonnie and Clyde façon Sam Raimi des débuts, couplés à une certaine mentalité anarchiste que l’on pourrait rapprocher, en terme de liberté, à celle d’un Gaspard Noé (Carne, Seul contre tous, Enter the void,…).

Durant le film, on peut entendre la réplique suivante : “C’est la société qu’est bien foutue. Ils mettent des uniformes aux connards pour qu’on puisse les reconnaître”. Une réplique radicale pour un film qui l’est tout autant.

8. La cité de la peur – 9 mars 1994

Dans les années 80, Alain Chabat, Chantal Lauby et Dominique Farrugia forment un trio d’humoristes à la télévision plus connu sous le nom Les Nuls. Après avoir réalisé des fausses publicités, des parodies et des sketches en tout genre, les trois personnalités, alors au sommet de leur popularité, effectuent le grand saut de la petite lucarne au grand écran. L’expérience accumulée avec la création de concepts tous plus drôles et fous les uns que les autres pour Canal Plus est mise à profit: le trio créé, avec le réalisateur Alain Berbérian, une œuvre hors norme.

La Cité de la peur se caractérise dans un premier temps par un humour particulier qui en décontenança plus d’un à sa sortie. Le scénario jouant en effet en permanence avec le décalage et l’absurde dans un monde à la fois très proche du nôtre (même époque, même pays) et totalement transformé par Chabat et ses partenaires (les seize sucres dans le café, la photo du chien confondu avec un projectionniste décédé…). Comme si le spectateur se trouvait plongé dans une dimension parallèle complètement loufoque où les règles les plus élémentaires de logique avaient été abolies.

Mais la grande spécificité du métrage, c’est sans doute son caractère méta. Méta-réflexif, le film l’est ainsi à plus d’un titre. Le film propose effectivement un jeu permanent avec le cinéma. Lors de la séquence de la montée des marches au Festival de Cannes, le montage de la scène ajoute un effet de ralenti. Lorsque celui-ci s’achève, l’un des commentateurs continue de s’exprimer au ralenti.

Ce à quoi sa collègue répond : «Arrêtez Jean, c’est fini ». Le film se met lui-même en abyme par le biais de ses personnages parfois conscients qu’ils se trouvent dans une fiction. Un humour qui semble par conséquent libéré du médium même dont il est issu.

Enfin, le métrage est évidemment un hommage aux différents genres cinématographiques dont Alain Chabat a toujours été un fervent admirateur. Santa et cie, avec son mélange de contes de Noël pour enfants, de comédie fantastique à l’américaine et de film d’auteur français à tendance sociale en est le parfait exemple. Le slasher, le polar, la comédie absurde,…tous se côtoient ainsi joyeusement. La densité dont fait preuve La Cité de la peur en terme de références et d’influences au 7e art a finalement peu d’égal dans le paysage audiovisuel français. Preuve en est, le générique de fin du métrage qui rend encore plus foisonnant l’humour méta du film en inscrivant notamment « Gérard Lanvin coupé au tendon sinon il était dans le film ». Pas si mal pour un film de Nuls.

7.La Tour Montparnasse infernale – 28 mars 2001

En mélangeant diverses influences, du cinéma hollywoodien à grand spectacle à l’humour de sitcom façon H (la série télévisée), La Tour Montparnasse infernale est une succession de séquences anthologiques aussi débiles que jouissives. On pense bien évidemment par exemple à cette parodie de Matrix où le duo de comiques reprend la célèbre scène où Néo esquive en bullet time des balles de revolver en se penchant en arrière. Ou encore ce passage citant Bruce Lee et le mythique combat du Jeu de la mort opposant la star asiatique à Kareem Abdul-Jabbar.

Empruntant beaucoup au chef-d’œuvre des frères Farelly, Dumb et Dumber, La Tour Montparnasse infernale vaut bien plus que son image de petit plaisir coupable. En convoquant à peu près tous les styles d’humour cinématographiques, Eric et Ramzy et le réalisateur Charles Nemes parviennent à créer une sorte de comédie ultime sans cesse surprenante et profondément attachante pour peu que l’on soit réceptif à la crétinerie assumée du script. On y croise ainsi du burlesque, du slapstick, de la parodie, du pastiche, du comique de mots… Le tout mixé dans une ode à la bêtise ne flattant sans doute pas assez l’égo de toute une élite culturelle française pour qu’elle puisse reconnaître le talent du duo de comique.

Pour toute une génération pourtant, le premier effort d’Eric et Ramzy sur grand écran est une œuvre culte. Sortie dans un contexte historique favorable à l’accueil d’un projet aussi insouciant que régressif (dans le bon sens du terme), La Tour Montparnasse infernale est, avec Brice de Nice et La Beuze, symptomatiques de la France apaisée du début des années 2000 alors championne du monde de football 3 ans plus tôt. Avec 2 millions d’entrées, le métrage marquait ainsi l’apogée du « mythe de la France black-blanc-beur ».

Finalement, il est plutôt cohérent, dans ce contexte, que la suite du film, La Tour de contrôle 2, se déroule non plus au sommet de la capitale, mais dans un aéroport lugubre mis en scène dans une ambiance nocturne parfois à la limite du cauchemar absurde. On pense ainsi davantage à la série Platane et son univers plus malaisant que réellement amusante (façon Ricky Gervais) qu’au film original d’Eric et Ramzy. À croire que le duo de comiques aura, en deux décennies, dépeint les deux facettes d’un pays autrefois insouciant et désormais profondément désenchanté. A chaque époque, ses héros.  

 

6. Les trois frères – 13 décembre 1995

À la manière des Nuls avec La Cité de la peur, Les Inconnus, après s’être fait connaître avec leurs sketchs tous plus cultes les uns que les autres, décident d’écrire leur premier long métrage pour le cinéma en 1995 (à l’exception de Pascal Légitimus qui se contentent de la fonction d’acteur). Ce sont également deux d’entre eux, Didier Bourdon et Bernard Campan, qui réalisent ici le film. César de la meilleure première œuvre l’année suivante, Les Trois Frères réalisent un score de six millions d’entrées au box-office français avec un budget avoisinant les sept millions d’euros. Indéniablement une très belle performance économique.

Comme tout bon “classique”, Les Trois Frères est un film qui résiste au temps. Cette histoire de trois hommes se rendant compte qu’ils sont frères et qu’ils viennent de toucher un héritage de 3 millions d’euros fonctionne encore plus  de vingt ans après sa création. Sans doute car le soin apporté à l’écriture des personnages n’a pas bougé, que les séquences touchantes semblent toujours aussi sincères et que l’humour des Inconnus demeure aussi efficace que moderne.

Aux répliques qu’on ne présente plus (“c’est la caca, la cata, la catastrophe”), s’ajoute un sous-texte social se révélant le plus souvent dans les séquences les plus hilarantes du film. Comme ce passage chez le notaire se moquant du jargon financier et administratif (lorsque le mot d’usufruit surgit dans la conversation, le personnage de Bourdon, agacé, réplique par un : “Je comprends pas l’histoire de jus de fruit”).

De même, le stéréotype du beauf français raciste est passé au crible dans cette séquence mémorable où Pierre Meyrant interprète un vieux réactionnaire en déclarant : “C’est pas la question Geneviève, aujourd’hui en France tout va à vau-l’eau ! On favorise les bons à rien, les parasites ,(…) Et ça rapporte à qui tout ça, je vous le demande ! Aux métèques, aux bicots, aux rastaquouères, j’ai pas raison ?!” Des dialogues évoquant autant la France d’hier que celle d’aujourd’hui et qui permet aux Trois frères de s’ancrer encore un peu plus dans notre culture populaire.

5. Intouchables – 2 novembre 2011

Inspiré de la vie de Philippe Pozzo di Borgo et de Abdel Yasmin Sellou, Intouchables sort au cinéma en 2011. Avec 19,44 millions d’entrées, le film devient le deuxième plus gros succès au box-office pour un film français, juste derrière Bienvenue chez les Ch’tis. Mieux encore, le métrage devient rapidement le plus gros succès du cinéma hexagonal dans le monde en battant le record jusqu’alors détenu par Le Cinquième Elément de Luc Besson. Des records impressionnants et imprévisibles qui viennent pourtant sacrer une œuvre extrêmement bien travaillée, tant sur le plan scénaristique que sur celui de l’interprétation de ses deux comédiens principaux (Omar Sy et François Cluzet sont fabuleux, on ne reviendra pas là-dessus).

Ce qui surprend dès lors dans Intouchables, c’est le soin apporté à son scénario. L’humour y est omniprésent et le soin apporté à l’écriture des deux protagonistes est véritablement salvateur. Et cela pour une raison simple. Philippe, le milliardaire tétraplégique et Driss, l’auxiliaire de vie venue de banlieue, existent aux yeux des spectateurs. Ils ne sont jamais traités comme des caricatures, mais comme de véritables héros de comédies dramatiques.

De plus, en refusant tout misérabilisme, en croyant aux destins de leurs héros et en injectant une ambiance souvent euphorisante culminant notamment dans une superbe scène de parapente, les auteurs d’Intouchables transcendent le métrage pour en faire un grand feel good movie toujours premier degré et jamais parodique et/ou cynique.

« La morale du film est que l’avenir de la France passe par les banlieues » disait le critique Hervé Gattegno. Pourtant, le métrage de Nakache et Toledano dépasse très largement ce sous-texte social un brin réducteur pour asseoir sa portée à un autre niveau. Car Intouchables est surtout un récit universel calqué sur le modèle américain parlant de l’amitié et du triomphe du rire sur l’absurdité. L’absurdité d’une condition physique, d’une classe sociale ou encore d’une distinction de couleur de peau. Tout le cœur du film est ici : dans sa propension à nous faire lâcher prise et nous rappeler ce qu’est le cinéma. Ce dernier étant moins, chez le duo de réalisateur, un moyen de dresser le portrait d’un monde parfait dont on essaierait de nous faire croire qu’il est réaliste qu’une image allégorique de ce qu’il devrait être.

4. Le diner de cons – 15 avril 1998

En 1998, Francis Veber porte à l’écran sa propre pièce de théâtre, Le Dîner de cons. L’année suivante, le film se retrouve nommé six fois aux Césars et obtient trois prix. Jacques Villeret et Daniel Prévost sont ainsi récompensés pour leur mémorable interprétation et le scénario reçoit la distinction du « meilleur scénario originale ou adaptation ». Avec plus de neuf millions d’entrées, le film devient le deuxième plus grand succès de l’année 98, juste derrière un certain film de James Cameron intitulé Titanic. Une consécration publique et critique pour une œuvre culte et figurant aujourd’hui dans le panthéon des meilleures comédies françaises.

J’en tiens un” dit Jean Cordier (Edgar Givry) au téléphone à Pierre Brochant (Thierry Lhermitte) “Comment est-il ?” demande ce dernier. “Un champion du monde” répond Cordier. C’est par ces quelques répliques que débute la comédie. Des répliques si hilarantes qu’elles évoquent, dans les moments les plus marquantes du film, le meilleur de la screwball comedy, un sous-genre cinématographique et humoristique caractérisé, entre autres, par des quiproquos et des enjeux de vaudeville. En témoigne ce fameux dialogue se basant sur un malentendu : “Il s’appelle Juste Leblanc.

Ah bon, il n’a pas de prénom ?

Je viens de vous le dire Juste Leblanc… Votre prénom c’est François, c’est juste ? Eh bien lui c’est pareil, c’est Juste.”

https://www.youtube.com/watch?v=u8FOJEzdYAs

Mais au-delà de l’efficacité de son rythme (la durée du film n’est que d’une heure et vingt minutes), de son tempo comique et de ses acteurs en état de grâce, Le Dîner de cons est également une œuvre plus complexe oscillant constamment entre la farce et la fable, le tout en demeurant parfaitement cohérente. En effet, deux stupidités s’opposent ici chez Francis Veber. L’une, celle de Pignon, est pure. L’homme est un idiot, mais un idiot parfaitement inoffensif et humainement bon. L’autre, celle de Brochant, est méchante et moralement douteuse.

Le protagoniste est certes ‘‘intelligent’’ et jouit d’une culture certaine, mais il est également un bourgeois cynique et profondément méprisant. Ainsi, le film se fait fable lorsqu’il donne au personnage de Pignon le rôle de l’abruti au grand cœur capable de remettre en question la vision du monde de Brochant et d’envisager son repentir. En revanche, la chute du métrage, et sa célèbre réplique finale (« Mais quel con ! ») renverse une fois de plus la hiérarchie de l’idiotie. En ne sauvant au final aucun de ces deux personnages principaux, Veber semble dresser le portrait d’une stupidité universelle bel et bien immuable.

3. OSS 117 – 19 avril 2006

Les deux opus réalisés par Michael Hazanavicius ont marqué le cinéma français des années 2000. En offrant à Jean Dujardin l’un des rôles de sa vie, le réalisateur du Redoutable a fait de son personnage d’espion franchouillard une figure culte désormais bien ancrée dans la culture populaire hexagonale.

En renvoyant autant au Jean Paul Belmondo période Le Magnifique qu’au James Bond de Ian Fleming, OSS 117 fait de son protagoniste une véritable icône de la comédie moderne. L’un des exploits que parvient à accomplir le film, c’est effectivement de faire évoluer son récit dans un univers mythologique à la fois connu et nouveau aux yeux du spectateur. Tout le génie d’Hazanavicius résidant ici, dans ce talent pour le pastiche, cette manière de reproduire de célèbres codes cinématographiques pour mieux les détourner. Et ainsi créer quelque chose d’original et profondément moderne. Comme Tarantino dans une autre mesure, qui en recyclant sa cinéphilie, semble pourtant tout inventer.

https://www.youtube.com/watch?v=KSnoKZuKUgU

Il faut aussi noter ce talent pour la reconstitution historique, à la fois celle, diégétique, du récit se déroulant dans une époque passée, mais aussi celle des méthodes de fabrication d’un film des années 50-60. Encore plus que dans Le Caire Nid d’espions, Rio ne répond plus fait preuve d’une virtuosité dans la mise en scène qui met à l’amende la grande majorité des productions françaises. On retrouve ainsi une utilisation intelligente du split-screen et de cadres plus chargés et colorés que dans le premier volet réalisé par Hazanavicius. Du pur cinéma référencé, bien fabriqué, et n’oubliant à aucun moment de se trouver une réelle identité.  

2. Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre – 30 janvier 2002

Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre sort en 2002 et devient un succès populaire immédiat. Pourtant, avec le recul, on ne peut que constater que le film possède les qualités de ces défauts, à commencer par ses nombreuses blagues aujourd’hui plus ou moins datées. Si lors de la sortie en salle de cette suite du Astérix de Claude Zidi, le gag sur Iténeris fonctionnait à merveille, il est plus compliqué d’en dire autant aujourd’hui où le service de téléphonie mobile n’existe plus au profit d’Orange. Cependant, comment ne pas encore être conquis par d’autres références, plus intemporelles et créant ce fameux décalage dans la tonalité propre à l’esprit des Nuls, telles que cette séquence citant Star Wars où Dieudonné déclare, dos à la caméra avec un casque évoquant Dark Vador : « Nul ne peut bafouer l’empire ! Quand on l’attaque, l’empire contre attaque » (musique de Williams à l’appui).

Mais là où le film se fait le plus impressionnant, c’est bien dans sa nature de blockbuster français n’ayant pas grand-chose à envier dans sa mise en scène à un long métrage hollywoodien. Chabat parvient à parfaitement recréer toute la folie de la bande dessinée d’origine en utilisant intelligemment ses effets spéciaux et son budget pharaonique (le plus cher accordé à l’époque pour un film tourné en langue française). En découle alors une sorte de cartoon live spectaculaire à mi-chemin entre les Monty Python et un pastiche de péplum façon Cécile B. DeMille. L’ampleur du métrage est, à sa sortie, inédite.

Sous un regard plus théorique, le film est également une métaphore du cinéma où le peuple gaulois, qui symbolise la France, remporte le défi impossible lancé par Cléopâtre de construire un palais en l’espace de trois mois pour prouver à César (l’incarnation de l’Empire, qui peut être vu ici comme l’allégorie de l’entertainment américain) la puissance de la civilisation égyptienne. De plus, la reine incarnée par Monica Bellucci évoque ici la figure du producteur tandis que les personnages des Gaulois font penser à l’équipe du film devant terminer un projet colossal dans des délais impartis. Quant à Alain Chabat/Jules César, il occupe un rôle ambivalent. Celui d’un empereur/réalisateur se regardant se défier lui-même et perdant une bataille fictive pour mieux remporter un combat quant à lui bien réel. Mission Cléopâtre fit exploser le box-office avec 14 559 509 entrées en France.

C’est sans doute la meilleure adaptation du petit Gaulois moustachu créé par Uderzo et Goscinny à avoir vu le jour avec le dessin animé Les douze travaux d’Astérix.

1. Les visiteurs – 27 janvier 1993

L’année 1993 fut, pour le cinéma français, l’occasion de voir naître une petite comédie fantastique qui allait, sans prévenir, marquer durablement le box-office et la culture populaire hexagonale. Avec plus de 13 millions d’euros engendrés, Les Visiteurs est encore à ce jour l’un des plus gros succès de toute l’histoire du cinéma français (juste derrière le Astérix de Chabat et juste devant Qu’est ce qu’on a fait au bon Dieu ?). 

Dans sa critique du 29 janvier 1993, Claude Baignières ne semble pourtant pas aussi convaincu par le métrage que les spectateurs de l’époque. L’homme déclare en effet: “De mémoire de cinéphile, on n’a jamais vu le cinéma français investir autant d’argent dans un film qui n’est, somme toute qu’une bonne grosse farce” Malgré tout, le critique reconnaît les qualités du réalisateur Jean-Marie Poiré. Selon lui, le cinéaste “nous livre des images époustouflantes sur un rythme truculent”. Une manière comme une autre de nuancer une pensée globalement négative.

Merci la gueuse. Tu es un laideron, mais tu es bien bonne”, “Mais qu’est ce qu’elle a cette conne à me parler de papa ?” ou encore “Que trépasse si je faiblis” sont autant de répliques à jamais ancrées dans la conscience collective française. Ce sens du dialogue, du rythme et de la réelle folie du film (Clavier semble totalement possédé dans le rôle de Jacquouille et le montage du film va à cent à l’heure) on le doit au duo de scénariste Jean-Marie Poiré/Christian Clavier, déjà responsable quelques années plus tôt de L’opération Corned-Beef et de Papy fait de la résistance (avec Martin Lamotte à l’écriture également).

La force du film réside quant à elle dans le concept même de l’oeuvre, tenu de la première à la dernière minute. Cette idée, c’est celle de jouer sur le décalage humoristique entre deux époques, en l’occurrence le Moyen-Age et la France des années 90. Si Star Trek IV : Retour sur terre, sortie plusieurs années avant Les Visiteurs, utilisait déjà ce sujet en envoyant Spoke et Kirk sur la terre en 1986, le film de Poiré parvient à littéralement transcender le concept au travers d’un enchaînement de gags phénoménaux et d’une musique fabuleuse signée Eric Lévi. Culte.

Même s’ils n’ont pas été retenus pour ce classement, on retient également

Didier et Santa et cie d’Alain Chabat
Babysitting 2 de Philippe Lacheau et Nicolas Benamou
Rock n’ Roll de Guillaume Canet
Brice de Nice de James Huth
Les 11 commandements de François Desagnat et Thomas Sorriaux
La vérité si je mens 2 de Thomas Gilou
Jean Philippe de Laurent Tuel

Mention spéciale à Taxi de Gérard Pirés

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