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Tout le monde peut-il encore vivre du développement de jeu vidéo ?

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La plupart des signaux semblent indiquer qu’une crise des indépendants sur Steam, la principale plateforme d’achat et de publication de jeux sur PC, est en train…

La plupart des signaux semblent indiquer qu’une crise des indépendants sur Steam, la principale plateforme d’achat et de publication de jeux sur PC, est en train de se préparer. Les jeux publiés chaque mois sont de plus en plus nombreux et la base des joueurs n’augmente pas. Les nouveaux arrivants se tirent la bourre entre eux, mais ils sont également concurrencés par la masse des jeux déjà sortis (le fameux back catalog), mais également par d’autres types de divertissements liés aux jeux vidéo (Twitch, Youtube). Car certaines études tendent à montrer que ce ne sont pas les ressources pécuniaires qui sont le facteur limitant, mais bien le temps que chaque joueur peut consacrer au jeu vidéo.

Ceci est vrai pour le PC, mais qu’en est-il du marché console ? Les différents constructeurs tentent chacun d’attirer les développeurs indépendants sur leurs plateformes en limitant les contraintes et sans demander un seul centime de leur part. C’est en tout cas comme cela que ça se passe avec le programme ID@Xbox, lancé l’année dernière et dont l’image complètement opaque lui porte parfois préjudice.

« Pouvez-vous expliquer en deux mots ce qu’est ID@Xbox ? Parce que je suis à peu près sûr que personne, pas même les développeurs indés, n’a compris de quoi il s’agissait.

– Vous avez absolument raison. » me répond Agostino Simonetta, responsable Europe du programme, « Les gens n’ont pas très bien compris en quoi consiste ID@Xbox et mon rôle est de me déplacer partout où il y a des développeurs pour leur expliquer. C’est un programme ouvert dans lequel nous voulons donner aux développeurs le plus de conseils possible pour publier leurs jeux sur nos plateformes.»

Cet Italien résolument passionné et guilleret, qu’il était possible de croiser sur le salon Microsoft de la Paris Games Week, sait que non seulement beaucoup de développeurs ne connaissent pas la politique bien plus ouverte qu’avant de Microsoft, mais sait également qu’ils sont pour la plupart effrayés par n’importe qui arborant un badge Microsoft.

« Je suis allé aux EIGD [NDR : Colloque de deux jours où se rencontrent les développeurs indépendants. Il se déroule à Montreuil et s’est tenu cette année les 26 et 27 octobre] et c’est vrai que les développeurs indépendants ont peur de nous. Il faut leur dire : “OSEZ ! Venez nous parler !” »

Il arrive parfois que certains développeurs se plaignent des difficultés qu’ils rencontrent pour obtenir des devs kits, mais Simonetta ne comprend pas comment cela est possible.

« On ne restreint pas les devs kits. On essaye d’en donner autant que possible. Si des développeurs veulent faire partie d’ID@Xbox et qu’ils n’arrivent pas à obtenir un dev kit, qu’ils viennent me voir directement sur Twitter ! Ou même Chris [NDR : Chris Charla, responsable général du programme ID@Xbox] ! Ou même Phil Spencer ! »

Cette grande ouverture n’a qu’un but : abaisser au maximum les barrières. Il y a une vraie volonté de ne plus brider la création des petits développeurs et leur permettre un accès aux plateformes de téléchargement. On est ainsi loin de la situation ubuesque qu’avait rencontrée Phil Fish en 2012, quand ce dernier se retrouvait dans l’impossibilité de mettre Fez à jour sur Xbox 360, alors que les sauvegardes d’un certain nombre d’utilisateurs étaient devenues inutilisables. À cette époque pas si lointaine, un patch devait passer par un lourd processus imposé par Microsoft et qui coûtait au développeur plusieurs milliers de dollars.

« Les jeux qui passent par le ID@Xbox ne payent pas de frais. Mais à la fin, il n’y a que des jeux sur le Xbox Live. Aucune distinction n’est faite entre les jeux ID et les jeux passés par la voie classique. J’ai besoin de faire comprendre aux développeurs qu’il n’y a ni coût de la part de Microsoft, ni barrières, ni distinction à la publication » explique Simonetta, « avec le temps, la notion d’indé va changer. Ce sont des éditeurs réguliers maintenant. Quant à nous, on met en avant les jeux qui nous enthousiasment le plus. »

Steam aussi est une plateforme qui a largement abaissé ses barrières au fil du temps. De surcroît, l’accessibilité, tant pécuniaire que technique, d’outils tels qu’Unity ou Source, permet désormais aux développeurs de créer des jeux sans avoir à construire eux-mêmes un moteur. Chaque mois, de plus en plus de titres arrivent ainsi sur Steam ce qui inquiète un grand nombre d’acteurs de l’industrie qui parle d’une « Indipocalypse » à venir. C’est-à-dire une saturation complète de la plateforme qui forcera un grand nombre de studios à abandonner leurs projets à cause de la quasi-certitude de leurs échecs commerciaux. Un mathématicien a même calculé à la minute près le moment où cette crise surviendra.

« Le marché est en train de devenir mature. Avec toutes les barrières qui s’abaissent, on est en train d’assister à son évolution naturelle » explique Simonetta, bien conscient de ce qui est en train de se passer sur Steam, « C’est un véritable enjeu autour duquel, nous, en tant qu’industrie, nous devons vraiment discuter. »

« Tout le monde peut-il encore vivre du développement de jeu vidéo ? » semble être la véritable question que doivent se poser les différents acteurs impliqués, tant du côté des grands éditeurs que des développeurs isolés.

« Nous faisons de l’art et les barrières sont tellement basses que nous aurons de plus en plus de chances de voir de très bonnes idées. Seulement, quand je fais de la musique, je le fais pour moi. Je ne suis pas Prince ! » explique Simonetta, « En ce qui me concerne, il m’est arrivé de faire des jeux chez moi. Mais si je décide de faire un jeu pendant mes vacances, c’est parce que c’est ma passion, pas parce que je compte le commercialiser. »

Contrairement aux dernières années, le simple fait de faire un jeu, même un bon jeu, n’est plus un critère de sélection suffisamment fort pour permettre aux créateurs qui y parviennent de prendre une part du gâteau. De nombreux développeurs aujourd’hui le déplorent et les exemples de titres tout à fait honorables qui se vendent à moins de 200 exemplaires sont légion en 2015. Le jeu vidéo va ainsi petit à petit se diriger vers un paradigme similaire à celui de la musique, de la littérature ou de la peinture.

« Le succès commercial peut arriver à n’importe qui. Mais ça n’arrivera plus à tout le monde. »

Et pour ceux qui pensaient que les consoles passeraient au travers de la tempête à venir, l’abaissement des barrières laissent penser que ça ne sera pas le cas. Même Simonetta se refuse à se prononcer.

« L’indipocalypse aura-t-elle lieu sur console ?

– Je ne sais pas… Je vous dirai ça l’année prochaine. »

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