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Des chercheurs ont réussi à manipuler la « lumière quantique »

Une grande première qui pourrait accélérer l’émergence de nouvelles technologies basées sur les propriétés quantiques de la matière.

Une équipe de chercheurs des universités de Sydney et de Bâle vient de poser les bases d’une grande avancée après laquelle les spécialistes de la physique quantique couraient depuis longtemps ; pour la toute première fois, ils ont réussi à identifier et à manipuler des photons en interaction avec un haut degré de précision.

Il s’agit d’un succès aux implications excessivement profondes. Il pourrait conduire à des avancées considérables en informatique quantique, et faire progresser le développement d’une nouvelle génération d’instruments scientifiques extrêmement précis.

Pour comprendre les enjeux de ces travaux, il faut d’abord s’intéresser à la nature de la lumière en elle-même. Il existe deux modèles en apparence contradictoire qui permettent de la décrire. D’un côté, il y a le modèle ondulatoire proposé par l’illustre Huygens. Il postule que la lumière se comporte comme une onde, au même titre que le son par exemple. De l’autre côté, il y a le modèle particulaire défini par un autre titan de la science, à savoir Isaac Newton en personne. Il décrit la lumière comme la résultante d’un ensemble de petits vecteurs d’énergie sans masse, de minuscules particules baptisées photons.

Aujourd’hui, on sait que la réalité n’est pas aussi tranchée qu’on le pensait autrefois. Les photons, électrons et autres particules subatomiques ne se comportent pas exactement comme des ondes ni comme des particules ; en substance, elles font plus ou moins les deux à la fois. On parle de dualité onde-corpuscule.

Des mesures inédites sur des photons solitaires

Le cœur du problème repose sur les interactions entre la matière et ces particules. En 1917, Einstein a suggéré qu’un atome pourrait émettre un rayonnement s’il était stimulé avec une certaine quantité d’énergie. On parle alors d’émission stimulée, ou induite.

Ce concept désormais bien documenté est à la base des lasers modernes ; le rayon est généré grâce à la production d’un très grand nombre de photons. Les chercheurs suisses et australiens, en revanche, ont réussi à observer et à contrôler cette émission dans le cas d’un photon isolé — une grande première.

des fibres optiques qui transmettent de la lumière
© Umberto – Unsplash

Dans leur expérience, ils sont partis d’une boîte quantique, plus connue sous le nom de quantum dot. C’est une minuscule structure en semi-conducteurs dont les propriétés se rapprochent de celles des atomes. Les physiciens les utilisent souvent comme modèles pour étudier les propriétés de la matière à la plus petite des échelles.

Ils ont projeté un photon isolé, puis un duo de photons liés sur ce quantum dot. Et au moment d’enregistrer les signaux produits en retour, ils ont constaté un délai significatif entre la particule solitaire et le couple de photons. « L’appareil que nous avons construit a généré une interaction si forte entre les photons que nous avons pu observer une différence d’interaction entre le photon isolé et le couple de photons », résume Natasha Tomm, chercheuse à l’université de Bâle.

Un pas vers l’utilisation de la « lumière quantique

« Avec cette interaction très forte entre les deux photons, ils sont passés dans un état d’intrication », précise-t-elle. Cela signifie que les deux particules ne formaient plus qu’un seul et même système au niveau quantique ; les spécialistes parlent alors de lumière quantique. Et c’est la toute première fois que des chercheurs réussissent à contrôler le phénomène de cette façon.

La formulation est certes nébuleuse, mais il s’agit d’un sacré progrès. Selon Sahand Mahmoodian, physicien à l’Université de Sydney, ces travaux de science fondamentale posent les bases d‘avancées technologiques très concrètes. « Ça ouvre la porte à la manipulation de ce qu’on appelle la lumière quantique », explique-t-il.

Et cela pourrait directement conduire à l’émergence de nouvelles techniques de mesure et de transfert de données basées sur les propriétés quantiques de la matière. En effet, maîtriser les interactions de la lumière, c’est la promesse de faire avancer des tas de technologies qui dépendent des signaux lumineux.

Cela concerne notamment les instruments de mesure. On peut citer les interféromètres. Ils utilisent la lumière pour quantifier des changements de distance infinitésimaux. On en trouve aujourd’hui dans des tas de domaines, de l’imagerie médicale à l’astrophysique en passant par le contrôle qualité dans l’agroalimentaire.

Les performances des interféromètres classiques dépendent directement de la quantité de lumière à disposition. Ils utilisent donc des rayons laser qui génèrent de grandes quantités de photons. Avec un appareil de nouvelle génération qui utiliserait cette fameuse lumière quantique, il serait théoriquement possible de travailler avec un nombre réduit de particules pour réaliser des mesures beaucoup plus fines. Cela permettrait d’atteindre des sensibilités et des résolutions immensément plus élevées.

Et il ne s’agit pas que de mesure. Les chercheurs affirment que cette approche pourrait aussi conduire à des progrès importants dans plusieurs autres disciplines, de la biologie à la fabrication avancée en passant par l’informatique quantique.

« Cette expérience est magnifique, non seulement parce qu’elle valide un effet fondamental — l’émission stimulée —, mais aussi parce qu’elle représente une avancée technologique considérable en pratique », conclut Tomm sur un ton rêveur.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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