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La station spatiale chinoise recycle désormais 100% de son oxygène

Grâce à un système de support de vie extrêmement performant, la nouvelle station spatiale chinoise recycle presque toute son eau et son oxygène.

Cela fait quelque temps que l’aérospatiale chinoise progresse à une vitesse impressionnante, et il ne s’agit pas que de ses lanceurs de nouvelle génération. Le pays de Xi Jinping est aussi très investi dans sa station spatiale Tiangong. Malgré sa relative jeunesse (elle est en orbite depuis 2021 et n’est terminée que depuis octobre 2022), les ingénieurs de l’agence spatiale chinoise (CNSA) y développent déjà des technologies très enthousiastes, notamment au niveau de la gestion des ressources.

C’est un point particulièrement critique à bord d’une infrastructure aussi isolée ; il faut que tout soit prévu et coordonné à la perfection, afin que la vie des astronautes ne soit pas mise en danger. Mais maintenir les stocks à un niveau acceptable n’est pas chose aisée. Les spationautes n’ont pas accès à une forêt de végétaux pour générer de l’oxygène où à une nappe phréatique où ils pourraient puiser de l’eau.

Il y a donc deux approches possibles. La première, c’est de tout acheminer sur place depuis la Terre en enchaînant des livraisons régulières par fusée. C’est comme cela que l’ISS a fonctionné pendant des années ; les pays partenaires ont dépêché des tas de capsules (traditionnellement des Soyouz russes) pour alimenter la station en eau, en oxygène et en matériel.

Mais au fur et à mesure que la station a grandi et gagné en importance, les contraintes logistiques ont aussi explosé. Il fallait y envoyer de plus en plus de matériel en utilisant de plus en plus de fusées, ce qui est à la fois très cher et tout sauf évident à mettre en place. Les agences se sont donc retrouvées face à un problème de taille, car cette situation n’allait pas rester gérable indéfiniment.

La Station Spatiale Internationale avec la Terre en arrière-plan
© NASA

L’ISS a donc changé de stratégie. Aujourd’hui, il n’est plus question de caser des litres et des litres de fluide dans ces capsules de ravitaillement où le moindre kilogramme se paie au prix fort. A la place, une grande partie de ces ressources est recyclée directement sur place. Tout est fait grâce à un grand système unifié baptisé Environmental Control and Life Support System, ou ECLSS.

Le recyclage, une des clés de la conquête spatiale

Tous les fluides, de la sueur des astronautes à leur urine en passant par l’air expiré, passent dans un purificateur basé sur la réaction de Sabatier. Il permet de produire du méthane et de l’eau à partir du dioxyde de carbone et de l’hydrogène expiré par les résidents. Au bout du processus, l’eau ainsi produite est parfaitement propre à la consommation. Elle peut être utilisée pour l’hydratation, la cuisine, ou pour les expériences de cultures de végétaux en microgravité.

Mais cet élément déjà vital sur Terre joue un rôle encore plus important dans l’espace : l’eau sert aussi à produire de l’oxygène grâce à un processus d’électrolyse. Cela consiste simplement à utiliser un courant électrique pour scinder des atomes d’eau (H20) en deux atomes d’hydrogène et un atome d’oxygène. Les deux premiers peuvent être redirigés vers le réacteur Sabatier, tandis que le second peut être utilisé tel que pour permettre aux astronautes de respirer.

La station parvient aujourd’hui à recycler 90 % de ses ressources en eau et un peu moins de la moitié de son oxygène. Grâce à cette architecture, les partenaires de l’ISS ont réussi à réduire considérablement les besoins d’approvisionnement de l’ISS.

Mais le CNSA revendique des chiffres encore plus impressionnants avec le système de recyclage de Tiangong. Grâce à un ensemble de six systèmes complémentaires — électrolyse, extraction du CO2 et des gaz toxiques, traitement des urines, traitement et production d’eau — l’agence affirme qu’elle peut désormais renouveler la quasi-totalité de ses ressources. Les porte-paroles parlent même de « régénération » plutôt que de « remplissage ».

« À l’heure actuelle, les six systèmes opérationnels régénèrent 100 % des ressources en oxygène et 95 % de ses ressources en eau », affirme Bian Qiang, directeur d’un bureau d’étude affilié à l’Astronaut Center of China cité par le média gouvernemental chinois CGTN. Il estime que cela réduit la dépendance de la station d’environ 6 tonnes par an. C’est à peu près l’équivalent de deux capsules Cargo Dragon, le ravitailleur de SpaceX qui dessert l’ISS en ce moment.

Pas de détails techniques à disposition

Malheureusement, le communiqué anglais ne donne aucun détail technique. Il est quasiment impossible d’avoir le moindre indice sur la façon dont les ingénieurs chinois ont atteint de tels chiffres.

Cela concerne surtout l’oxygène. Aujourd’hui, les électrolyseurs haute performance à la pointe de la technologie affichent des rendements de l’ordre de 80 %. Il y a même quelques preuves de concept expérimentales qui ont approché les 95 % (voir ce papier de recherche de 2022). Mais il est virtuellement impossible d’égaler ces rendements théoriques en conditions réelles, surtout dans le cadre très contraignant de l’ISS. Et dans tous les cas, nous serions encore assez loin du taux de 100 % annoncé par le CNSA.

Certains observateurs y verront donc probablement un écran de fumée à destination du contingent américain, son principal concurrent dans la nouvelle course à l’espace. Mais il faut aussi préciser que le CNSA n’a jamais été particulièrement généreux dans ses communications envers l’occident. Le simple fait de ne pas avoir accès à la documentation technique ne signifie pas qu’il y a forcément anguille sous roche. Le plus probable, c’est que la Chine ait utilisé une technologie complémentaire qui se serait heurtée à la barrière de la langue.

Des systèmes discrets mais indispensables

Au bout du compte, ce qu’il faut retenir de cette annonce, c’est surtout qu’au-delà des chiffres précis, la Chine a fait de beaux progrès dans le développement des systèmes dits de support de vie. C’est une branche de la recherche en aérospatiale qui est assez discrète, surtout par rapport au développement de lanceurs toujours plus gros et spectaculaires. Et en un sens, c’est une bonne nouvelle. Si le public n’en entend pas parler, c’est parce qu’ils fonctionnent généralement très bien – et heureusement pour les astronautes ! C’est un peu comme un croquemort : moins on en entend parler, et mieux on se porte.

une vue d'artiste d'un Starship sur Mars
© SpaceX

Mais le revers de la médaille, c’est que cela a tendance à occulter le travail importantissime des spécialistes de la vie dans l’espace. Si l’humain peut aujourd’hui résider en orbite pendant des mois, ce n’est pas seulement grâce aux génies de la propulsion ou des structures. Rien ne serait possible sans les petites mains qui permettent aux astronautes de respirer ou de s’hydrater. Et leur rôle va même devenir de plus en plus crucial.

Car plus l’humain voudra s’aventurer loin de son berceau, plus il sera important de gérer chaque ressource à la perfection. C’est déjà très important aujourd’hui. Et cela le deviendra encore davantage d’ici une à deux décennies. Les systèmes qui nous permettent de voyager dans l’espace dépendent du maillon le plus faible de la chaîne ; cela n’aura aucun intérêt de développer des technologies de colonisation révolutionnaires si on ne peut pas permettre aux humains de se sustenter loin de la Terre.

C’est pour cela que le CNSA, mais aussi la NASA, l’ESA et la JAXA, pour ne citer qu’eux, travaillent activement sur ces technologies dont l’importance est souvent cruellement sous-estimée. Il sera donc très intéressant d’observer l’évolution de ces systèmes à bord des différentes stations et combinaisons spatiales ces prochaines années, à une époque où l’on commence tout doucement à poser les bases de la colonisation interplanétaire.

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