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Seggs, pipou et 🍑 : arrĂŞtez d’utiliser des euphĂ©mismes sur les rĂ©seaux sociaux

En utilisant des mots Ă©dulcorĂ©s pour parler de sexualitĂ© sur les rĂ©seaux sociaux, les acteurs de la sextech brident malgrĂ© eux l’accès Ă  l’Ă©ducation sexuelle.

Facebook, TikTok et Instagram ont un problème avec la sexualité. Alors que les réseaux sociaux autorisent certaines représentations sexuelles implicites — notamment à travers les trends hypersexualisées et les challenges plus ou moins dangereux — ils refusent toujours de voir le moindre élan de nudité, et les expressions sexuelles explicites.

Les réseaux sociaux ont un problème avec le sexe

Le problème, c’est que si les reprĂ©sentations et les propos sexuellement explicites sont officiellement interdits sur les plateformes, l’Ă©ducation sexuelle est rĂ©gulièrement mise dans le mĂŞme sac. En 2019 lorsque le compte @jouissance.cmib (997 000 abonnĂ©s) est supprimĂ© par Instagram, la plateforme Ă©voque une infraction de ses règles
d’utilisation. La censure des dessins anatomiques de Jüne Plã provoque une vague de protestation dans la presse, y compris internationale, et le hashtag #sexualityisnotdirty prend de l’ampleur au-delà des réseaux sociaux. Finalement, le réseau social est contraint de présenter des excuses publiques et de réhabiliter le compte de la dessinatrice.

MĂŞme chose en 2021 puis en mars 2023, quand le gĂ©ant de la sextech Womanizer voit son compte supprimĂ©. Dans un communiquĂ© adressĂ© Ă  la presse, l’entreprise dĂ©nonce une dĂ©cision “arbitraire” et “dĂ©cevante” qui contribue Ă  “renforcer les rĂ´les de genre traditionnels“. Après @jouissance.club, la marque fait, elle aussi, campagne sur les rĂ©seaux sociaux avec le hashtag #UnmutePleasure, et finit par obtenir gain de cause.

Pourquoi TikTok et Instagram censurent les mots du sexe ?

Pour Ă©viter la censure et le shadowban (qui consiste Ă  invisibiliser le travail d’un crĂ©ateur de contenu sans le prĂ©venir), les marques et les influenceurs ont trouvĂ© une nouvelle parade, directement empruntĂ©e aux forums des annĂ©es 1990. PlutĂ´t que de brider leur discours, ils prĂ©fèrent Ă©dulcorer leur vocabulaire. Le sexe devient “seks”, “s3xe” ou “seggs”, tandis que les organes gĂ©nitaux sont remplacĂ©s par des nĂ©ologismes enfantins comme “pipou”, “minou”, ou des emojis. En anglais aussi, les mots jugĂ©s explicites adoptent un vocabulaire orwellien avec “a$$”, “t!tties” ou “le$bean”, qui mĂŞlent phonĂ©tique et symboles abstraits.

Cette autocensure a des avantages. En optant pour des euphĂ©mismes plutĂ´t que des mots “crus”, les crĂ©ateurs Ă©chappent aux punitions des GAFAM, et contournent les interdictions. Le problème, c’est que si les contenus explicites et pornographiques n’ont pas leur place sur une plateforme grand public, les mots “pĂ©nis”, “vulve” ou mĂŞme “vagin” ne rentrent pas dans cette catĂ©gorie : ce sont des termes anatomiques, au mĂŞme titre que “pancrĂ©as” et “tibia”.

Pourquoi l’autocensure est un problème ?

En censurant les mots du sexe, les plateformes et les internautes alimentent un cercle vicieux, qui confortent les GAFAM dans l’idĂ©e que l’Ă©ducation sexuelle — car c’est souvent de cela dont il est question quand on parle de censure — doit ĂŞtre un sujet tabou.

Il y aurait mille choses Ă  dire sur l’Ă©ducation Ă  la sexualitĂ© sur les rĂ©seaux sociaux et ses limites, notamment lorsqu’elle est dispensĂ©e par des “sexperts” sans qualification ni formation mĂ©dicale. Reste que pour le moment, les instances publiques sont incapables d’assurer leur rĂ´le, en dispensant les trois cours obligatoires d’Ă©ducation Ă  la vie affective et sexuelle prĂ©vus entre le collège et le lycĂ©e.

Les marques et les influenceurs vivent dans la crainte constante d’ĂŞtre censurĂ©s, ou de voir leur travail de longue date partir en fumĂ©e sans prĂ©avis. De leur cĂ´tĂ©, les internautes sont contraints de trouver l’information lĂ  oĂą ils peuvent, ce qui les conduit rĂ©gulièrement Ă  atterrir sur des sites pornographiques.

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