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Starship : le deuxième vol de test était-il un succès ou un échec ?

Même si le lanceur colossal de Starship n’a pas réussi à terminer sa mission, ce deuxième lancement était déjà nettement plus encourageant que le premier essai de ce printemps.

Samedi 18 novembre, le long chemin de croix réglementaire du Starship s’est enfin terminé, et l’engin a pu décoller pour la deuxième fois après sept mois d’attente. Mais comme en avril dernier, il n’a pas réussi à aller au terme de sa mission.

Tout avait pourtant bien commencé. SpaceX avait choisi de s’ accorder un délai supplémentaire d’une journée pour remplacer l’actionneur d’un des quatre panneaux cellulaires du booster Super Heavy (voir notre article). Les ingénieurs ont fini par en remplacer trois, par acquit de conscience. La réparation s’est déroulée comme prévu, et les opérateurs ont pu procéder au lancement comme prévu.

Dix secondes avant la fin du compte à rebours, c’est la première vedette de ce second lancement qui est entrée en piste : le déluge. Le rôle de ce système est d’éjecter d’immenses gerbes d’eau pour éviter que le pas de tir ne soit réduit en poussière comme en avril dernier. Les 33 moteurs Raptor du Super Heavy se sont ensuite mis à rugir. Et contrairement au premier lancement, aucun d’entre eux ne semble avoir rencontré de problème lors de la première phase de l’ascension. Un succès pour SpaceX, car maintenir la stabilité des Raptors pendant cette première étape critique était l’un des principaux enjeux de ce second vol de test.

70 secondes après la mise à feu, le Starship a encore réussi à passer sans encombre le cap du MaxQ — le point de l’ascension où les contraintes mécaniques sont à leur paroxysme. Cela montre que l’intégrité structurale du lanceur reste satisfaisante, même après les centaines de modifications opérées par SpaceX sur les derniers mois.

Une séparation sous haute tension

2 min 45 s après le décollage, le véhicule a attaqué l’autre moment critique de ce test : la séparation des deux étages. La tension était alors à son comble. En effet, c’est lors de cette étape que le Starship avait rencontré une série de dysfonctionnements qui ont conduit à une perte de contrôle lors du premier vol.

Cette fois, le programme était légèrement différent suite au passage au modèle du hot staging (voir notre article). C’est un exercice très complexe d’un point de vue technique, car cela implique de stopper et de redémarrer les moteurs en plein vol. Toujours une opération délicate, et encore davantage avec ces Raptors qui ont tendance à se montrer capricieux.

Comme prévu, tous les moteurs du Super Heavy ont été stoppés à l’exception des trois Raptors centraux. Cinq secondes plus tard, ce sont les six moteurs de l’étage supérieur qui ont été mis à feu, juste avant que les deux segments ne se désolidarisent. La séparation en elle-même s’est déroulée sans problème majeur — un succès encourageant pour le premier essai de Hot Staging de SpaceX.

Malheureusement, c’est là que la mission a tourné au vinaigre. Après une courte manœuvre qui permet de repositionner le booster pour entamer la descente, ses moteurs ont malheureusement eu du mal à redémarrer. La seconde mise à feu n’a pas fonctionné sur trois des Raptors, et l’un d’entre eux s’est éteint sans prévenir juste après avoir été relancé. Dans la foulée, tous les Raptors ont fini par flancher dans un intervalle de temps assez court. L’aventure du Super Heavy s’est donc terminée avec une explosion particulièrement spectaculaire.

Starship Explosion
L’explosion du booster Super Heavy. © SpaceX

Le plus probable est que SpaceX ait déclenché le Flight Termination System. C’est un programme d’autodestruction qui permet d’empêcher que l’engin ne provoque de gros dégâts en s’écrasant en un seul morceau, une fois que les opérateurs jugent la situation désespérée.

L’étage supérieur, en revanche, a continué sa route de son côté pendant environ six minutes jusqu’à une altitude de 150 km. Huit minutes après le décollage, il a à son tour éteint ses moteurs comme prévu. En revanche, c’est aussi à ce moment que SpaceX a perdu l’accès aux données de télémétrie. Selon l’ingénieur John Insprucker, le Flight Termination System a été déclenché pour empêcher le Starship de dévier de sa trajectoire.

Un échec ou un succès ?

Si tout s’était passé comme prévu, il aurait dû continuer d’accélérer pour se placer sur une trajectoire suborbitale. Il aurait ensuite décrit presque un tour entier de la Terre avant de s’écraser à proximité d’Hawaii. Techniquement, il s’agit donc d’un échec puisque l’engin n’a pas pu arriver au terme de sa mission. Mais tout n’est pas à jeter pour SpaceX, loin de là.

Pour commencer, d’après les médias présents sur place, le nouveau système de déluge semble avoir parfaitement fait son travail. Tous les observateurs ont rapporté que le pas de tir semblait visuellement intact. Il y a eu quelques dégâts mineurs au niveau des citernes d’eau à proximité, mais dans l’ensemble, c’est un vrai succès par rapport au test d’avril qui avait pulvérisé l’infrastructure au sol. Une excellente nouvelle pour la suite des opérations.

L’autre donnée importante, c’est que cette fois, aucun des Raptors n’a flanché pendant la première phase de l’ascension. Même s’ils ont eu du mal à redémarrer par la suite, il s’agit déjà d’un progrès significatif par rapport au premier vol.

raptor Engines Super Heavy
Les 33 moteurs Raptor du booster Super Heavy. © SpaceX

Les ingénieurs peuvent aussi se satisfaire du nouveau système de contrôle vectoriel des moteurs, qui semble avoir joué son rôle à la perfection. Là encore, c’est une bonne nouvelle, car c’est un dysfonctionnement de ce système qui avait conduit à une perte de contrôle lors du premier vol.

Le premier test de hot staging a aussi produit de beaux résultats. La séparation en elle-même s’est déroulée de manière satisfaisante, contrairement au premier vol de test où cette étape avait sonné le glas de la mission.

Même constat pour la mise à feu du 2e étage qui s’est déroulée sans problème. De plus, en dépassant les 100km d’altitude, il a franchi la ligne de Kármán, la frontière invisible qui marque officiellement l’entrée dans le domaine spatial. Techniquement, c’est donc le premier prototype de Starship à atteindre l’espace.

Même si le Starship n’est pas arrivé à destination, il ne s’agit donc pas d’un échec total pour l’entreprise. Elon Musk avait encore une fois prévenu qu’il fallait modérer ses attentes quant au résultat final. L’important, c’était surtout de faire mieux que le premier vol de test. Et à ce niveau, le contrat a été rempli. Dans l’ensemble, les nombreuses modifications apportées par SpaceX ont porté leurs fruits, et le deuxième vol a été plutôt encourageant.

Quand le Starship pourra-t-il décoller à nouveau ?

Mais avant de pouvoir procéder à un nouveau tir, SpaceX va encore devoir se frotter aux enquêteurs de la FAA, le gendarme américain de l’aéronautique. La licence de vol récemment accordée par l’agence ne couvrait qu’un seul vol, et l’entreprise va devoir attendre d’en recevoir une nouvelle pour lancer un troisième Starship.

La bonne nouvelle, c’est que ce processus devrait aller beaucoup plus vite qu’auparavant. Si les troupes d’Elon Musk avaient dû patienter de longs mois avant d’obtenir sa deuxième licence, c’était en grande partie à cause d’une enquête sur l’impact environnemental du Starship, et en particulier de son nouveau système de déluge. Or, puisque le verdict a été favorable à SpaceX et que cet élément a bien fonctionné, il ne devrait pas avoir besoin d’être audité une nouvelle fois.

SpaceX va donc pouvoir se concentrer sur le système de propulsion. Pour les ingénieurs, tout l’enjeu va être de comprendre pourquoi les Raptor continuent de se montrer récalcitrants au moment de la deuxième mise à feu. Il faudra aussi identifier la source de la perte de contact avec le Starship. C’est un dysfonctionnement assez préoccupant, mais qui ne devrait pas être particulièrement difficile à résoudre .

Même si SpaceX n’a pas encore fourni de listing détaillé, l’entreprise a annoncé que les véhicules du prochain test — le Ship 28 et le Booster 10 — ont déjà été significativement améliorés par rapport à ceux qui ont décollé samedi. Il faudra désormais procéder à une nouvelle mise à jour à la lumière des données récoltées à l’occasion de ce 2e vol, mais le processus pourrait théoriquement aller assez vite.

Si la nouvelle enquête de la FAA conclut que ces modifications sont convaincantes, les tests de mise à feu statique devraient démarrer très prochainement. Dans l’idéal, on peut donc espérer un troisième lancement d’ici quelques semaines.

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