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Critique Éternels : Chloé Zhao s’est-elle brûlée les ailes chez Marvel ?

Comme Icare, la réalisatrice de Nomadland s’est-elle trop approchée de la supernova Marvel ? Critique.

Marvel revoit sa formule après avoir clôturé un important pan de son histoire. Après Avengers : Endgame, conclusion épique de l’aventure débutée en 2008 avec Iron Man, la maison des idées cherche justement à prouver qu’elle a de la suite… et bien dans les idées. La quatrième phase fait donc office de virage dans l’histoire de la franchise, qui débauche des réalisateurs de renoms pour qu’ils apportent leur esthétique et leur vision à cet univers cinématographique pas toujours très inspiré.

La firme au logo écarlate peut d’ailleurs se targuer d’avoir acquis quelques mastodontes à sa cause. C’est le cas de Sam Raimi, qui après sa trilogie encensée sur Spider-Man, va s’intéresser à Doctor Strange dans le second opus des aventures du sorcier campé par Benedict Cumberbatch. Oscarisée en 2021 pour Nomadland, Chloé Zhao représente aussi un sacré atout dans la manche de Marvel, qui lui a visiblement offert une liberté inédite.

Loin des carcans des productions du genre, la cinéaste a l’occasion de faire éclore une nouvelle intrigue et ses enjeux. Un mélange des genres détonant qui pourrait décevoir les fans de la première heure et attirer un nouveau public curieux de découvrir ce que la caméra de cette naturaliste va immortaliser entre deux scènes de combats grandiloquents.

Avec Éternels, Marvel explore un nouvel univers, inspiré de personnages de papier assez méconnus du grand public. On suit les aventures des Éternels, des êtres extraordinaires envoyés sur Terre pour combattre les Déviants. Pendant des millénaires, ils vont sillonner la planète à la recherche de ces créatures sanguinaires jusqu’à tous les éradiquer. Cette mission leur a été confiée par Les Célestes, des entités cosmiques aux pouvoirs incommensurables qui parcourent la galaxie à la recherche de peuples à étudier.

Leur dessein est un secret pour les Éternels, qui doivent rigoureusement appliquer chacun des préceptes qui leur sont imposés. Ils finissent par se séparer suite à un conflit et ne vont se retrouver que des centaines d’années plus tard, lorsque les Déviants pourtant disparus de la surface de la Terre reviennent à la vie.

eternels chez Marvel
Crédits : Marvel

Histoire éternelle…

L’univers à explorer et la temporalité sont vastes. L’intrigue se déroulant sur plusieurs millénaires, l’écriture du scénario n’a sans doute pas été une mince affaire. Très ambitieux, le récit a la lourde de tâche d’introduire une nouvelle mythologie et ses enjeux, en un peu moins de 3 heures. Un travail colossal pour Chloé Zhao et ses équipes, qui n’ont visiblement pas voulu précipiter les choses.

Car oui, le récit est lent. Face aux autres aventures épileptiques de la franchise, Éternels fait le choix d’adopter une narration moins effrénée pour se concentrer sur la construction de son intensité dramatique. On oscille entre la jungle d’Amérique du Sud et la Mésopotamie avec une aisance assez déconcertante. Ces séquences ont pour but de nous présenter plus en détail toute la clique, avant l’affrontement qui se prépare, et parviennent à nous transporter dans une aventure temporelle récréative et poétique.

Mais voilà, les choses se corsent à mesure que l’étau se resserre autour de nos héros. Si l’ambition est là, l’exécution est souvent maladroite. Le récit, qui tente d’en raconter beaucoup sur l’humanité et aussi un peu sur les croyances, reste trop en surface.

La volonté d’élever le récit est là, c’est indéniable, mais le tout reste encore un peu trop bas de plafond pour tout à fait nous convaincre. Tout cela manque d’originalité et c’est bien dommage. Chloé Zhao, aidée par trois autres scénaristes qui n’ont jamais collaboré avec Marvel, ne parvient pas à ériger le métrage au rang de chefs d’œuvre. On retrouve malheureusement tous les poncifs du genre, le sempiternel questionnement sur le bien et le mal que nous ont servi bon nombre de productions super-héroïques.

Restent aussi quelques problèmes de rythme, dont une accélération étourdissante dans les derniers instants. L’histoire se termine dans la précipitation, une conclusion annonciatrice d’une suite qui ne surprend personne, à l’heure où Marvel capitalise sur ses personnages pour amasser des billets verts. Finalement, le film est presque la réunion de deux opus alors que la première partie aurait pu se suffire à elle-même.

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Crédits : Marvel

Une équipe surpuissante

Introduire de nombreux personnages n’est pas aisé, surtout lorsqu’ils sont inconnus du public. D’autres métrages s’y sont essayés et le résultat n’était pas toujours à la hauteur de l’ambition (coucou Justice League). Néanmoins, Chloé Zhao parvient à faire quelques miracles de ce côté là. Cette réunion d’êtres exceptionnels a des airs de film choral, même si on se concentre surtout sur le duo principal incarné par Gemma Chan et Richard Madden.

Certains protagonistes manquent cruellement de densité et se retrouvent injustement relégués au second plan. Sans en dévoiler trop sur l’intrigue, on dira simplement que Druig et Makkari méritaient sans doute mieux. On peut néanmoins espérer que le second opus leur rendra plus justice. C’est d’autant plus frustrant que certains des Éternels prennent beaucoup de place, alors qu’ils ne suscitent pas le même intérêt chez les spectateurs. Oui, on parle bien de Kingo incarné par Kumail Nanjiani qui joue les caricatures de super-héros auto-centrés et exubérants.

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Captain Ringos ? Crédits : Marvel

Un casting au firmament

Fort heureusement, la plupart des acteurs s’en sortent beaucoup mieux. C’est notamment le cas d’Angelina Jolie et Gemma Chan, hypnotisantes dans les rôles de Thena et Cersi. Car oui, la force de ce film repose principalement sur les épaules du casting féminin. Salma Hayek, Lauren Ridloff, chacune des actrices parvient à donner de la densité et du caractère à son personnage. Du côté de la gente masculine, c’est aussi plutôt convaincant. Si Richard Madden se pose parfois en caricature de Superman, il parvient à nous offrir quelques belles scènes de confrontation. On notera que malgré son apparition éclair, Kit Harington se démarque aussi, dans le rôle du petit ami pas si surpris que ça de sortir avec une “magicienne” capable de transformer un bus en pluie de pétales de rose.

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Zhao s’inspire des grandes épopées de science-fiction. Crédits : Marvel

Un tableau de maître

Si du côté de l’intrigue le film de Chloé Zhao a quelques défauts, l’esthétique, elle, se démarque par sa singularité au sein d’un univers aux couleurs criardes et souvent peu inventif. La caméra de Zhao, plus intimiste que celles des autres réalisateurs du MCU, immortalise aussi bien les liens affectifs entre les personnages que les somptueux paysages de notre belle planète bleue.

Aux impersonnelles cités de béton et de verre des autres films Marvel, Éternels préfère les étendues rocheuses et verdoyantes. Loin des tableaux dégoulinants de CGI, le métrage met le réalisme au cœur de sa recette. Un sentiment renforcé par la majestueuse photographie de Ben Davis, qui illumine les paysages d’une douce lumière dorée. Zhao a visiblement pioché ses inspirations du côté des classiques de la science-fiction, comme Interstellar pour ne citer que lui.

On notera aussi que la réalisatrice s’en sort admirablement du côté des scènes d’action qui, sans tout à fait réinventer le genre, ne souffrent pas d’un montage déchaîné ou d’un découpage maladroit des séquences.

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Une esthétique épurée. Crédits : Marvel

Ramin Djawadi toujours excellent

Enfin, on ne pouvait pas ne pas parler de la performance musicale de Ramin Djawadi, devenu en quelques années seulement une référence à Hollywood. Le compositeur du générique de Game of Thrones et Westworld met ici toute son expertise au service d’un récit nuancé et rend aussi bien justice aux séquences musclées qu’aux moments plus enlevés. Le compositeur n’en est pas à sa première partition chez Marvel, puisque c’est déjà à lui que l’on devait les inoubliables musiques originales d’Iron Man premier du nom.

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Notre avis

Si ce n’est pas le chef d'œuvre annoncé, Éternels n’en reste pas moins un très bon film. Visuellement majestueux, le métrage repose malheureusement sur une intrigue une peu trop bancale ; la faute à des enjeux sans doute trop grandiloquents et la difficulté de s’affranchir tout à fait de la recette Marvel. Néanmoins, Chloé Zhao insuffle du renouveau dans la franchise et c'est déjà une bonne nouvelle !

L'avis du Journal du Geek :

Note : 7 / 10
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