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[Critique] On l’appelle Jeeg Robot

En quelques années, la production cinématographique américaine s’est emparée du film de superhéros et de ses licences phares pour en faire un produit balisé, pensé pour…

En quelques années, la production cinématographique américaine s’est emparée du film de superhéros et de ses licences phares pour en faire un produit balisé, pensé pour certains fans. Sous ses airs de petit film, On l’appelle Jeeg Robot nous rappelle qu’il peut encore être original.

Autrefois qualifié de sous-genre, le film de superhéros a réussi à dépasser sa propre catégorie pour devenir une industrie à part entière, fonctionnant presque de manière autonome. L’incroyable manne de personnages disponibles dans les catalogues de D.C Comics et de Marvel ont fini de convaincre les producteurs d’y injecter des sommes colossales d’argent.

Souvent calibrés pour ne pas sortir du cadre imposé par les organismes de ratification, une bonne partie de ces longs-métrages n’exploitent pas la personnalité étriquée des héros de Stan Lee ou d’Alan Moore. Le succès rencontré par ces films a en quelque sorte validé ces choix scénaristiques. Preuve en est, trente films des deux franchises sont prévus jusqu’en 2020. Conscients de la tournure industrielle de la chose, certains réalisateurs ont même décidé de lorgner vers la comédie en détournant volontairement ou non la figure héroïque en question (Hancock, Kickass, Deadpool…). Mais cette coolitude forcée porte encore trop souvent les stigmates d’une production hollywoodienne.

Derrière son scénario volontairement rachitique, On l’appelle Jeeg Robot s’y essaye en insufflant une fraîcheur très européenne à son propos. Poursuivi par la police dans les rues étriquées de Rome, Enzo saute dans le Tibre et rentre en contact avec une substance radioactive. Très vite, il comprend qu’il dispose d’une force surhumaine qui va l’aider dans ses activités criminelles. C’était sans compter l’ambition d’un sous-fifre de la terrible Camorra, ou la rencontre avec Alessia, une femme dérangée qui voit en lui l’incarnation d’un super héros de son enfance.

Alors qu’il se pare des atours d’un beau nanar, le film de Gabriel Mainetti réinvente le mythe du justicier avec la volonté d’y intégrer une dimension sociale plus poussée que ses homologues. En filmant la banlieue de Rome, il laisse transparaitre la violence bien réelle d’une partie peu médiatisée du pays. Truand asocial, accro au porno et aux Danette à la vanille, Enzo (incarné par Claudio Santamaria, qui double Batman dans The Dark Knight !) n’est pas l’archétype d’un citoyen normal qui aimerait bien faire. Il se place donc à l’opposé du spectateur lambda à qui l’on associe d’habitude la figure d’un héros « enfoui en chacun de nous ».

L’entourage qui gravite autour de lui est tout aussi déglingué. Rapidement confronté à Fabio le Gitan, un bandit égocentrique aux faux airs de Joker (Lucas Marinelli), il va devoir affronter la mafia napolitaine, dont la violence est connue par-delà les frontières. En faisant appel à des éléments ancrés dans le réel, comme les attentats, la politique ou les réseaux sociaux, Mainetti donne une épaisseur inattendue à la première partie de son récit.

Un sérieux qui contrebalance avec la rencontre d’Alessia (Ilenia Pastorelli), une femme instable, atteinte d’un syndrome de Peter Pan au milieu des pires voyous. Sa candeur enfantine dénote dans la brutalité ambiante, et peut au départ sonner faux. Alors qu’Enzo décide de la prendre sous son aile, elle finit par devenir la garante de la moralité du film.

Car Mainetti a beau éclabousser l’atmosphère du film d’une violence réaliste, sa mise en scène dénote un véritable amour pour le film de genre et les anime. Preuve en est, Jeeg Robot est en fait un ersatz de Goldorak, qui a bercé les jeunes italiens lorsqu’ils regardaient l’équivalent de notre Club Dorothée. Aussi, malgré les fusillades et les trahisons, la structure scénaristique du film ressemble à s’y méprendre à un épisode d’une série comme Power Rangers. Battu, l’antagoniste revient toujours plus fort et plus déterminé… jusqu’au prochain épisode. On peut y percevoir une certaine paresse dans l’écriture, mais ce schéma absurde permet au film de conserver un fumet kitsch pas désagréable.

C’est dans ce décalage constant entre des œuvres comme Gomorra, Romanzo Criminale et l’énième opus de Captain America que réside l’originalité du film. Mainetti ne se moque pas pour autant de ce dernier et s’efforce de soigner les effets spéciaux avec un budget pourtant infiniment moindre. On pense notamment à une scène particulièrement réjouissante dans le Stade Olympique de Rome, lors d’un derby footballistique bouillant. On n’évite pas quelques longueurs, mais pour moins de deux millions d’euros, le réalisateur arrive à faire écran dans un genre où la surenchère est de mise.

Il s’accorde même quelques moments plus subtils, en tissant une fragile relation amoureuse entre deux écorchés vifs, bien plus convaincants que Peter Parker et Mary Jane. Cette modestie des sentiments se retrouve jusque dans le masque du héros que Mainetti voulait cousu à la main. Mélange des genres aussi authentique qu’imparfait, On l’appelle Jeeg Robot est avant tout un film attachant.

Alors que l’industrie américaine nous abreuve de reboots, On l’appelle Jeeg Robot fait l’effet d’un grand bol d’air frais dans le monde des super héros. Profondément italien, il vogue entre drame social et film de justicier pour un résultat vraiment original. Gabriele Mainetti s’amuse à filmer une galerie de loosers magnifiques et violents, tout en rendant hommage aux figures emblématiques de notre enfance. En montrant la véritable amoralité, il bouscule le discours policé d’Hollywood et plaira à ceux qui fatiguent du manichéisme inhérent au genre. Un sacré ovni.

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2 commentaires
  1. Je l’ai vu …et il est vraiment top. Rien à voir avec les superhéros américains mais pas moins bien… au contraire meilleur à mon avis de nombreux films sur le sujet

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