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[Dossier spécial Coupe du Monde] L’arbitrage vidéo dans le football, pour ou contre ?

« L’arbitrage vidéo tue le spectacle ». Cette phrase, les supporters qui ont vu leur équipe perdre un match durant la Coupe du Monde l’ont peut-être prononcé. Il faut dire que cette nouveauté, officiellement adoptée en mars 2018 pour la compétition internationale mettant en scène 32 pays différents, a fait beaucoup couler d’encre. Même la Ligue 1 Conforama s’est dotée de cette technologie pour la reprise du championnat, prévu en août prochain. Mais alors, à quoi sert réellement la vidéo dans le football ? En quoi cette avancée technologique change notre regard sur ce sport ?

On va tenter d’aller au fond des choses, comme ce but de Pavard

Une assistance qui dérange

Le samedi 3 mars, de nombreux journaux et magazines spécialisés annonçaient la nouvelle : l’IFAB, l’instance qui fixe les règles du football, avait décidé d’adopter l’arbitrage vidéo pour la Coupe du Monde du 14 juin au 15 juillet en Russie. Un véritable événement dans ce sport, autant adulé que détesté. L’objectif est clair : éviter les mauvaises décisions et faire en sorte que les arbitres puissent corriger d’éventuelles erreurs de jugement. Attention toutefois, cette solution ne peut être utilisée trop souvent pour ne pas prendre le dessus sur le rôle de l’arbitre central, l’homme qui dirige le match et qui s’assure de sa bonne tenue. On évoque alors quatre cas durant lesquels on peut avoir recours à la vidéo :

  • Après un but marqué (afin de signaler un hors-jeu ou une faute)
  • Sur une situation pouvant amener un penalty ou à l’inverse, l’annuler
  • Pour un carton rouge direct, les arbitres assistants vidéo pouvant demander que l’arbitre central réévalue son jugement
  • Pour corriger une erreur d’identité d’un joueur sanctionné

Durant les phases de poule de la Coupe du Monde, on a comptabilisé pas moins de 17 utilisations de l’assistance vidéo avec 14 penaltys accordés, 2 buts annulés pour cause de hors-jeu et un carton attribué. L’équipe de France a notamment bénéficié de cette technologie lors de son entrée en lice dans la compétition, face à l’Australie, avec un penalty accordé à Antoine Griezmann pour une faute qui n’avait pourtant pas été sifflée initialement par l’arbitre central.  Alors, la vidéo, c’est du tout bon ?

Une illusion de justice

Pas pour tout le monde. Si certains grands noms du football s’expriment en faveur de cette solution « d’avenir » dans le football (Diego Maradona et Zinedine Zidane par exemple), d’autres, comme Michel Platini, pensent que c’est une erreur : « J’estime que c’est une mauvaise chose. Maintenant, si les tests montrent que c’est une bonne chose, pourquoi pas. Je pense que ce n’est pas bien, et que cela ne marchera pas. Le football est beau, car ce jeu est beau. Pas parce que l’arbitre prend, ou pas, la bonne décision. Je ne veux pas qu’on fasse du tort au football. »

Une technologie qui ne favorise pas le beau jeu. Voilà l’argument adopté par les anti-vidéo qui estiment que l’utilisation d’une assistance quelle qu’elle soit, surtout pour modifier le comportement décisionnaire de l’arbitre, aura tendance à dénaturer l’essence même du football. Pourtant, depuis plusieurs années, la vidéo existe dans d’autres sports. Depuis 2001 en Rugby dans les compétitions internationales et 2006 pour le Top 14. Bien qu’il y ait, encore, quelques réfractaires, beaucoup de supporters et dirigeants apprécient de pouvoir compter sur cette alternative. Il en est de même dans le football américain, nommé NFL, qui a recours à l’assistance vidéo depuis 1999 et qui, après quelques remous, a été unanimement adoptée.

Michel Platini Crédit : Flickr

Cette solution ne rencontre donc pas une adhésion totale. Un constat étrange lorsqu’on sait que le but est d’éviter l’erreur humaine et qu’elle ne prenne pas trop de place dans le football. « Le grand péché du monde moderne, c’est le refus de l’invisible » notait l’écrivain parisien Julien Green. Il faut donc penser que l’injustice (un but qui aurait dû être refusé ou un penalty oublié) fait partie intégrante du football, à l’inverse d’une nouveauté technologique qui n’y a pas sa place. Cet écran supplémentaire « qui s’interpose entre le spectateur et l’événement » ne devrait pas être là. « On ne juge pas la réalité, mais l’image, ça n’a pas de sens », déclare Jean-François Diana, Maître de conférences à l’Université de Lorraine. « C’est une illusion de justice », affirme-t-il.

[nextpage title=”Une technologie d’avenir ?”]Pourtant, comme expliqué plus haut, les résultats de l’assistance vidéo sont à la hauteur des espérances. Les joueurs eux-mêmes ont intégré cette option dans leur esprit et n’hésitent plus à demander à l’arbitre qu’il aille revoir lui-même l’action au bord du terrain, sur le petit écran mis à sa disposition. Mais à aucun moment les sportifs ne jouent un rôle dans l’arbitrage vidéo. Seuls l’arbitre et ses assistants, qu’on compte au nombre de treize dans une cabine spéciale, peuvent avoir accès aux images, aux ralentis, sous différents angles.

Dans ce sens, il est assez étrange de contester l’avènement de cette solution. L’exemple est simple : s’il n’y avait pas eu d’assistance vidéo, l’équipe de France n’aurait pas ouvert le score contre l’Australie et serait restée à 0-0, peut-être jusqu’à la fin du match. L’arbitre central n’avait pas vu la faute du défenseur australien Risdon sur Antoine Griezmann. Heureusement, ses assistants lui ont conseillé d’avoir recours à la vidéo pour corriger son jugement. Après analyse des images, c’est bien ce qu’il a fait.

L’arbitre a eu besoin du ralenti pour valider cette faute sur Antoine Griezmann

Surtout, cette nouvelle option oblige les joueurs à défendre plus intelligemment, et à moins se laisser aller à des comportements peu fair-play. L’intelligence tactique passe avant la roublardise, et c’est peut-être là que se trouve la plus grande valeur ajoutée de l’assistance vidéo.

« L’arbitrage vidéo va aider les arbitres. Le football est un jeu et nous avons la responsabilité qu’il soit le plus juste et transparent possible. [Avec l’arbitrage vidéo], on passe d’une erreur grave toutes les trois rencontres, à une erreur grave tous les 19 matches » expliquait le président de la Fifa Gianni Infantino en avril dernier.

L’Homme avant tout

Car oui, à l’inverse de ce que l’on entend parfois, l’humain est toujours au centre du jeu. Au final, ce n’est pas la vidéo qui fait un choix, mais bien l’arbitre. C’est toujours sur l’homme que tout repose : sur sa vision, son expertise et, à la fin, sa décision. Bien que l’on puisse comprendre les positions de certains, il est exagéré d’affirmer que cette nouvelle méthode déshumanise totalement le football. Elle le rend simplement plus moderne, et pour beaucoup, un peu plus impartial.

Massimo Busacca, arbitre suisse. Crédit : Wikimedia Commons

Reste une grande question : à quoi ressemblera le football de demain ? Si le débat actuel sur la vidéo est ouvert et surtout légitime, il importe également de penser à l’avenir de ce sport. La technologie évolue souvent plus rapidement que ce qu’on pourrait croire et il n’est pas insensé de se demander si un jour, les « arbitres vivants » disparaîtront complètement du terrain. Avec les progrès actuels de la science, qu’est-ce qui nous dit que ce ne sont pas des robots et/ou des intelligences artificielles qui vont prendre les décisions, effaçant totalement par la même occasion “l’erreur humaine” ? Il parait toutefois peu probable que, dans ce domaine, on laisse une machine prendre les décisions. Le football, c’est aussi une histoire de passion et de cœur, critères dans lesquels la technologie n’est pas douée. Un arbitre, même assisté de la vidéo, sait à quel moment un joueur psychologiquement faible a besoin d’être remis dans le droit chemin ou réconforté. Il serait ainsi révoltant de se passer de « l’homme en jaune » dont le regard a beaucoup à apporter.  Car le football, c’est avant tout un sport populaire qui fait vibrer les foules et les rassemble, vidéo ou non.

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17 commentaires
  1. Bonjour, je commence à péter un câble avec votre bandeau violet qui apparait à chaque fois que je clique sur une news. Ça devient insupportable. Il apparait même si je désactive tout :/

  2. C’est surtout de la ***** au football car il n’explique pas le pourquoi de sa décision, des penaltys accordés après visionnage sont toujours aussi peu évidents, il y a même eu un penalty accordé après visionnage vidéo ou la FIFA a déclaré qu’il n’y en avait pas de penalty : avant de mettre la vidéo faudrait déjà harmoniser l’arbitrage surtout dans la surface…

  3. En regardant (vite fait) la coupe du monde, je pensais que la vidéo n’avait pas été mise en place vue les fautes loupés ou celle sifflés pour rien…   La vidéo devrait etre présente à 100% pour evité la comédie pourrie des joueurs qui gâche complétement ce sport!

  4. Si le but de la video est moins d’injustice c’est raté car les erreurs subsistent et semblent encore plus injustes quand la vidéo a été utilisée pour juger ou quand comme c’est arrivé plusieurs fois la vidéo n’a pas été utilisée pour on sait quelle raison sur des actions qui auraient vues la décision de l’arbitre inversée !
    Bref on en revient a l’interpretation des hommes et il y aura autant d’interpretations qu’il y a d’hommes quand la situation est un peu compliquée.
    J’esperait au moins un changement des comportement des attaquant simulateurs craignant une sanction grace a la video mais jamais personne n’a été sanctionné pour un plongeon.
    Du coup maintenant ils plongent, demande la video au cas ou sans crainte.

  5. Ce n’est pas dans cette voie que la notoriété, l’équitabilité et la Crédibilité de ce qui se fait par tout-un-chacun serait réglé!!!!
    Vous ne faite qu’aggraver les cas de mauvaises foies, des mesquineries, des roublardises jusqu’à une voyoucratie devenant une norme de faisabilité pour atteindre son but.
    L’Honneur, l’Honnêteté et la confiance ne peuvent être mis en valeur avec ou par des intermédiaires… mais par son âmes et confiance avec les savoirs et savoir-faire!!! 
    A bon entendeur!!!!

  6. Je pense que c’est précisément le but en fait. Ce sport est l’opium du peuple (avant c’était les jeux du cirque mais bon parait que ca ne se fait plus de voir des mecs se faire massacrer … ) Le but est de cristalliser sur une cause commune l’appétence des humains pour un jeu simple à comprendre et pouvant mêler de la joie, de la bagarre, des histoire d’argent, de corruption, parfois de sexe, etc. – Anesthésier les esprits est très pratique dans nos sociétés modernes -. La rage face à un arbitre qui aurait prit la mauvaise décision fait parti de ce show : il devient convenable de publiquement décrier un humain qui à simplement fait une erreur … normal que les plus fervents supporters ne veulent pas de la vidéo, d’autant plus que cela leur retire une possibilité pour expliquer pourquoi leur équipe n’a pas gagner !

  7. Football masculin*

    Fixed. Le football féminin n’a rien à voir avec ce ramassis de mer*e qu’est le masculin.

  8. Faudra m’expliquer en quoi c’est plus injuste quand tu vois clairement l’action de quand tu ne l’as pas vu.  Même si je ne nie pas le fait que possiblement, une vidéo peut altérer le jugement de l’arbitre est l’orienter vers une mauvaise décision (c’est toujours possible)

    Faut arrêter d’être de mauvaise foi, ce genre de cas est logiquement d’un faible pourcentage comparé aux images : tu as différents angles, tu pauses, tu zoom..

    Faut pas abuser et dire ce genre de bêtises non plus. D’un point de vu global l’arbitrage vidéo amène plus de jugement juste que l’inverse.

  9. Exactement.

    J’ajouterai que le football masculin (et tous sports populaire en réalité) est un ramassis de magouilles et pot de vin surtout à ce niveau. Tu penses bien que si il y a une faille, les gros billets peuvent continuer de l’exploiter.

    L’arbitrage obligatoire retirerait toute ces aberration  et rendrait le sport globalement moins populaire.

    Puis c’est tellement plus facile d’insulter l’arbitre que penser que son équipe favorite à simplement perdue car elle était moins bonne … L’histoire de la vie humaine, avoir le plus gros kiki.

  10. Pour.

    Malheureusement le seul argument valide contre (que j’entends) et peut être effectivement la "cassure" de quelques secondes dans le rythme de jeu.

    N’ayant que ça à me mettre sous la dent, j’estime que la prise d’une décision plus juste est nettement supérieur à ce pseudo argument.

  11. L’idéal sera évidemment que les machines remplacent l’arbitrage humain. mais d’ici là ce seront sans doute les machines elles-même qui joueront et on appellera plus ça du football (du mecha-foot?).
    La vidéo est bien sûr nécessaire car elle aura permis à la France d’être championne du monde et c’est bien là l’essentiel 🙂
    Cependant en rugby c’est pas une réussite, le sport étant trop sujet à l’interprétation la vidéo ne prouve sont utilité que pour des cas débiles genre le mini en-avant avant d’aplatir…
    De mon point de vue (et pour revenir au foot) il faudrait avoir une vidéo à posteriori, c’est à dire que l’on puisse sanctionner les joueurs après le match. Cela n’altère pas la dynamique du jeu et permettrais de suspendre des joueurs pour fautes et tendrait à les discipliner (sur un championnat ça serait plus envisageable que dans un tournoi). Les joueurs sauront qu’ils sont scruter minutieusement et devront se comporter en fonction. Je penses que ça pourrait fonctionner pour ce sport qui n’a que peu de temps morts.

  12. Ah ah, lol, Julien Green ne pensait pas au foot et autres balivernes en parlant de l’invisible, mais du monde invisible, i.e. Dieu. La citation est est de l’ordre métaphysique, pas du physique.

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