Passer au contenu

[Humeur] Pourquoi le binge-watching reste la meilleure manière de regarder une série

Avec l’arrivée de Disney+ et son choix de reprendre la bonne vieille méthode de la diffusion hebdomadaire à son compte, et le succès de sa série WandaVision, la pratique du binge-watching chère à Netflix semble menacée. Voilà pourquoi, en toute subjectivité, le modèle créé par cette dernière est, encore et toujours, la meilleure manière de regarder une série.

Crédits : Glenn Carstens-Peters / Unsplash

Il y a quelques années, Netflix a chamboulé notre façon de regarder des séries. Autrefois diffusées principalement à la télévision traditionnelle — d’où elles tirent leur nom de « séries TV » — celles-ci ont connu un immense regain de popularité à l’arrivée de la plateforme de Reed Hastings, notamment en raison de son choix de publier tous les épisodes d’une saison d’un seul coup. Cela faisait sens d’un point de vue technique, puisque Internet permettait justement de s’affranchir de la linéarité des grilles de programmes imposées par les chaînes de télévision traditionnelles. Et le pari a été gagnant : le phénomène fut tel qu’un mot a même été créé au passage, « binge watching », signifiant le fait d’enchaîner des épisodes de série pendant une longue période. D’ailleurs, c’est la méthode de visionnage que vous avez privilégié en grande majorité dans notre sondage publié sur Twitter.

Pourtant, à l’heure où Netflix a été rejoint par des mastodontes comme Amazon et Disney dans la guerre du streaming, ses concurrents ne l’ont pas suivi dans ce choix et ont préféré opter pour la bonne vieille méthode de la diffusion hebdomadaire. Cela a été le cas au lancement des deux saisons de The Boys, la série phare de Prime Video, mais aussi pour les séries de Disney+, à commencer par The Mandalorian, WandaVision, qui s’est achevée la semaine passée, et Falcon & the Winter Soldier qui débutera la semaine prochaine. Mais alors, pourquoi aucun concurrent de Netflix n’a-t-il fait le choix de livrer tous les épisodes d’une saison d’un seul coup, alors que le succès de cette méthode n’est plus à prouver ? Surtout, pourquoi vouloir retourner à la rigidité d’une programmation imposée alors que la technologie et les plateformes de streaming nous permettent aujourd’hui de nous en affranchir ?

Une manière de gonfler artificiellement la notoriété d’une série ?

Il est assez aisé de comprendre pourquoi Disney+ ou Prime Video ont opté pour la diffusion hebdomadaire. La série WandaVision, par exemple, s’est récemment hissée comme la « série la plus populaire au monde », dans un classement signé Parrot Analytics qui se base, entre autres, sur les comportements des spectateurs sur les réseaux sociaux et sur le nombre d’articles publiés sur un sujet… deux composantes qui, justement, profitent largement d’une diffusion hebdomadaire. Wandavision, par exemple, revenait dans les tendances chaque semaine pendant sa diffusion, tandis que la plupart des médias spécialisés — nous y compris — avons multiplié les articles à son sujet, débriefing, analyse, théories sur les prochains épisodes… Lorsqu’un diffuseur comme Netflix choisit de diffuser toute une saison d’un seul coup, il ne profite que d’un seul gros coup de projecteur, et la hype s’estompe logiquement bien plus rapidement. On l’a vu avec Lupin sur Netflix, qui a été un énorme carton international, mais qui a rapidement cessé de faire parler d’elle.

La série la plus populaire au monde, vraiment ?
Crédits : Disney+

Là repose tout le reproche que j’ai envers le choix d’une diffusion hebdomadaire : il s’agit d’une contrainte totalement artificielle. Là où les épisodes de séries diffusés à la télévision doivent s’intercaler dans une grille de programmes parfaitement calibrée, cette contrainte temporelle disparaît avec le streaming. De fait, l’intérêt d’une diffusion hebdomadaire devient clair : garder les abonnés inscrits le plus longtemps possible sur la plateforme. À ce petit jeu, seul le diffuseur y gagne, et absolument pas le spectateur, qui s’octroie simplement le « privilège » de payer plus, pour la même chose. Cette contrainte, Netflix ne l’a propose pas puisqu’il laisse le choix à ses utilisateurs de binge-watcher une saison entière avant de se désabonner : c’est donc le spectateur qui y gagne, au détriment, parfois, de la plateforme.

Quand le rendez-vous devient une pression sociale

L’un des arguments qui revient souvent lorsqu’on évoque la diffusion hebdomadaire, c’est sa capacité à créer un rendez-vous, un événement fédérateur capable de rassembler, au même moment, ou groupe d’amis, de collègues ou une famille réunie devant le poste. La diffusion de Lost, ou encore La Trilogie du Samedi, avaient largement réussi à générer ce rendez-vous, tout comme, plus récemment, la dernière saison de Game of Thrones. La télévision et sa diffusion dites linéaire était parfaitement adaptée à cela, puisque, par principe, tout le monde a accès au même moment à un contenu unique.

Crédits : Papafox / Pixabay

Sauf que sur une plateforme de streaming, on peut en réalité lancer un contenu quand on le souhaite. Regarder un épisode dès sa parution, ou presque, résulte parfois d’une peur de manquer un événement fédérateur dont tout le monde parle sur les réseaux sociaux, un ressort psychologique qui s’apparenterait presque au syndrome FOMO, une sorte d’anxiété sociale qui se caractérise par la peur de manquer un événement important. D’autres se pressent pour éviter les (trop) nombreux spoilers qu’on trouve en ligne. D’autres encore, et on l’espère la majorité, regardent par plaisir de retrouver leur série après une semaine bien chargée. Mais s’ils avaient le choix de pouvoir tout regarder d’un coup plutôt que de d’étaler les épisodes dans le temps, ne choisiraient-ils pas de binge-watcher la saison entière dès sa parution ? Pour répandre les paroles d’un grand sage, « je pense la question, elle est vite répondue. »

Pourquoi j’ai choisi la liberté du binge-watching

En faisant le choix de proposer l’intégralité d’une saison plutôt qu’un épisode par semaine, Netflix tranchait radicalement avec le modèle dominant de la télévision « traditionnelle » et ses nombreuses contraintes techniques. La raison du succès de la plateforme est certainement en grande partie lié à cette capacité à avoir su déceler ces nouvelles pratiques de consommation chez des spectateurs désireux de reprendre le contrôle de leur emploi du temps, et de redevenir maître de leur consommation culturelle. Le choix de ses concurrents — et notamment Disney+ — de miser sur une diffusion hebdomadaire me semble plutôt faire office de retour en arrière dans cette émancipation du spectateur, un frein dans sa liberté de consommer ses contenus comme il le souhaite. Aujourd’hui, habitué à cette liberté, j’ai la fâcheuse tendance à abandonner en cours de route chaque série diffusée “à l’ancienne”, à raison d’un épisode par semaine. Suis-je matrixé par Netflix au point de ne plus pouvoir faire preuve de patience avant de regarder un épisode ? Peut-être.

Crédits : CardMapr / Unsplash

Le plus dérangeant, à mon sens, c’est que le choix d’une diffusion hebdomadaire est une décision du producteur de contenu, au détriment de la liberté du spectateur, et non pas une contrainte technique. Il s’agit d’une manière de faire parler d’une série le plus longtemps possible, de gonfler artificiellement sa notoriété et ses qualités intrinsèques. Parce qu’une bonne série peut tout aussi bien se regarder à raison d’un épisode par semaine que d’une traite, une bonne série restera toujours une bonne série. Enchaînez-vous tous les épisodes de Breaking Bad ou regardez-les à raison d’un épisode par semaine, le souvenir que vous en aurez sera très probablement le même. Passé les quelques semaines de diffusion et la hype générée par WandaVision, seul le temps nous dira si elle s’inscrira, ou non, au panthéon des plus grandes séries, mais sa méthode de diffusion n’est finalement qu’une composante éphémère dans l’appréciation — et la promotion — d’une oeuvre.

Personnellement, je préfère mille fois regarder tout d’une traite, et cela vaut également pour WandaVision, que je vais enfin pouvoir déguster après avoir soigneusement évité la plupart des spoilers. Et vous, vous êtes plutôt du genre à regarder vos séries d’un seul coup ou à raison d’un épisode par semaine ? N’hésitez pas à réagir en commentaire et à aller lire notre second dossier, quant à lui à l’avantage de la diffusion hebdomadaire !

Acheter sur Amazon

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

7 commentaires
  1. Bravo pour votre analyse, claire et parfaitement sensée.
    Un double bravo pour votre écriture qui est pour votre profession un exemple à suivre avec des arguments et contre arguments, un travail qu’on aimerait retrouver plus souvent chez vos confères.

  2. “Enchaînez-vous tous les épisodes de Breaking Bad ou regardez-les à raison d’un épisode par semaine, le souvenir que vous en aurez sera très probablement le même.

    Je ne suis pas d’accord sur ce point, et je rejoins l’avis du deuxième article, binge watcher une série ne la permet pas de s’ancrer dans nos esprits. D’autant plus qu’une série comme Breaking Bad contient beaucoup de saison avec beaucoup d’épisodes au ‘long format’ (+ de 30 min)

  3. Je partais avec un a priori négatif sur le billet car je suis plutôt défenseur du fait de revenir, au moins en partie à la diffusion hebdo. Mais les points évoqués dans l’édito sont au final plutôt pertinent pour le point de vue opposé au miens. Très bon boulot Mr Remi LOU 🙂 Je trouve souvent les articles sur le site jdg un peu léger mais celui-ci c’est de l’excellent boulot.

    Je n’ai suivi WandaVision que peu avant la diffusion du dernier du coup je l’ai regardé assez rapidement (je n’ai pas le temps de binge watch quoi que ce soit), mais il me semble que la série n’était pas totalement diffusée en hebdo. Je crois que Disney+ avait diffusé les trois premiers, puis la suite au format hebdo. je trouve cette méthode plutôt intelligente car ça leur permet d’imposer une nouvelle marque de fabrique avec leur arrivée dans le milieu. Car du coup on peut très bien imaginer qu’avec ce format, on peut lancer une série avec un tryptique qui forme quasiment un film, qui sera ensuite suivi de 5 épisodes plus courts qui nous amènent à une conclusion développée dans un épisode u npeu plus long que la normale.
    Ce qui est intéressant c’est que ça donne une nouvelle dynamique au format.

  4. Le pire & le meilleur exemple de diffusion hebdo … Game of Throne 🙂 seule série qui me faisait lever le lundi matin à 2-3h du mat pour la diffusion en direct sur OCS.
    Vu la hype de la série et le fait qu’elle a tout écrasé pendant 10 ans [même s’il y avait Walking dead, mais c’était moins costaud niveau mondial) , je pense que Disney/Amazon cherche surtout à copier ce modèle-là niveau couverture médiatique 🙂

    Après, perso je préfère le binge watch 🙂
    Trop de bons week-end en mode Jabbah sur le canapé à bouffer les Daredevil et autres Punisher 🙂

  5. C’est parce que d’habitude les articles sont bâclés ou à moitié recopier ailleurs sans aucune recherche de vraies informations et bien souvent avec un titre **** à clic… Ici l’article est bon et ca fait plaisir!

  6. Je ne suis pas d’accord avec cet article. Déjà il y a un aspect subjectif indéniable. Ensuite, l’attente, fait que l’humain développera ce sentiment de manque et de frustration mais qui fera que l’on va “savourer” . C’est la même chose que de devoir travailler pour acheter des choses, ou d’avoir tout l’argent pour acheter tout d’un coup. Oui c’est pratique mais il y a une sensation différente.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *