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Meredith Brand nous livre les sercrets de son métier : égyptologue

À l’occasion de la sortie des “trésors perdus de la vallée des rois” sur National Geographic nous avons échangé avec Meredith Brand, une archéologue.

L’Égypte a toujours été un trésor archéologique à ciel ouvert. Si les pyramides de Gizeh ou encore le Sphinx font partie des monuments les plus connus du monde, ils ne sont qu’une minuscule démonstration de la puissance de la civilisation égyptienne. 2000 ans plus tard, les pharaons fascinent toujours autant les scientifiques du monde entier, comme Meredith Brand archéologue spécialiste de l’ancienne Égypte.

À l’occasion de la troisième saison de la série « Trésors perdus de la vallée des Rois » disponible sur National Geographic, Meredith Brand, doctorante de l’université de Toronto en archéologie, spécialiste de l’art de la poterie en ancienne Égypte est venue nous confier les secrets de son métier, et partager avec nous sa passion pour l’histoire avec un grand H.

JDG : Pour commencer, pourriez-vous nous expliquer d’où vous vient cet amour pour l’Égypte et l’Histoire en général ?

MB : Je pense que j’ai toujours été fasciné par l’Histoire, car c’est une des choses qui correspond le mieux à la façon dont je pense. Dès que l’on me raconte un fait historique, mon cerveau cherche toujours à comprendre pourquoi s’est arrivé, quel était le contexte social, économique et culturel à l’époque qui a engendré ce phénomène. Au final, ce qui me passionne vraiment c’est de comprendre la petite histoire cachée derrière les grandes lignes que l’on connaît tous.

En ce qui concerne l’ancienne Égypte, je pense qu’au départ j’ai vraiment été fascinée par leur savoir-faire, leur capacité à dessiner, à construire. C’est vraiment très impressionnant de voir à quel point ils étaient doués. C’était vraiment cette première idée qui m’a fait m’intéresser à l’Égypte et son histoire, puis plus j’étudiais les pharaons et toutes ces choses, plus je cherchais à comprendre comment vivaient les gens « normaux » de l’époque.

JDG : En quoi c’est important pour vous de savoir comment vivez les gens à cette époque ?

Je pense que c’est ce qu’il y a de plus utile pour nous aujourd’hui. Si l’on comprend comment monsieur tout le monde vivait à cette époque, on est alors capable de se comparer à lui, et c’est là que l’Histoire a le plus de sens. On peut ainsi remettre en question notre système actuel en le comparant à ce qui se faisait avant, que ce soit d’un point de vue économique, politique ou même social.

Puis savoir comment les gens vivaient, je trouve ça très important pour comprendre comment les choses se sont passées. Si on prend l’exemple des pyramides, on sait aujourd’hui comment techniquement elles ont été faites, mais si l’on sait comment les gens vivaient à cette époque, l’on est capable de comprendre quel était leur état d’esprit à ce moment-là. C’est vraiment fascinant de se plonger dans ce monde, de comprendre les rouages politiques de l’époque avec tous les problèmes que ça pouvait engendrer au quotidien.

JDG : Vous êtes à l’affiche de la série « Trésors perdus de la vallée des Rois » de National Geographic, c’est important pour vous de transmettre ce savoir et cette passion ?

Je pense que c’est la raison principale pour laquelle je fais ce métier. L’idée derrière mes recherches c’est avant tout de partager au plus grand nombre mes découvertes. Évidemment, j’aime parler avec des collègues ou des étudiants de quelques points de détails de l’histoire égyptienne, mais ce n’est pas le plus important.

L’essentiel c’est vraiment de faire ce travail de vulgarisation pour que notre savoir et nos connaissances perdurent auprès d’un public toujours plus grand. J’ai toujours aimé parler avec les gens, même ceux qui n’y connaissent pas grand-chose. Leur expliquer comment l’Égypte fonctionnait c’est aussi les aider à comprendre leur passé, à voir comment le monde tournait à l’époque, et, comme je le disais tout à l’heure, cela permet de se remettre en question dans notre monde actuel.

JDG : Il y a aussi un vrai enjeu pour vous en tant qu’archéologue ?

Oui, je pense qu’on ne peut pas le nier. Si l’on arrive à sensibiliser le grand public sur notre travail, cela permet d’éviter que, par méconnaissance bien souvent, les gens aillent dégrader des potentiels lieux de fouille. Si l’on arrive à créer une connexion auprès du plus grand nombre entre notre vie actuelle et ce passé lointain, on a, en tant qu’archéologues, plus de chances de voir nos sites préservés.

JDG : Comment vous décririez votre expérience avec National Geographic ?

C’était vraiment très fun. Notamment l’épisode autour de Cléopâtre qui est un personnage historique important sur qui beaucoup de mythes et de légendes sont construits. C’est très intéressant de voir comment nous jugeons sa vie avec notre regard actuel et notre problème d’aujourd’hui. Cette série c’est avant tout une très bonne manière de créer de l’intérêt chez les gens, de peut-être faire naître des vocations.

JDG : Faire des séries comme celle de National Geographic permet aussi de désacraliser votre métier et d’en apprendre plus sur vous ?

Oui évidemment, et c’est une très bonne chose. Beaucoup de personnes nous imaginent comme des chercheurs de trésor à la Indiana Jones, mais ce n’est pas ça notre vie. Nous sommes plutôt à la recherche de l’histoire qui se cache derrière un objet ou un lieu. Le grand public s’arrête en général à l’objet matériel, mais nous on veut aller plus loin. C’est notamment ce que l’on fait quand on enseigne, on échange sur nos découvertes avec nos étudiants, et j’adore ça c’est très enrichissant. Tout le monde y va de sa petite théorie et ça permet de se construire une idée plus précise de comment le monde égyptien était à l’époque.

JDG : Vous l’avez dit vous enseignez, vous êtes aussi sur le terrain pour des fouilles, au final cela ressemble à quoi un emploi du temps d’archéologue ?

C’est très difficile à dire. C’est rare d’avoir deux semaines qui se ressemblent, mais si je devais décrire ce dernier mois, j’ai essentiellement partagé mon temps entre les cours à l’université du Caire où j’enseigne, mais aussi les fouilles sur le terrain. Actuellement, je suis avec une expédition tout au sud de l’Égypte, mais je retourne au Caire deux fois par semaine pour l’université. Au final, ma vie se résume à beaucoup d’aller-retour en ce moment (rires).

Puis je fais aussi des interviews, des apparitions pour le grand public afin de sensibiliser le plus possible à l’archéologie et à la compréhension de notre passé. C’est une partie importante de mon travail, que j’aime faire. C’est toujours sympa de passer dans les journaux ou à la télévision, donc je fais aussi ça. Au final, j’ai vraiment un emploi du temps bien rempli, et les choses changent constamment.

JDG : Cela fait des décennies que l’Égypte est au cœur de fouilles et de recherches, pensez-vous qu’un jour nous aurons tout trouvé ?

Je pense qu’il y aura toujours quelque chose à trouver sous terre. Nous sommes encore très loin d’avoir tout découvert. Faire des fouilles c’est quelque chose de très complexe qui demande beaucoup de moyens que ce soit d’un point de vue technique, financier, mais aussi humain, donc l’on ne peut pas en faire partout, et pourtant il faudrait si l’on voulait tout trouver.

Même après des années de fouille, nous sommes toujours en train de découvrir des choses très intéressantes dans le sous-sol égyptien. Mais en plus de cela, l’arrivée des nouvelles technologies a complètement rebattu les cartes. Cela permet notamment aux archéologues de repenser leurs découvertes, en les analysant avec de nouvelles informations.

Grâce aux progrès de la chimie ou de la physique, on est aujourd’hui capable d’en apprendre encore davantage sur des lieux que nous avons découvert il y a des années, voire des décennies. Si l’on prend l’exemple de la poterie (qui est son domaine d’étude), on peut voir sur certaines d’entre elles qu’il y a un léger résidu à l’intérieur ou sur les rebords.

Jusqu’il y a quelques années, on était incapable d’en apprendre plus, mais aujourd’hui la chimie permet de savoir ce qu’il y avait dans le pot, grâce à cette toute fine couche de résidus qui a survécu à travers les siècles. On peut ainsi savoir à quoi elle a bien pu servir il y a 2000 ou 3000 ans.

Avec les avancées des nouvelles technologies, nous allons complètement repenser et réanalyser nos découvertes. C’est vraiment quelque chose de passionnant, on se dit que tout peut-être redécouvert d’une certaine façon. Même des lieux comme les pyramides que nous avons fouillées de fond en comble, nous sommes encore aujourd’hui capables de découvrir de nouvelles choses avec les nouvelles technologies.

JDG : Il est de plus en plus courant aujourd’hui d’entendre des personnes dire que « l’histoire ne sert à rien » qu’auriez-vous à leur répondre ?

Que l’Histoire c’est très important, on prend souvent l’exemple de « connaître son passé permet d’avoir un meilleur avenir », mais je pense vraiment que c’est le cas. C’est crucial de bien connaître son histoire, cela nous permet de ne pas refaire les mêmes erreurs. Mais je pense que le plus important ce n’est même pas ça, c’est juste qu’apprendre son passé nous rend plus humain. En comprenant comment ceux qui nous ont précédés ont vécu, on comprend un peu mieux qui nous sommes et d’où nous venons.

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