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Boston Dynamics s’engage à ne pas construire de robots tueurs

L’entreprise demande à toute l’industrie de la suivre dans cette démarche, mais ses chances de succès sont maigres…

Boston Dynamics, l’entreprise de robotique célèbre pour le chien Spot et le robot bipède Atlas, s’est jointe à cinq autres constructeurs de renom pour formuler une promesse commune : dans une lettre ouverte, ils s’engagent à ne jamais militariser aucun de leurs modèles de robots ni les  logiciels qui leur permettent d’opérer.

Ils ont promis de vérifier scrupuleusement ce que leurs clients comptent faire de leurs machines. De plus, ils ont annoncé qu’ils allaient explorer un certain nombre de fonctionnalités pour limiter les risques qu’une de leurs créations soit utilisée à mauvais escient.  Ils s’adressent aux législateurs pour les encourager à explorer des applications saines et sûres de la robotique. Ils en appellent aussi aux autres constructeurs à signer leur engagement.

Parmi les signataires, on retrouve Agility Robotics, le concepteur du robot bipède sprinteur Cassie (voir notre article). La liste comprend aussi AMYbotics, Clearpath Robotics, Open Robotics et Unitree.

Nous sommes convaincus que les bénéfices pour l’humanité de ces technologies dépassent largement le risque de mauvaise utilisation, et nous sommes excités à propos d’un avenir radieux où les robots et les humains travailleront côte à côte pour résoudre certains des défis du monde”, expliquent les signataires dans une lettre ouverte, disponible ici.

Un risque très concret

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Boston Dynamics se positionne ainsi. En février 2021, la firme s’en était fortement opposée à un groupe d’artiste qui comptait peindre une œuvre collective à l’aide d’un pistolet de paintball fixé sur le robot. Une démarche qui n’a pas du tout plu à l’entreprise, très soucieuse de son image de marque; pas question que son adorable cybertoutou soit présent en train de manier une arme de quelque type que ce soit.

Nous condamnons toute représentation de notre technologie qui encourage la violence ou l’intimidation. Notre mission est de créer et de proposer des robots étonnamment capables qui inspirent, réjouissent et impactent positivement la société”, avait alors déclaré l’entreprise.

Le communiqué rappelait aussi que ces usages sont explicitement interdits par les Conditions Générales d’Utilisation du robot, avant de préciser que “cet art est une représentation fondamentalement trompeuse de Spot et de la façon dont il peut nous être bénéfique au quotidien.” Rappelons qu’à la base, Boston Dynamics a conçu Spot pour réaliser des tâches comme transporter des charges ou secourir des victimes d’avalanche.

Il sera donc intéressant de voir quelles entreprises se joindront à Boston Dynamics…mais malheureusement, il y a des chances non négligeables pour que cet appel ne fonctionne pas aussi bien que prévu. En effet, plusieurs forces armées et groupes de sécurité privés ont déjà commencé à expérimenter avec Spot sur le terrain.

Une niche potentiellement très rémunératrice

Désormais, la question va donc être de trouver où placer la limite. En l’état, il semble que les réticences de Boston Dynamics concernent seulement le fait d’équiper le robot d’une arme. Pour les autres applications en lien avec la sécurité des personnes, l’entreprise se montre beaucoup plus ouverte.

Nous soutenons une utilisation saine, éthique et efficace des robots dans la sécurité publique, comme la détection de gaz, de mines ou de paquets suspects, la recherche de personnes disparues, et ainsi de suite”, expliquent ses porte-paroles.

Reste donc à voir quelle portée aura cet appel; en l’état, il n’est pas sûr qu’il aura les effets escomptés. Une fois dans les mains du client , il devient quasiment impossible de vérifier que ces règles sont respectées. Et même si la firme s’engageait à couper les ponts avec toutes les forces de police, les armées, ou autres entités militaires, cela n’empêcherait toujours pas des particuliers de militariser des robots.

C’est même relativement facile de le faire, comme l’a prouvé un vidéaste australien dans cette vidéo. Certes, il ne s’agit pas d’un robot Spot, mais la problématique est la même; si quelques joyeux lurons ont réussi à monter des armes létales sur un petit cyberchien, puis à tirer avec, imaginez ce dont une personne mal intentionnée et disposant de compétences techniques avancées serait capable…

© I did a thing

Une question de temps ?

Et le souci, c’est que contrairement à ce YouTubeur, certains de ces spécialistes pourraient avoir un intérêt évident à pousser dans cette direction. Par exemple, la DARPA – division de l’US Army qui s’occupe de développer des armes et des systèmes de combat – n’a jamais caché son amour pour ces technologies. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres; ce n’est probablement qu’une question de temps avant que les robots militaires ne s’invitent sur tous les champs de bataille.

Et si cela finit bel et bien par arriver, on pourrait assister à l’émergence d’un cercle vicieux, puisque comme toujours dans le secteur militaire, la construction de ces robots de combat deviendra immédiatement un secteur extrêmement rémunérateur du jour au lendemain; les entreprises auront alors le choix de signer la promesse de Boston Dynamics… ou un contrat synonyme d’énorme jackpot avec un gouvernement ou une organisation paramilitaire. Pas franchement rassurant quant au futur de la philosophie que veulent encourager les sorciers du Massachusetts.

Cet appel est donc un pas dans la bonne direction, mais il restera probablement symbolique – à moins que Boston Dynamics et ses cosignataires ne cherchent tout simplement à se dédouaner des dérives qui pourraient survenir un jour.

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