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L’usage d’Internet protège-t-il les seniors de la démence ?

Une nouvelle étude suggère qu’un usage modéré d’Internet pourrait ralentir le développement des troubles neurologiques qui conduisent à la démence – mais il va falloir creuser pour en avoir le cœur net.

Si l’un de vos aînés vous demande de l’ aider à s’y retrouver dans sa boîte mail, à faire ses emplettes en ligne où à contacter ses amis sur un réseau social, vous avez tout intérêt à lui prêter main forte — et pas seulement par simple gentillesse ; une nouvelle étude de grande ampleur suggère qu’un usage régulier d’Internet pourrait réduire significativement les risques de démence.

Ces travaux sont partis d’un constat problématique : à l’heure actuelle, on ne sait toujours pas guérir ces troubles neurologiques extrêmement handicapants. A vrai dire, on ne connaît même pas exactement tous les mécanismes physiologiques qui sont à l’origine de ces troubles neurologiques. Faute de mieux, les recommandations du corps médical sont donc souvent axées sur la prévention, et proviennent surtout de constats empiriques.

Par exemple, il est aujourd’hui bien établi que l’activité physique a tendance à repousser l’apparition de nombreux troubles cognitifs. Dans une certaine mesure, cela vaut également pour l’activité cérébrale. Nos parents et grands-parents sont donc encouragés à rester mentalement actifs. Cela passe notamment par la pratique régulière d’activités intellectuellement stimulantes, comme la lecture ou la résolution de puzzles.

Or, même si nous avons parfois tendance à l’oublier à notre époque où le numérique fait partie intégrante du quotidien, le fait d’utiliser les différents outils et services que l’on trouve sur la toile demande aussi des efforts au cerveau. Une équipe de chercheurs de l’Université de New York a donc souhaité déterminer l’impact de cette activité sur l’apparition de la démence.

Une utilisation modérée d’Internet contre le déclin cognitif

Pour y parvenir, les auteurs ont interrogé plus de 18 000 patients âgés de 50 à 65 ans. Tous étaient volontaires dans le cadre d’une étude sur la santé des retraités américains. Au début du protocole, aucun d’entre eux ne présentait de signes de démence.

Pendant une durée moyenne de 8 ans, les chercheurs les ont régulièrement interrogés. Ils ont d’abord cherché à déterminer combien de temps ils passaient sur Internet. Ils ont obtenu des résultats très hétérogènes. Certains seniors naviguaient plus de huit heures par jour sur la toile, tandis que d’autres ne l’utilisaient absolument jamais.

le chargement de gmail:
© Solen Feyissa – Unsplash

Et au bout du processus, une tendance claire a émergé. Ils ont observé que le risque de démence était environ deux fois plus faible chez les patients qui avaient l’habitude d’utiliser régulièrement ces outils numériques. Ce constat était le plus marqué chez les individus qui passaient en moyenne deux heures par jour sur Internet. À l’inverse, les chercheurs ont déterminé que ce risque était « notablement plus important » chez ceux qui ne s’en servaient pas.

Étant donné qu’il s’agit d’une étude de grande ampleur qui a suivi plusieurs milliers d’individus, ces résultats sont plutôt convaincants. Statistiquement parlant, il semble effectivement qu’un usage modéré d’Internet contribue à ralentir le déclin cognitif.

Une étude superficielle avec des limites importantes

En revanche, il ne s’agissait que d’une petite partie de cette grande enquête sur la santé des seniors. Cette étude n’est pas suffisante pour établir une relation de cause à effet directe. Il reste donc de nombreuses zones d’ombre. Par exemple, l’étude ne s’est pas concentrée spécifiquement sur la façon dont ces seniors utilisaient Internet. Il est donc impossible de déterminer quelles activités en particulier seraient les plus bénéfiques sur la base de ces travaux.

C’est une lacune considérable qu’il pourrait être intéressant de combler avec une étude complémentaire. Car l’autre point important qui ressort de cette publication, c’est que l’impact de ces activités numériques dépend de plusieurs facteurs différents.

Par exemple, les chercheurs ont aussi constaté une légère augmentation du risque de démence chez les seniors qui utilisaient le plus Internet (entre 6 et 8 heures par jour). Le souci, c’est que cette catégorie était trop peu représentée pour que les résultats soient significatifs. Il faut donc prendre cette dernière information avec des pincettes, car il pourrait s’agir d’une anomalie statistique.

Mais d’un autre côté, cela pourrait aussi vouloir dire qu’il faut intégrer d’autres éléments à l’équation. Les auteurs suggèrent par exemple que dans certains cas, cette utilisation soutenue d’Internet pourrait être symptomatique d’un certain isolement social. Or, le manque d’interaction est aussi suspecté d’accélérer l’apparition de ces troubles neurologiques, ce qui a tendance à brouiller les pistes.

Un senior en train d'utiliser un ordinateur
© MidjourneyAI – Journal du Geek

Une piste qui mérite d’être explorée

Vous l’aurez compris, cette étude ne se suffit pas à elle-même. Les chercheurs sont bien conscients de ses limites et en discutent ouvertement en conclusion. Ils n’affirment à aucun moment qu’il faut forcer vos aînés à passer deux heures par jour devant Pinterest pour ralentir le développement de troubles comme Alzheimer.

En revanche, ces travaux sont quand même importants, car ils renforcent l’hypothèse que l’activité numérique peut ralentir le déclin cognitif. Même si elle n’est pas très étoffée, c’est la première fois qu’une étude de cette ampleur aborde la question sous cet angle.

Désormais, tout l’enjeu sera donc d’affiner ces résultats. Il faudra conduire des analyses complémentaires en intégrant d’autres paramètres, comme le profil socio-économique des patients ou leurs habitudes sur la toile. Dans l’idéal, cela permettra de déterminer s’il existe effectivement une vraie relation de cause à effet. Le cas échéant, cela fera peut-être émerger de nouvelles pistes dans la gestion de ces troubles extrêmement handicapants, autant en termes de santé pure que sur le plan humain.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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