Passer au contenu

Interdire les écrans aux enfants, une promesse impossible à tenir pour Emmanuel Macron

Le président de la République a surpris les Françaises et les Français hier, en annonçant de possibles restrictions du temps d’écran pour les plus jeunes.

L’annonce formulée par Emmanuel Macron prend des airs de politique chinoise. Hier soir, mardi 16 janvier, à l’occasion d’une conférence de presse attendue, le président de la République a réaffirmé sa volonté de réguler l’usage du numérique en France, notamment pour les plus jeunes. Après avoir théoriquement “interdit le portable dans les collèges et demandé un contrôle parental sur les téléphones“, le gouvernement a réuni un colloque d’expertes et d’experts la semaine dernière. Objectif : “installer un consensus scientifique” d’ici à la fin du mois de mars, et “déterminer le bon usage des écrans pour nos enfants dans les familles, à la maison comme en classe“.

Interdire les écrans aux jeunes, vraiment ?

L’inquiétude du gouvernement face à la surexposition précoce des enfants aux écrans n’est pas récente. Dans une interview à Madame Figaro publiée en novembre dernier, le Premier ministre (et ancien ministre de l’Éducation nationale) Gabriel Attal estimait : “Nous sommes proches d’une catastrophe sanitaire et éducative” en évoquant l’utilisation des écrans au sein du foyer.

Emmanuel Macron ne fait que suivre la direction déjà prise par son gouvernement. “Il en va de l’avenir de nos sociétés et de nos démocraties à l’école“, a souligné le chef de l’État hier. Aux grands maux, les grands remèdes, des restrictions et interdictions légales, sur le même modèle que les décisions prises l’année dernière par la Chine ne sont désormais plus à exclure.

Derrière cet effet d’annonce, et même si le président a évoqué la possibilité d’instaurer “peut-être des interdictions, peut-être des restrictions“, il semble en réalité peu probable que la France soit en mesure de contrôler l’usage du numérique chez les jeunes. D’abord pour d’évidentes questions de dérives liberticides, ensuite pour de simples raisons pratico-techniques. Le gouvernement peine déjà à réguler l’accès des mineurs au contenu pornographique accessible gratuitement sur les plateformes de streaming, un contrôle total et une restriction temporelle de la navigation des plus jeunes semblent foncièrement impossibles. Quant aux “restrictions sur les contenus” évoquées par Emmanuel Macron, là encore un tel dispositif pourrait largement entacher les libertés fondamentales sur Internet, notamment en nécessitant une vérification de l’âge systématique pour toutes et tous, mineurs comme majeurs.

L’impossible consensus scientifique

En évoquant la nécessité de mettre en place un consensus scientifique destiné à guider l’apprentissage des écrans, Emmanuel Macron s’enfonce dans un sacré bourbier. Les dangers supposés ou bien réels de la surexposition des enfants aux écrans alimentent débats et fantasmes de la communauté scientifique depuis déjà plusieurs années. Par exemple, si l’on se fit aux essais du docteur en neurosciences et directeur de recherche à l’Inserm Michel Desmurget (auteur du livre TV Lobotomie : la vérité scientifique sur les effets de la télévision et La Fabrique du crétin digital, publiés en 2011 et 2019), le phénomène relève d’un problème de santé publique.

À l’inverse, le psychiatre Serge Tisseron détaille dans son livre Faut-il interdire les écrans aux enfants ? (coécrit avec Bernard Stiegler en 2009) que c’est l’usage que l’on fait d’un écran autant (si ce n’est plus) que le temps d’exposition qui détermine le niveau de risque. Si tous s’accordent à déconseiller les télévisions, tablettes et smartphones aux moins de trois ans, le débat sur l’usage des six ans et plus est loin de faire consensus. Difficile à croire qu’un collectif de scientifiques parviendra en quelques semaines, à établir une ligne directrice claire. D’autant plus que le gouvernement n’a en réalité évoqué aucune mesure concrète.

En attendant, c’est aux parents de prendre leurs responsabilités. “On a laissé beaucoup de familles sans mode d’emploi“, a reconnu le président de la République. Comme pour beaucoup de sujets, il conviendrait de miser sur l’éducation plutôt que sur la restriction. Aujourd’hui, les enfants de un à six ans passent en moyenne quatre heures par semaine devant un écran.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

4 commentaires
  1. “Les dangers supposés ou bien réels de la surexposition des enfants aux écrans alimentent débats et fantasmes de la communauté scientifique depuis déjà plusieurs années.”

    Quels débats et fantasmes ??? Il y a un consensus scientifique ! Les écrans pour les enfants de moins de 6 ans c’est destructeur ! C’est la société civile qui n’arrive pas à l’accepter qui fait comme s’il y avait débat.

    Il n’y a pas de programme télévisuel et médiatique adapté aux enfants. “Et les dessins animés pour les petits ?” Ha bon ? C’est un pédopsychiatres qui a dit que c’était adapté ou une société de jouets pour vendre des jouets ? “Et youtube kid ? C’est pour les enfants non ?” Bah oui youtube est tout à fait le bon parti pour déterminer si les écrans c’est adaptés aux enfants.

    Et si il y a bien une chose que le gouvernement peut faire c’est fermer la porte à toutes ces sociétés qui toquent au ministère de l’éducation pour essayer de vendre leurs produits informatiques “pour améliorer l’apprentissage”. Leurs propres études montre que ça ne fonctionne pas. C’est juste du marketing.

  2. Consensus scientifique veut dire une majorité, en cherchant un peu, tu trouveras des scientifiques qui défendent certains bienfaits. Ils sont payés par les fabricants, peut être, mais ont ils changé de message après avoir été payés, ou ont ils été choisis par ces fabricants car ils tenaient déjà ce discours ? et on peut même gratter encore plus et se demander s’ils n’ont pas choisi ce discours par pure vénalité, en sachant qu’ils seraient alors largement soutenus. Ça s’est déjà vu…

    Pour rappel, pendant très longtemps, il y avait un consensus scientifique sur le danger des jeux vidéos alors que maintenant, on leur reconnait des bienfaits… Comme pour tout, c’est une question de dosage. Un pote a fait sport étude et n’a plus un ligament en bon état donc on doit interdire le sport aux jeunes ? Non, c’est l’excès, comme dans tout.

    Ayant un môme de 3 ans, oui je suis en plein là dedans et c’est très compliqué… car nous sommes tous nous mêmes adultes drogués d’écran. Télé, téléphone, ordi, difficile de ne pas avoir un écran allumé dans une maison qui retient notre attention à un moment. Et si c’est si intéressant pour nous, pourquoi ça ne le serait pas pour les petits qui nous singent. C’est facile à dire, mais mettre en place est plus compliqué. Et aller dans une galerie marchande, les écrans sont partout, et ça fascine les petits pas habitués à en voir.
    Mon boutchou regarde Eau Paisible, je cherche encore les produits dérivés… Par pour en acheter, mais justement car je trouve étrange que cette série n’en fasse pas.
    Et personnellement, j’ai grandi scotché devant Dorothée, j’ai pas trop mal tourné. Car mes parents me collaient aussi devant Envoyé Spécial, Faut pas rêver, et plein d’autres émissions permettant d’ouvrir nos esprits.

  3. Et pendant ce temps, on remplace dans les classes les bons vieux tableaux noirs à craie par des tableaux numériques ou l’on diffuse des vidéos “pédagogiques” entrecoupées de publicités YouTube..

    Les écrans à la maison sont une plaie, mais quid de ceux à l’école??

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *