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Critique Wonka : ticket gagnant pour TimothĂ©e Chalamet đŸ«

Cinquante ans aprÚs Gene Wilder, Timothée Chalamet enfile le chapeau de Willy Wonka dans un préquel nostalgique et malin. Critique.

Avant d’entrer dans son second siĂšcle d’existence, Warner Bros regarde dans le rĂ©troviseur. En 2023, l’entreprise amĂ©ricaine soufflait sa centiĂšme bougie et cĂ©lĂ©brait un siĂšcle de divertissement cinĂ©matographique en tous genres. Parmi ses succĂšs d’antan, Charlie et la Chocolaterie tient bonne place. À l’approche des fĂȘtes de fin d’annĂ©e, et pour conclure cet anniversaire, les studios cĂ©lĂšbrent l’imaginaire de Roald Dahl avec une nouvelle adaptation du roman. Enfin presque
 Sous l’impulsion du producteur de la saga Harry Potter, David Heyman, c’est la naissance du cĂ©lĂšbre Willy Wonka qui est racontĂ©e. Pour cette fable magique et sucrĂ©e, l’entreprise a recrutĂ© un artisan qui a dĂ©jĂ  fait ses preuves en la personne de Paul King. Le papa des deux films Paddington avait enchantĂ© les spectateurs avec les aventures du petit ourson maladroit, il devait reproduire le miracle avec l’exubĂ©rant marchand de sucreries.

Chocolat Wonka Film 2023
© Warner Bros

Plusieurs dĂ©cennies avant que Charlie ne dĂ©croche le ticket d’or, le jeune Willy Wonka revient d’un long voyage savoureux Ă  travers le monde. Dans une ville enneigĂ©e et colorĂ©e, il dĂ©barque, bien dĂ©cidĂ© Ă  ouvrir sa propre boutique aux Galeries Gourmet. Faisant preuve d’une dĂ©termination sans faille, il doit nĂ©anmoins affronter de nombreux dĂ©fis. Le monde n’est pas aussi doux qu’il l’imagine.

Si l’ouvrage de Roald Dahl est un monument de la littĂ©rature jeunesse, les adaptations de Mel Stuart et Tim Burton ont largement contribuĂ© Ă  la naissance de la lĂ©gende Willy Wonka. NĂ©anmoins, jamais le marchand de friandises n’avait eu l’occasion de dĂ©voiler la recette de son succĂšs. Suivant la tendance hollywoodienne — qui veut que tout bon film ait droit Ă  son spin-off — et en attendant de voir adaptĂ© Ă  l’écran Le grand ascenseur de verre, Wonka dĂ©barque avec l’ambition de nous en apprendre davantage sur le personnage autrefois incarnĂ© par Gene Wilder. C’est d’ailleurs sa performance qui est le point de dĂ©part de ce nouveau rĂ©cit.

Chaud, chaud cacao

Pur produit mercantile ou Ă©lan de gĂ©nie ? L’idĂ©e d’explorer le passĂ© de Willy Wonka est assez maligne. PlutĂŽt que de consacrer une Ă©niĂšme production au parcours du jeune Charlie Ă  la dĂ©couverte de l’usine des merveilles du confiseur, Paul King et les scĂ©naristes Simon Rich et Simon Farnaby entendent raconter d’oĂč le crĂ©ateur des dĂ©lices sucrĂ©es tient son amertume. S’il apparaĂźt reclus et solitaire dans Charlie et la Chocolaterie, c’est un artisan naĂŻf et rĂȘveur qui est ici dĂ©peint.

Sous les traits de TimothĂ©e Chalamet, le jeune Wonka se retrouve confrontĂ© Ă  un monde dĂ©cidĂ©ment bien cruel. Sa confiance aveugle en tous les ĂȘtres qu’il croise va causer sa perte, il aura besoin de personnages forgĂ©s par la dĂ©sillusion et le malheur pour le guider. Wonka ne sait pas lire, il a foi en l’humanitĂ© et c’est l’orpheline Noodles qui va l’accompagner. Elle joue les contrepoids comique et dramatique, venant sans cesse rappeler l’éternel rĂȘveur Ă  la rĂ©alitĂ©. C’est d’ici que Wonka tire sa force, dans sa capacitĂ© Ă  osciller constamment entre fantaisie et thĂ©matiques plus sombres. Conte pour enfants par essence, le dernier-nĂ© de l’écurie Warner Bros ne se contente pas d’un joli emballage et d’une marque prestigieuse.

Scrub Scrub Wonka
© Warner Bros

Il est surtout une fable sur la rĂ©silience, une ode Ă  la bienveillance sur fond de lutte contre le capitalisme. Alors que les puissants se gaussent des malheurs des pauvres gens, s’arrangent pour obtenir la plus grosse part du gĂąteau, Willy, Noodles et leurs compĂšres s’attaquent Ă  tout un systĂšme. Paul King a compris l’essence mĂȘme des rĂ©cits de Roald Dahl, qui dĂ©peignent un monde dans lequel les dĂ©s sont pipĂ©s, oĂč tout peut s’acheter
 mĂȘme les fameux tickets d’or. De la mĂȘme maniĂšre, le chocolatier doit affronter des concurrents dĂ©loyaux, qui graissent la patte des forces de l’ordre pour asseoir leur dominance sur le monde trĂšs fermĂ© de la vente de confiseries.

NĂ©anmoins, face Ă  de tels dĂ©fis, sa crĂ©ativitĂ© et son entrain s’avĂšrent ĂȘtre un solide atout. À la diffĂ©rence de l’effroyable Cartel du Chocolat, Wonka est motivĂ© par l’amour des friandises, une histoire personnelle Ă©mouvante et surtout l’espoir. Retrouvant les Ă©lans de tendresse qui infusaient dĂ©jĂ  ses Paddington 1 et 2, Paul King prouve qu’il est, lui aussi, motivĂ© par un souffle crĂ©atif. Avec un peu d’imagination, et une maĂźtrise certaine du format de film pour enfants, Wonka fait des merveilles. À certains Ă©gards, ce nouveau mĂ©trage nous rappelle aux belles heures des contes fantastiques, de Nanny McPhee Ă  PĂ©nĂ©lope en passant par Mathilda, lui aussi adaptĂ© d’un rĂ©cit de Roald Dahl. Tout n’est pas parfait, la derniĂšre moitiĂ© est un peu plus brouillonne, mais Wonka est un divertissement gĂ©nĂ©reux tant dans le fond que la forme.

Avec un peu d’imagination


Comme l’ouverture de la mythique chanson interprĂ©tĂ©e pour la premiĂšre fois par Gene Wilder, reprise ici par TimothĂ©e Chalamet, Paul King s’adresse aux spectateurs dĂšs l’ouverture : “Venez avec moi, vous serez dans un monde de pure imagination”. Évoluant dans des dĂ©cors pastel et sous une neige enchanteresse, le cinĂ©aste rend hommage Ă  des dĂ©cennies de comĂ©dies musicales au travers de ses sĂ©quences dansĂ©es et chantĂ©es. Difficile Ă  la vue d’une scĂšne impliquant des parapluies de ne pas voir une rĂ©fĂ©rence au film de Jacques Demy.

Dans le mĂȘme temps, King doit construire un univers visuel saisissant, gourmand et fĂ©erique. BĂątie sur l’imagerie du film de Mel Stuart, cette nouvelle proposition remporte son pari Ă  plusieurs Ă©gards. S’il ne peut pas encore compter sur l’architecture dĂ©lirante de l’usine, qui interviendra tout de mĂȘme plus tard, le cinĂ©aste saupoudre sa fable de quelques lieux colorĂ©s et inspirĂ©s. Des entrailles d’une Ă©glise britannique aux merveilles de la boutique Wonka, le film rĂ©pond Ă  ses ambitions de relecture moderne de ce classique. Il s’amuse d’ailleurs Ă  rĂ©guliĂšrement convoquer des Ă©lĂ©ments du mĂ©trage de 1971, pour appuyer son appartenance Ă  cet univers plutĂŽt que celui de Tim Burton. Bien aidĂ© par les effets numĂ©riques modernes, Paul King peut mĂȘme pousser le curseur plus loin et convoquer d’imposantes bestioles et de minuscules acolytes. Pour le meilleur comme le pire.

Oompa Loompa 2023 Hugh Grant
© Warner Bros

Car si l’ensemble est finalement assez harmonieux, quelques erreurs de parcours sont Ă  dĂ©plorer. C’est particuliĂšrement vrai concernant le fameux Oompa Loompa campĂ© par Hugh Grant. Pour s’offrir un illustre nom de plus, ou simplement pour avoir l’opportunitĂ© de retravailler avec lui , Paul King a misĂ© sur un personnage CGI pour celui qui deviendra plus tard l’assistant du chocolatier. Comme le laissaient prĂ©sager les premiĂšres bandes-annonces, le rĂ©sultat n’est pas des plus flatteurs. MalgrĂ© son apparence assez fidĂšle au mĂ©trage qui a bercĂ© Paul King, la couleur de la peau et le costume, ce Oompa Loompa 2.0 n’est pas un rĂ©gal.

Si Hugh Grant s’en sort particuliĂšrement bien dans le rĂŽle du minuscule dandy, force est d’admettre que l’implication d’un acteur de petite taille aurait sans doute Ă©tĂ© d’un meilleur effet. Cela aurait aussi Ă©vitĂ© Ă  Warner Bros un procĂšs d’intention, et de s’attirer les foudres des nombreux acteurs et actrices atteint de nanisme qui regrettent de voir les partitions qui leur sont habituellement confiĂ©es aux mains d’autres comĂ©diens. Disney avec sa version live-action de Blanche-Neige et les Sept Nains s’apprĂȘte Ă  emprunter la mĂȘme voie. AprĂšs avoir remplacĂ© les compĂšres de la princesse par des crĂ©atures magiques, Mickey a finalement choisi de miser sur des VFX pour leur donner corps.

Boutique Wonka Film Warner Bros
© Warner Bros

Plus largement, Wonka ne semble pas toujours rĂ©ussir Ă  trouver l’équilibre entre accessoires, dĂ©cors palpables et effets numĂ©riques. Certaines sĂ©quences font ainsi tache, au sein de cette copie pourtant souvent dĂ©licieuse. On citera simplement une cuve de chocolat aux allures de bouillasse marron. C’est aussi vrai lorsque le final joue Ă  la reproduction de l’usine de Charlie et la Chocolaterie version 1971, qui troque ces sucreries en carton pĂąte contre de nombreuses images de synthĂšses. Alors mĂȘme qu’elles devraient ĂȘtre au coeur de la dĂ©marche du film, elles sont trop souvent cantonnĂ©es au rĂŽle d’accessoires, Ă  peine montrĂ©es. Il manque au film un rien d’imagination et de folie, celle qui avait infusĂ© la copie de Burton prĂšs de vingt ans plus tĂŽt ou le charme rĂ©tro de la premiĂšre version.

Enfin, il nous faudra parler des costumes qui sont finalement assez en retrait. Wonka mise sur une redingote usĂ©e pour son personnage principal et de fades guenilles pour ses compĂšres, tandis que les plus aisĂ©s profitent de costumes trois piĂšces colorĂ©s. C’est assez dommage lorsque l’on sait Ă  quel point Paul King avait merveilleusement exploitĂ© les costumes rayĂ©s des prisonniers dans le second volet des aventures du petit ourson pĂ©ruvien Paddington. Chez Warner Bros, Barbie avait aussi fait une dĂ©monstration de force en mettant toutes ces sublimes idĂ©es de “world building” sur le devant de la scĂšne.

Usine Wonka Film 2023
© Warner Bros

Délicieuse musicalité

NĂ©anmoins, pour faire oublier les dĂ©fauts citĂ©s plus haut, Wonka peut compter sur l’enthousiasme provoquĂ© par son format. Suivant ces prĂ©dĂ©cesseurs, Paul King a optĂ© pour la comĂ©die musicale. Ce genre — qui continue de nous fasciner — permet au mĂ©trage d’embrasser toute la dimension enfantine de son rĂ©cit autant que de se prĂ©lasser dans une certaine miĂšvrerie sans provoquer une crise de foie chez les spectateurs. D’ailleurs, le compositeur s’empare dĂšs les premiĂšres secondes de l’iconique thĂšme “Pure Imagination” pour le rĂ©inventer. Il viendra rĂ©guliĂšrement ponctuer le rĂ©cit jusqu’à conclure l’épopĂ©e dans une version revisitĂ©e par TimothĂ©e Chalamet. Mais la partition de Neil Hannon, James A.Taylor et Joby Talbot n’est pas essentiellement constituĂ©e de ces Madeleines de Proust, elle invite aussi des chansons tout Ă  fait originales. De “Scrub, Scrub” Ă  “A World of Your Own”, la bande originale s’inscrit dans la pure tradition du musical.

Cartel Du Chocolat Wonka
© Warner Bros

Cela offre Ă  TimothĂ©e Chalamet une nouvelle opportunitĂ© de prouver ses talents d’homme orchestre, aussi Ă  l’aise dans les registres comiques que plus dramatiques, dans les parties dialoguĂ©es que chantĂ©es. Hugh Grant n’est pas en reste, avec sa reprise du trĂšs entĂȘtant Oompa Loompa, issu lĂ  encore de la BO du tout premier film. L’amour du rĂ©alisateur et de ses collaborateurs pour le roman comme le film transpire Ă  chaque instant. Le spectateur, qu’il soit Ă©galement rĂ©ceptif Ă  ces clins d’Ɠil ou non, se rĂ©gale avec une sucrerie qui tombe Ă  pic.

L’on pensait cela impossible, mais Wonka est parvenu Ă  faire honneur Ă  Charlie et la Chocolaterie, tout en complĂ©tant sa mythologie. Le prĂ©quel est un jeu d’équilibriste, le pari remportĂ© pour Warner et ses Ă©quipes. Nul doute qu’il se trouvait une place de choix en ces fĂȘtes de fin d’annĂ©es, pĂ©riode propice Ă  la nostalgie et aux divertissements rĂ©gressifs.

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Notre avis

Quelle est la recette d’un bon prĂ©quel ? Paul King s’évertue Ă  livrer les premiers ingrĂ©dients avec une relecture ingĂ©nieuse de Charlie et la Chocolaterie (1971). TimothĂ©e Chalamet est au sommet de sa forme dans ce musical qui tient ses promesses d’évasion, de divertissement et qui ne manque pas charme. Une sucrerie de fin d’annĂ©e aux notes nostalgiques bienvenues. Willy Wonka est un grand chocolatier, Paul King un solide artisan de contes pour petits et grands enfants. C'est gourmand, c'est craquant.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 8 / 10
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