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Critique Yū Yū Hakusho : réincarnation en demi-teinte pour le manga culte

Netflix ne peut pas viser juste à tous les coups et livre une réinterprétation à peine correcte du manga et de l’anime culte.

Les adaptations live action n’ont pas spécialement la cote mais cela n’empêche pas Netflix de poursuivre sur cette route semée d’embûches. Contre toute attente, le N rouge est même parvenu à redorer le blason de ces productions trop souvent décriées. Avec Alice in Borderland en 2020 et 2022, puis One Piece en 2023, c’est à croire que la malédiction des adaptations décevantes touche à sa fin. Toutefois, c’est désormais au tour de Yū Yū Hakusho de passer par la case live action et il semblerait que l’exercice de réinterprétation de manga ne soit pas encore parfaitement maîtrisé.

Le projet était annoncé en décembre 2020 à la grande surprise des fans de l’œuvre originale. Plus de 30 ans après sa publication dans le fameux magazine Shonen Jump, le premier manga du papa de Hunter X Hunter s’offre un second souffle sur Netflix. Tout comme pour le développement d’Alice in Borderland, la plateforme a fait le choix de travailler avec des acteurs et des équipes de tournage japonaises afin de produire un programme authentique. Puisque l’action se déroule au Japon, il ne pouvait en être autrement afin de respecter au mieux l’œuvre adaptée. Néanmoins, la bonne volonté de Netflix ne suffit pas à faire de Yū Yū Hakusho une série mémorable au même titre que One Piece.

Une nouvelle approche du classique

Tout comme sur les pages du manga ou dans l’anime, Yū Yū Hakusho raconte l’histoire de Yusuke Urameshi, un jeune délinquant au destin surnaturel. Après avoir perdu la vie en essayant de sauver un enfant sur le point de se faire renverser, le dieu bouddhiste de l’enfer, Enma, ne sait que faire de l’âme de l’élève. Sa mort n’était pas prévue et cet acte d’altruisme est en totale opposition avec son comportement habituel. Yusuke se voit alors offrir une seconde chance inestimable. Libre à lui de revenir à la vie s’il accepte d’assumer une position capitale au sein du monde des esprits. Le protagoniste décide alors d’endosser le rôle de détective pour le compte de la divinité, afin d’arrêter les agissements de yokai (des démons du folklore japonais) qui menacent l’intégrité de la société humaine.

Yu Yu Hakusho Botan
© Netflix

Ces prémices sont inchangées dans la nouvelle version de Netflix, mais c’est ici que s’arrête la reproduction directe du scénario d’origine. Les adaptations de ce genre profitent d’une réelle plus-value lorsqu’elles osent raconter les événements sous un nouvel angle. Il s’agit cependant d’un pari risqué. Yū Yū Hakusho (2023) apparaît comme une œuvre à part entière, voire une véritable extension du manga et de l’anime. Comparer ce live action à ses homologues n’aurait que peu d’intérêt tant le parti pris de la production est clair. Le manga est revisité et réécrit pour fonctionner comme un stand-alone au format série occidentale. La plateforme propose donc une adaptation osée tant sur le fond que sur la forme. Cela permet à Yū Yū Hakusho de jouer dans une cour différente de certains programmes jugés comme de pâles copies loin d’être à la hauteur. Malheureusement, l’occidentalisation de la structure du scénario coûte quelques bons points à cette série qui cherche à bien faire.

Un rythme inégal

Plutôt que d’adapter mot pour mot le manga de Yoshihiro Togashi, le N rouge a donc fait le choix de dévier pour raconter une histoire plus condensée. Cette décision audacieuse que l’on aurait envie de saluer s’avère finalement être l’un des premiers défauts de Yū Yū Hakusho. La série que les spectateurs peuvent découvrir en 2023 n’est pas la même œuvre qu’autrefois, et c’est une bonne chose. Mais c’est cette même direction qui finit néanmoins par instaurer un véritable problème de rythme sur l’ensemble des chapitres. One Piece souffrait déjà d’un format de huit épisodes jugé trop court, ce qui n’a pas empêché Netflix de tronquer son nouveau projet d’autant plus agressivement. Les spectateurs devront se contenter de cinq épisodes d’une cinquantaine de minutes chacun, ni plus, ni moins. Cette structure restreinte appliquée aux aventures de Yusuke Urameshi a pour effet d’alourdir certains clichés propres aux mangas shonen.

Yu Yu Hakusho Pouvoir Spirituel
© Netflix

Ces récits de bravoure et d’amitié reposent essentiellement sur l’évolution des personnages et de leurs relations, afin de constater leur impact sur le scénario et les capacités des héros. Malgré sa volonté de se démarquer, le Yū Yū Hakusho de Netflix reprend bien évidemment ces codes inévitables. Ainsi, lorsque la série essaye de représenter ces parcours formateurs habituellement échelonnés sur de nombreux combats et autres entraînements, les évolutions drastiques du caractère des personnages et de leur force apparaissent en l’espace de quelques minutes. Le charme caractéristique des shonen est alors bafoué, à notre grand désarroi. Pour ne rien arranger, certaines scènes présentées comme émotionnelles perdent alors toute leur sincérité et même leur sens. Cette adaptation pousse parfois à remettre en question certaines décisions scénaristiques tant celles-ci paraissent irréalisables en si peu de temps.

Un drama japonais façon Netflix

Malheureusement pour la plateforme au N rouge, l’adaptation de Yū Yū Hakusho arrive aussi bien à se noyer dans les défauts des productions occidentales que dans ceux des programmes télévisés typiquement nippons. Ceux que l’on appelle les J-Drama (pour Japanese Drama) sont difficilement appréciés dans nos vertes contrées, en dehors des sphères de passionnés. Le format et les stéréotypes de ces programmes sont si différents des œuvres auxquelles nous sommes habitués qu’ils agissent généralement comme un choc culturel et audiovisuel auprès des spectateurs occidentaux. Celles et ceux ayant du mal à apprécier ce genre de niche trouveront de nombreux défauts à relever dans la nouvelle série Netflix tandis que d’autres sauront apprécier la direction du show à sa juste valeur.

Crédits : Netflix / Shueisha

Les acteurs se révèlent pour le moins attachants, mais proposent des performances inégales en fonction des événements représentés à l’écran. Tandis que les nombreux combats héritent de la folie des grandeurs du manga pour un spectacle épatant, les dialogues ne sont pas toujours à la hauteur des émotions censées être représentées. Une fois retranscrit dans une série bien réelle, l’acting forcé des animes donne lieu à quelques malaises palpables. Ce parti pris culturel risque malheureusement de repousser une vaste majorité d’abonnés Netflix. Yū Yū Hakusho n’est pas une production pensée pour une audience occidentale mais plutôt une occidentalisation légère du modèle japonais. C’est dommage, l’équilibre n’est toutefois pas suffisamment maîtrisé pour profiter du meilleur des deux mondes.

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Notre avis

Avec cette nouvelle adaptation live action, le géant du streaming perd l’élan instauré par Alice in Borderland et One Piece. Yū Yū Hakusho n’est pas une mauvaise série mais plutôt un programme qui n’arrivera pas à mettre tout le monde d’accord. Ce retour reste néanmoins une excellente façon de s’initier à l’œuvre de Yoshihiro Togashi, trop souvent éclipsée par le succès planétaire de Hunter X Hunter.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 6 / 10
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