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Star Citizen, désastre annoncé ? La presse anglo-saxonne se pose la question

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Le site The Escapist a publié hier un article-fleuve, collection de témoignages, concernant la façon dont est géré le développement de Star Citizen par le studio…

Le site The Escapist a publié hier un article-fleuve, collection de témoignages, concernant la façon dont est géré le développement de Star Citizen par le studio Cloud Imperium Games. Le site explique avoir recueilli neuf témoignages d’anciens employés dont les récits, s’ils sont vrais, inspirent beaucoup d’inquiétude sur la pérennité du projet de Chris Roberts.

D’après ces témoignages (anonymes, pour des raisons évidentes) le projet Star Citizen serait au bord du gouffre financier. Le jeu qui détient encore aujourd’hui le record du plus grand projet de financement participatif jamais réalisé avec près de 90 millions de dollars (dont 2 millions sur Kickstarter), aurait ainsi dépensé la majeure partie de l’argent récolté et n’aurait plus que 8 millions de dollars dans les caisses.

« Ils ont dépensé 82 millions de dollars, et qu’est-ce qu’ils ont obtenu ? Une démo, une démo de course, un seul niveau de FPS et une zone dans laquelle il est possible de se promener. Pour 82 millions de dollars. »

Star Citizen 3

L’article explique ces allégations par l’incapacité de Chris Roberts à se focaliser sur ce qui est vraiment important. Toujours d’après ces témoignages, la direction, voyant le manque d’argent poindre, essaye de faire des économies, mais pas sur ce qu’il faudrait.

« L’argent est en train de s’épuiser et ils sont en train de couper dans tout ce qu’ils peuvent. Mais ils coupent dans le personnel, pas dans les fioritures. »

The Escapist rapporte également qu’une partie de l’argent aurait servi à payer des résidences pour Chris Roberts et sa femme. Il dénonce également le couple pour avoir payé certaines vacances et des véhicules personnels avec l’argent de l’entreprise.

Les témoins cités par le site accusent également Chris Roberts d’avoir placé trop d’argent dans le marketing et dans ce qui devait ressortir du projet vu de l’extérieur avant de s’occuper du jeu en lui-même. Ils décrivent ainsi Star Citizen comme la quatrième de couverture d’un livre. La partie censée montrer le meilleur de l’œuvre et qui préfigure parfois une déception par rapport au contenu réel.

« Il ne s’agissait que de faire de jolis vaisseaux, des brochures, des réclames et engager des grands noms d’Hollywood pour en faire le doublage. Nous n’avons jamais travaillé sur un jeu. »

Un autre utilise la métaphore de la maison pour décrire la mauvaise gestion qui serait en train de miner le projet.

« Les jeux sont comme des maisons. Vous devez d’abord faire les fondations en premier et le papier peint en dernier. Avec Chris Roberts, tout est en papier peint. »

Star Citizen 2

Le brûlot de The Escapist accuse ainsi Chris Roberts d’être victime de l’ambition dévorante de son projet. Trop gros pour le seul budget obtenu par le financement participatif, certains de ces ex-employés estiment que si Chris Roberts a bel et bien une vision, il n’a pas les capacités de la mettre en application.

« Je pense personnellement que l’entreprise était en sous-effectif pour ce qu’elle était en train d’essayer d’accomplir. »

Les sources du site insinuent également que l’ambiance de travail était devenue irrespirable au sein de Cloud Imperium Games. Entre les insultes, les menaces et une surveillance constante des employés, certains de ces anciens collaborateurs racontent qu’ils ne pouvaient plus rester, car cela avait un impact sur leur santé.

« Je n’en pouvais plus. C’était l’environnement le plus toxique dans lequel je n’ai jamais travaillé. Personne n’avait de directives claires sur la façon dont il devait faire son travail. Personne n’avait les moyens de bien faire son travail. On devait tout deviner, et la réaction la plus courante était des reproches, des cris et des emails en lettres capitales remplis de jurons. »

Certains parlent même de discriminations à l’embauche de certains employés, notamment sur leur couleur de peau ou leur âge.

[nextpage title=”Des doutes partagés par d’autres grandes publications”]

Peu de temps avant la publication de cet article fortement dénonciateur, The Escapist a contacté Chris Roberts pour avoir un retour sur ce dont il était accusé. Le patron de Cloud Imperium Games a publié sa réponse sur son propre site dans un très long billet.

Il répond à un certain nombre de points, dont celui du financement, sur lequel il explique le fait que « personne en dehors de lui et de quelques employés clef n’ont connaissance des chiffres liés au budget du projet ». Il explique également que la société possède d’autres moyens de financement que la somme initiale réunie par le financement participatif.

Chris Roberts dément catégoriquement les accusations d’utilisation de fonds de l’entreprise à des fins personnelles. Il ne souhaite également pas commenter les insinuations quant à « l’environnement toxique » évoqué dans l’article de The Escapist.

Tout le long de sa réponse, Chris Roberts décrit ses soupçons quant au fait que ces « ex-employés » aient été envoyés et motivés par Derek Smart, un développeur rival, parti en croisade contre le projet à cause de ses doutes sur la façon dont il est géré.

Ce dernier avait notamment expliqué sur Twitter qu’il craignait que Cloud Imperium Games décide de rembourser tous les backers sur Kickstarter et ainsi se libérer de toute obligation. En effet, Kickstarter protège jusqu’à une certaine mesure le financeur et le lie au créateur par une sorte de contrat. Cet accord peut cependant être révoqué à tout moment par l’instigateur du projet s’il le rembourse. Ça a d’ailleurs été le cas de Derek Smart.

Chris Roberts explique ainsi qu’il soupçonne fortement l’article d’avoir été influencé par les thèses de Smart et d’entrer entièrement dans son jeu.

« Vous pourriez dire : “ne tirez pas sur le messager”, mais quand le messager délivre son propre message, alors je pense qu’il est normal de se poser des questions sur ce qui motive cette personne ainsi que sur sa crédibilité. »

Star Citizen 1

Les accusations portées par The Escapist et Derek Smart restent pour l’instant dans le domaine de l’allégation. Toutefois, ce n’est pas la première fois qu’un article s’inquiétant de l’avenir de Star Citizen est écrit par un grand média spécialisé anglophone. Polygon, dans un très long article publié il y a un mois intitulé « Que diable se passe-t-il avec Star Citizen ? », a permis à Chris Roberts et de nombreux collaborateurs de s’exprimer sur les inquiétudes induites par les différents retards et le changement d’échelle du projet. Kotaku, quant à lui, s’inquiète des dysfonctionnements au sein même de l’équipe de développement en rapportant diverses anecdotes sur les errances de Chris Roberts. Il s’agit, encore une fois, de sources internes au projet.

Ce n’est certainement pas les accusations de témoignages anonymes qui suscitent le plus d’inquiétudes, mais bien le temps qui passe. La première date de sortie annoncée par l’équipe de développement était fixée à novembre 2014 et force est de constater que bientôt un an après cette date butoir, le jeu est encore très loin d’être terminé.

Toutefois, une grande partie de la communauté reste confiante. Si quelques personnes, devant les différents reports et le manque d’éléments concrets ont retiré leurs billes du projet et demandé un remboursement, ils restent très minoritaires. Cette confiance peut notamment être expliquée par la communication régulière et fournie de Cloud Imperium Games vers son public.

Elle peut également être expliquée par la diabolisation systématique de Derek Smart par Chris Roberts. Si ce dernier semble étrangement en faire une affaire personnelle, elle donne également un axe de défense systématique à la communication défensive de Cloud Imperium Games. Le concept du « méchant antagoniste » permet ainsi à la communauté de se fédérer plus efficacement contre un seul et même « vilain ». Quelles que soient les réelles intentions de Derek Smart, bonnes ou mauvaises, elles permettent à Chris Roberts de donner une explication unique à tous les problèmes de Star Citizen. Cela est d’autant plus visible à la fin de sa réponse à The Escapist où il est à deux doigts d’expliquer que c’est de la faute de Smart (et des médias qui prennent le temps de le relayer) si le jeu prend du retard et n’est pas à la hauteur des attentes.

« Voici du temps que j’aurais pu passer sur le jeu au lieu de devoir gérer les scandales organisés de Derek Smart. Voilà ce qui m’ennuie vraiment, que ses allégations idiotes prennent de l’ampleur et m’empêchent de faire ce que je préfère faire, que tout le monde veut me voir faire et que Derek Smart m’accuse justement de ne pas faire, FINIR LE JEU ! À force de constamment tweeter, écrire sur son blog et solliciter les journalistes pour leur faire part de ses « découvertes », il organise une guérilla sur mon temps, le temps de mes cadres et la tranquillité d’esprit de mes employés et backers. »

Star Citizen 4

Si ce projet des tous les records ne parvenait pas à aboutir de manière satisfaisante et s’attirait l’ire de ses nombreux financeurs, ça ne serait pas seulement un coup dur porté à Chris Roberts, mais également au concept de financement participatif. Le 10 octobre prochain à Manchester, se tiendra la CitizenCon 2015, une grande convention organisée par Cloud Imperium Games. Le studio en profitera pour faire essayer aux participants ce qui a déjà été fait et présenter un aperçu de ce que le grand public est en droit d’attendre pour le futur. Il ne reste plus qu’à espérer que toutes les craintes qui se sont cristallisées autour de Star Citizen pourront être dissipées à cette occasion.

Mais je ne peux m’empêcher de penser que si c’était vraiment le cas, Chris Roberts n’aurait pas pris la peine de répondre à The Escapist de la sorte.

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