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James Webb : le décollage le plus important de la décennie vient d’avoir lieu

Le James Webb Space Telescope vient de prendre son envol depuis Kourou. L’occasion de revenir sur la génèse de cette mission hors norme.

25 décembre 2021, 13 h 20, Kourou Guyane française. Les allées du centre de lancement de l’ESA sont étrangement calmes à quelques minutes du décollage. Il faut dire que l’excitation et la cohue qui avaient envahi la base ces dernières heures ont laissé place au stress et à l’anxiété dans ces ultimes instants.

Tous les regards se portent désormais vers cette fusée Ariane 5, au cœur de toutes les attentions. Car cette mission n’est pas un vol comme les autres. Sous sa coiffe, à près de 50 mètres de haut, le James Webb Space Telescope attend son heure. Lui qui a tant fait parler de lui, que ce soit à cause de son nom, ses capacités ou les différents retards de sa construction.

Certains disent que c’est déjà un miracle de le trouver assemblé et fini au sommet de ce monstre de puissance qu’est la fusée Ariane 5. Prévu à l’origine pour 2009 le décollage du télescope a été retardé sur plus d’une décennie. Plus personne ne croyait encore au projet en 2011, alors que celui était à deux doigts d’être abandonné.

Mais finalement la NASA a tenu bon, avec l’ACS, l’agence spatiale canadienne, et l’ESA, James Webb verra bien les étoiles. L’un des programmes les plus chers de la NASA depuis Apollo va donc aller à son terme. Car oui, la mission du JWST est américaine — James Webb étant le nom du patron de la NASA durant les missions Apollo — mais le lancement sera lui à la charge des Européens. Une belle façon de disperser les coûts pour la NASA, tout en faisant un peu de géopolitique au passage.

Ariane 5 : le lanceur sans faille

Mais le choix d’Ariane 5 n’est pas seulement motivé par des raisons politiques ou économiques. C’est aussi le choix de la raison. En effet, personne n’a réussi à faire des fusées plus fiables que le lanceur européen. Avec 111 vols à son actif, pour seulement 5 échecs, la fusée européenne est un modèle du genre.

Ariane 5 n’a d’ailleurs commis qu’une seule petite erreur de trajectoire depuis 2003. Près de 20 ans et de 100 vols sans problème. Avec ce CV des plus impressionnants, on comprend beaucoup mieux le choix de la NASA. Car ici, il est tout de même question de placer dans l’espace un objet valant 10 milliards de dollars. Pas question alors de prendre un lanceur peu cher, dont la fiabilité ne serait pas la plus grande qualité.

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Une fusée Ariane 5 au décollage © ESA

Mais le plus important dans cette mission, et personne ne s’y trompe, c’est ce qu’il y a sous la coiffe de la fusée. Ce télescope spatial doit être l’avenir de notre connaissance scientifique, comme l’a été Hubble avant lui. Si le calendrier pouvait nous faire croire à une passation de pouvoirs, entre les deux yeux de la Terre, Hubble et James Webb n’ont en réalité pas grand-chose en commun. Pour bien comprendre cette nuance, il faut s’intéresser aux champs d’études des deux télescopes spatiaux.

James Webb : le petit frère d’Hubble ?

En ce qui concerne l’aîné des deux, qui flotte déjà dans l’espace depuis la toute fin des années 80, Hubble a largement fait ses preuves. On ne compte plus le nombre de publications scientifiques qui ont basé leur travail sur ses relevés et clichés. Mais ces images, capturées grâce au miroir primaire d’Hubble vont sans doute paraître terne et maussade une fois que le JWST sera rentré en action.

En effet, la première différence de taille entre les deux télescopes, il n’y a pas besoin d’être astronome pour s’en rendre compte. Le miroir primaire d’Hubble mesure 2,4 mètres de diamètre, là où celui de James Webb en fera plus de 6 et demi. Si dessous une illustration de la NASA pour se rendre compte de la différence de taille entre les deux miroirs, qui serviront de base à l’observation du ciel.

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© NASA

La NASA explique également sur son site qu’une des grandes différences entre les deux télescopes résidera dans leurs positionnements respectifs. En effet, l’agence américaine avait placé Hubble sur une orbite proche de la Terre, à un peu moins de 600 kilomètres au-dessus de nos têtes. Un point de l’espace qui permettait de faire des réparations et des modifications, comme ce fût le cas plusieurs fois dans l’histoire, mais qui ne permet pas de se trouver dans l’ombre de la Terre, et qui expose donc le télescope aux rayonnements du Soleil.

Afin de contrer ce problème, l’agence spatiale américaine a fait le choix d’envoyer le télescope James Webb bien plus loin dans l’espace, à plus d’un million de kilomètres de la Terre. Ce dernier tournera alors en orbite autour du point Lagrange 2, une région de l’espace où les forces gravitationnelles de la Terre et du Soleil trouvent un point d’équilibre. Le télescope tournera alors autour du Soleil, à la même vitesse que la Terre.

Ce positionnement, s’il rend impossible toute tentative de réparations en cours de mission, devrait permettre au télescope d’observer les lumières infrarouges sans discontinuer, lui qui ne sera jamais gêné par les rayons du Soleil.

Remonter le temps jusqu’au Big Bang

Mais l’objectif du James Webb Space Telescope, tout comme c’était le cas pour Hubble dans les années 90, c’est avant tout de remonter le temps. En se concentrant sur les lumières infrarouges, les scientifiques de la NASA sont confiants. James Webb va être plus précis qu’Hubble et pourra remonter encore plus loin dans l’histoire de l’Univers afin d’apporter des réponses sur ses premiers instants.

Hubble a déjà réussi à cartographier le ciel, et à découvrir des galaxies vieilles de plus de 13 milliards d’années, mais la NASA en veut encore plus. Le télescope James Webb devrait donc permettre à l’agence d’en apprendre davantage sur la formation de notre univers. Il y a 13,6 milliards d’années.

Selon les propres mots de la NASA, qui ne manque pas de qualificatif pour tarir déloge son télescope, ce dernier devrait « permettre à la science de faire un bond en avant » comme rarement cela a pu être le cas dans l’histoire. Il faut dire que quand un projet vieux de 20 ans et qui a coûté la bagatelle de 10 milliards de dollars finit par se concrétiser, les attentes sont forcément nombreuses.

La genèse du projet James Webb

Car construire un télescope spatial, cela ne se fait pas en un jour, et le projet du télescope spatial James Webb n’est pas né au cours de ces dernières années. En effet, dès le lancement d’Hubble et sa mise en service, les limites du télescope se font ressentir, et le monde scientifique plaide, déjà, pour lui trouver un compagnon de route afin de compléter les observations du ciel dans toutes les longueurs d’onde possibles.

Mais cette demande, scientifiquement logique, ne correspond pas aux besoins et surtout au budget de la NASA, qui doit en plus se relever de l’accident de Challenger en 1986. L’agence spatiale américaine ne peut donc pas lancer un nouveau projet de télescope spatial hors de prix, alors même que son financement est remis en question par une grande partie de l’opinion publique américaine.

Il faudra finalement attendre le début des années 2000 pour entendre à nouveau parler d’un projet de ce genre. À l’époque Hubble a fait ses preuves, mais le télescope est limité. De plus, bien que toujours très fonctionnel, Hubble ne sera pas éternel, et les têtes pensantes de la NASA en sont bien conscientes.

Le télescope spatial James Webb avant son départ pour la Guyane

Alors que le projet Constellation, qui devait renvoyer des Hommes sur la Lune bat de l’aile, la NASA se tourne finalement vers un tout autre projet, à consonance bien plus scientifique. Avec l’aide de l’ESA et de l’ACS, l’agence spatiale canadienne, les Américains vont donc concevoir les prémices de ce que sera le télescope James Webb.

20 ans plus tard et un budget complètement dépassé, qui tournent aujourd’hui entre les 10 et les 11 milliards de dollars. Le projet du télescope spatial James Webb touche enfin à son but. Alors que le lancement a été retardé à de très nombreuses reprises, la NASA a finalement choisi le jour de Noël pour en finir avec ce télescope spatial.

Dans les prochains jours, James Webb filera à travers l’espace en direction du point Lagrange 2. Un voyage qui devrait durer 29 jours avant que les choses sérieuses ne commencent vraiment.

La polémique autour de son nom

Hubble rendait hommage à Edwin Hubble, un astronome américain connu notamment pour être à l’origine d’une loi de la physique fondamentale qui porte aujourd’hui son nom, il a notamment travaillé sur le Big Bang et sur les galaxies, avec la séquence de Hubble. Au lancement du projet James Webb, ce dernier est initialement nommé, le « Next Generation Space Telescope ». Ce nom va finalement être abandonné par les administrateurs de la NASA pour rendre hommage à un de leurs pairs, James Webb, patron de l’agence spatiale américaine durant la plus belle période de son histoire, les années 60 et les missions Apollo.

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© James Webb

Un choix qui vu de l’extérieur peut paraître très logique, quand on sait toute la discipline et le leadership qu’a pu apporter James Webb au cours des années 60, notamment après la mort de JFK pour faire perdurer le programme Apollo, et ainsi envoyer des hommes sur la Lune. Politicien avant tout, James Webb quittera la tête de la NASA en 1968, juste avant la 11e et plus célèbre mission du programme Apollo.

Mais alors que ce nom semblait faire consensus dans le monde scientifique jusqu’il y a encore peu de temps, la NASA s’est retrouvée dans une affaire sociale d’un tout nouveau genre pour elle. En effet des pétitions ont commencé à circuler pour que le nom de James Webb soit abandonné en ce qui concerne ce télescope.

Si les talents de management ou les manœuvres politiques de James Webb lui sont reconnus, ce dernier aurait également été un homophobe notoire, ne laissant aucune place pour la communauté LGBT au sein de la NASA qu’il dirigeait. Cette controverse a poussé la NASA a mené plusieurs enquêtes afin de savoir si oui ou non, le télescope spatial qui s’apprêtait à partir pourrait toujours porter le nom de James Webb.

Malgré les polémiques en tout genre, le choix a été fait de garder le nom de James Webb. L’homme à la tête de la NASA lors de la conquête de la Lune va donc marquer l’histoire du spatial d’une seconde façon, en accolant son nom à des découvertes futures, qui pourraient bien changer notre compréhension de l’Univers.

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3 commentaires
  1. @jjk Une fois dans l’espace, comme le dit l’article, il mettra au moins 1 mois pour arriver à L2. Et pendant ce temps, et pendant 2 semaines, il se mettra à déployer. Il aura la taille d’un terrain de tennis. Une fois arrivé à L2, y aura des tests pendant 6 mois pour voir si tout fonctionne. Donc je pense qu’il faut attendre au moins 7 mois.

  2. Bjr,

    Sans parler de budget, pourquoi ne pas monter un télescope double de James Webb en deux parties assemblées en orbite basse par des astronautes et qui pourrait couvrir tout le spectre électromagnétique, puis poussé jusqu’à L2 par un lanceur en attente ? On a bien fait l’ISS en coopération internationale.

    Cdlt

    Nynjazen

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