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Unity : le PDG controversé John Riccitiello prend la porte

Le sulfureux dirigeant, connu pour son manque de tact et son amour de la monétisation, n’a pas survécu à la polémique du Runtime Fee.

Unity, l’entreprise derrière le moteur de jeu éponyme, a annoncé le renvoi de John Riccitiello. Il quitte ainsi ses fonctions de PDG, de Président, et perd également son siège au conseil d’administration. Le communiqué n’indique pas explicitement les raisons de ce départ, mais il s’agit sans aucun doute d’une réaction à l’immense volée de bois vert qu’avait subi l’entreprise après l’annonce de son changement de modèle commercial.

Pour rappel, en l’espace de quelques mois, Unity avait considérablement modifié sa tarification — et pas franchement en faveur de sa clientèle. Cela avait commencé par l’arrivée d’une nouvelle licence Industrie à 5000 $ par an et par siège, contre 1500 $ pour la licence Pro qui était nécessaire jusqu’alors. La pilule a eu du mal à passer chez les développeurs, mais ils n’étaient pas au bout de leurs surprises.

Le Runtime Fee, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase

Quelques semaines plus tard, ils ont été cueillis à froid par l’annonce du Runtime Fee. Il s’agissait d’une nouvelle clause qui, dans sa version originale, imposait aux développeurs des jeux les plus populaires de passer à la caisse à chaque fois qu’un joueur installait l’un de leurs produits. Une démarche qui a été vécue comme une exaction par de nombreux studios. Certains ont même annoncé leur intention de couper définitivement les ponts avec Unity pour éviter de payer ces frais, qui pouvaient atteindre des sommes très importantes pour certains titres à succès.

Depuis, Unity a (partiellement) reculé face à la vindicte populaire. Pour commencer, l’entreprise a annoncé que la licence gratuite serait désormais plus généreuse (200 000 $ au lieu de 100 000 $). De plus, seuls les jeux qui ont généré plus d’un million de dollars sur l’année passée sont désormais éligibles au Runtime Fee, et les studios ont le choix entre payer la somme calculée ou reverser 2,5 % de leurs revenus annuels.

Mais ce rétropédalage timide n’a pas suffi à éteindre l’incendie; le mal était déjà fait. Les développeurs ont continué de vilipender Riccitiello, principal architecte de cette nouvelle organisation, et la réputation de l’entreprise a été considérablement ternie. Il serait donc très étonnant qu’il n’y ait aucun rapport entre cette polémique et l’éviction de l’intéressé.

Un dirigeant mal-aimé

Pour l’instant, Unity n’a pas indiqué si ce renvoi allait s’accompagner de nouvelles modifications de la tarification. Mais le départ du grand manitou a été vécu comme une victoire par de nombreux développeurs. Il faut dire qu’au cours des années, Riccitiello n’avait pas franchement soigné sa cote d’amour auprès de la communauté. C’était même tout l’inverse. L’année dernière, il avait encore fait étalage de son tact et de son élégance en traitant les développeurs de « p*tain d’idiots ».

Et c’était loin d’être la première fois qu’il s’illustrait de manière regrettable. Avant son arrivée chez Unity, il avait été PDG d’Electronic Arts pendant la période la plus houleuse de son histoire. Il a été le grand artisan d’une poignée de décisions commerciales contestables, comme le scandale des loot boxes de FIFA 09 ou le désastre SimCity en 2012. PCGamer rappelle d’ailleurs que cette même année, EA avait carrément été élue « pire entreprise des États-Unis ».

L’amour inconditionnel de la monétisation est d’ailleurs un thème récurrent chez « Ricci », comme le démontre sa saillie la plus tristement célèbre En 2011, il avait ulcéré le monde du gaming avec un exemple de très mauvais goût lâché lors d’une réunion d’actionnaires. « Quand vous êtes dans une session de six heures de Battlefield et que vous arrivez à court de munitions, si on demande un dollar pour recharger, vous n’allez pas réfléchir longtemps au prix à ce stade », avait-il expliqué.

Ajoutez encore des accusations de chantage anticoncurrentiel sur fond de délit d’initié, et vous obtenez un personnage particulièrement controversé. Pas besoin de chercher bien loin pour comprendre pourquoi la réputation du bougre n’est pas franchement flatteuse.

Une page se tourne

Son poste est désormais occupé par James M. Whitehurst. Cet ancien taulier d’IBM sorti d’Harvard va assurer l’intérim en attendant de trouver un nouveau patron pour le long terme. Ce dernier aura fort à faire. Il n’aura pas beaucoup de mal à être plus populaire que Riccitiello, mais il aura la lourde charge de réparer les relations avec les développeurs, qui ont été sérieusement endommagées ces derniers mois.

Il devra aussi aider le moteur à écrire la prochaine page de son histoire, dans un contexte où son principal concurrent continue d’aller de l’avant. Car si Unity reste une valeur sûre dans le monde du jeu vidéo indépendant et sur mobile, au niveau purement technique, l’écart avec Unreal Engine ne cesse de se creuser.

Unity a frappé fort en mars 2022 avec la publication d’Enemies, une démo technique bluffante (voir notre article). Mais en pratique, ce nouveau framework est toujours très loin d’être mature et prêt à être exploité. Or, pendant ce temps, le moteur d’Epic avance beaucoup plus vite, notamment avec l’introduction des systèmes Lumen et Nanite. Il sera donc intéressant de voir si le nouveau PDG choisira de continuer dans cette voie, ou s’il va laisser le segment AAA à Unreal pour se concentrer sur l’accessibilité qui fait sa force depuis tant d’années.

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Source : Unity

1 commentaire
  1. J’espère que blizzard va vite sauter sur l’occasion et recruter ce grand monsieur dans leur entreprise géniale !

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