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La Loi de Programmation Militaire 2014-2019, un PRISM à la française ? [Màj]

Le 3 décembre, l’Assemblée Nationale adoptait en première lecture le projet de loi de programmation militaire 2014 – 2019. Traditionnellement, ce texte sert à encadrer les budgets et…

Le 3 décembre, l’Assemblée Nationale adoptait en première lecture le projet de loi de programmation militaire 2014 – 2019. Traditionnellement, ce texte sert à encadrer les budgets et les évolutions des forces militaires françaises.

S’il nous concerne cette année, c’est qu’il modifiera en profondeur les règles applicables en matière de surveillance des réseaux informatiques. Il faut retenir trois changements principaux, prévus par l’article 13 de la loi.

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Image : TFI / LCI

 Dans un premier temps, les administrations pourront désormais accéder aux données sans avoir à obtenir l’autorisation préalable d’un juge. Dans un second temps, elle étend le droit de regard à toutes informations et aux documents stockés par l’hébergeur (FAI, opérateurs, etc.) et plus seulement aux données techniques.

Enfin, les demandes peuvent désormais être “sollicitées par les agents individuellement désignés et dûment habilités des services relevant des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l’économie et du budget” ainsi que divers chargés de mission.

Par cette pirouette législative, les administrations vont pouvoir exiger des données pour motifs bien plus larges, notamment ceux prévus à l’article 241-2 du code de la sécurité intérieure, c’est-à-dire concernant :

la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées.

La CNCIS à la place du juge

Afin de ne pas tomber dans le sensationnalisme, il faut tout de même préciser que le texte prévoit en effet un contrôle par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (le gendarme des écoutes pour faire simple).

Une limite qui ne convainc absolument pas Gilles Babinet, responsable des enjeux du numérique pour la France à la Commission européenne. Dans un entretien accordé aux Échos, il s’exclame :

Je ne crois qu’en la séparation des pouvoirs, et donc dans le pouvoir d’un juge, ce que n’est pas la CNCIS. Un contre-pouvoir, c’est par nature coercitif, cela doit empêcher que les choses se passent, si elles ne sont pas souhaitables.

Les pouvoirs de l’autorité administrative indépendante sont en effet limités dans le sens où elle ne fait que contrôler la légalité d’une procédure. Ses pouvoirs seront toutefois élargis par la Loi de programmation.

Elle sera notamment notifiée de toutes demandes, mais ne pourra qu’adresser “au Premier ministre (et aux ministres concernés, NDLR) une recommandation tendant à ce qu’il y soit mis fin”. 

Levée de boucliers

Les réactions ne se sont pas faites attendre. Dans un avis publié le 6 décembre, le Conseil national du numérique – qui va œuvrer prochainement contre le sexisme dans les nouvelles technologies – souligne par exemple qu’il n’est

pas opportun d’introduire sans large débat public préalable, une modification du dispositif créé par la loi de 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, alors qu’elle étend les modalités d’accès aux données, leur nature et leurs finalités.

Il plaide donc pour le lancement d’une large concertation, rappelant que la France a réussi à construire dès 1978 avec la loi sur l’informatique et les libertés (donnant ses pouvoirs à la CNIL) “un cadre juridique adapté aux évolutions technologiques”. 

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La Quadrature du Net, déplore quant à elle l’instauration d’un “régime de surveillance généralisée”, estimant qu’une “référence imprécise aux besoins de la sécurité ne justifie pas de telles atteintes aux libertés”. Elle appelle donc “solennellement” les parlementaires à refuser cette atteinte aux droits fondamentaux. 

Selon les informations de PC Inpact, le député PS Christian Paul a demandé aujourd’hui au gouvernement “une clarification” du texte, notant des “inquiétudes légitimes”. Une prise de parole qui pourra peut-être faire changer les choses durant les débats autour de la  loi programmation. Ils auront lieu ce soir au Sénat, en deuxième lecture. Le texte doit être voté avant la fin de l’année.

[Màj] Le texte a été adopté en deuxième lecture par le Sénat. Il n’y a plus qu’à attendre que la loi soit promulguée. Notons que les principales dispositions citées ci-dessus entrerons en vigueur au premier janvier 2015. Si l’on en croit le président (socialiste) de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, la CNIL “sera forcément amenée à s’exprimer sur le décret qui devra permettre l’application du texte”. 

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18 commentaires
  1. ?? je me demande ce que vient faire ce type d’article de sujet général dans le journal du geek.
    Ou alors le lien c’est Call Of Duty ?

  2. @cslevine : prism ca attire du monde et donc de la pub 😉

    dans le fond l’article n’apprends rien (meme pas sûr qu’ils aient compris ce qu’ils ecrivent …)

  3. mrassol :
    L’article nous apprend quand-même que le Sénat va débattre en deuxième lecture (une première est déjà passée en toute discrétion) d’une loi de programmation qui va encore renforcer le pouvoir de surveillance de tout le monde par l’Etat.

    Un Etat qui se prétend de droit et défenseur des libertés.

    Autrement dit : nous serons encore plus fliqués et encore plus privés de contre pouvoirs.

    Autrement dit, également, nous nous enfonçons encore un peu plus dans la dictature.

    Enfin, cet article a sa place dans le JDG puisqu’il traite de l’utilisation qui va être faite par les pouvoirs publics de nos données numériques personnelles et privées.
    Cela concerne donc l’informatique (traitement des données) et notre utilisation quotidienne d’internet et de l’usage que l’on en fait.

  4. Donc pour fouiller dans notre paperasse au domicile il faut une autorisation du juge, mais pas pour fouiller nos données perso stocké ailleurs… ça pue

  5. @cslevine : Parce que pour toi, un article sur les libertés individuelles (que de nombreux gouvernements bafouent d’ailleurs) sur la toile n’ont rien à faire sur le JDG ?

    Tu sors d’où toi ?
    C’est vrai, contentons-nous de subir et surtout, ne nous informons pas ! Vivement un article sur Apple, RIM ou Samsung pour changer tient …

    Même question et remarque pour mrassol

  6. @mpolo : “Un Etat qui se prétend de droit et défenseur des libertés.
    Autrement dit : nous serons encore plus fliqués et encore plus privés de contre pouvoirs.
    Autrement dit, également, nous nous enfonçons encore un peu plus dans la dictature.”

    Ne mélangeons pas tout : Etre fliqué ne nous prive pas de nos libertés individuelles !

    La confidentialité de nos données personnelles doit être assurée vis à vis des sociétés privées ou des personnes malveillantes.
    A contrario, je me fiche que les services de la défense aillent trifouiller dans mes données, celui qui n’a rien à se reprocher concernant la défense nationale (ce qui j’espère représente la quasi totalité de la population) ne devrait pas s’en soucier à mon sens..

    Par conséquent le mot dictature me parait un poil fort !!!!

  7. @nikitaleader: C’est temporaire que tu n’es rien à te reprocher. Le jour où porter du rouge sera interdit ou stocker des boobs sur un dd, tu vas commencer à te dire “ouais mais non! c’est pas cool!” et là…. Ca sera trop tard.

  8. Je croyais (naïvement) que d’une certaine manière, on valait mieux que les américains sur ce sujet là. Je ne pensais pas voir le pays dans lequel je vis tomber de jour en jour un peu plus dans la dictature, et voir la séparation des pouvoirs et les fondements de la démocratie ouvertement bafoués…

    Le nom de la loi me fait rire (jaune, mais est-il vraiment nécessaire de le préciser ?), déjà parce qu’à première vue elle n’a aucun rapport avec son contenu et ses effets, prouvant ainsi leur volonté que le processus ne soit pas clair pour tout le monde, mais aussi parce qu’en réalité le terme “militaire” annonce bien la couleur. Celle d’un dictature à peine voilée…

  9. @mafyou : Certes, mais il y a un juste milieu entre “défense nationale” et “des boobs sur un dd”.
    J’ai encore un peu d’espoir !! et je pense qu’on se braque facilement pour ce genre de chose qui ne nous concerne pas vraiment…

    Là où je pense que l’on pourrait s’indigner, ce n’est pas tant sur leur limites, mais sur le coût que cela représente.. et que pour le coup nous subissons tous..

  10. @Dav.ID :
    Bien sur que les libertés sont importantes. Mais il s’agit d’info généraliste qui n’ont rien à voir avec la Hi Tech. Alors donc il faudrait ici également faire des articles sur la faim dans le monde, la révolution en Ukraine, le gaz de schiste, l’Afrique, Nelson Mandela, les cruautés envers les animaux, la pollution, la fin du Pétrole, les municipales…
    ……Je crois que pour tout ça y’a pas mal de médias.
    Le journal du geek devrait se concentrer sur ce qui concerne les news technologeeks.
    Ne me demandes pas d’où je sors, tu pourrais être surpris…

  11. @cslevine : parler d’une loi concernant notre liberté informatique ne doit pas concerner un site de news “geek” qui parle en surface de l’informatique…

    non tu as raison, personne ne voit le rapport, qui sont les fous qui peuvent en voir !

    D’ailleurs, d’après ce que tu dis, je regrette quel e JDG ait un jour osé parler de Hadopi ! et je leur conseillerai d’éviter de se diversifier dans le niveau geek de ses news, ça risquerait d’élargir son panel de lecteurs et donc de hausser ses revenus !

    Enfin, d’où tu sors, tout le monde s’y intéresse fortement… j’adorerai que tu nous racontes ta vie 2 ou 3 fois en détail 😉

    Pour le fond du sujet, s’offusquer de la NSA et derrière faire pareil, c’est un coup de génie de la part de notre gouvernement.
    J’aimerai d’ailleurs vraiment avoir autant de balls et crier au loup quand l’opposition est en place pour faire pire quand c’est mon tour. C’est trop bien !
    On se sent vraiment réconforter de tant de sérieux et d’utilisation de nos impôts pour des luttes, si ce n’est très utile, disons obligatoire, tellement la France a subit d’attaques informatiques (ou non d’ailleurs) nazi-pedo-terroristes ! (point godwin pour les frustrés qui veulent débattre sur du troll)

    Je leur conseille même d’être encore plus opaque dans leur (ex)actions pour donner confiance au peuple et leur montrer qu’ils font du bon boulot, car la confiance des présidents votés en ce moment montre qu’ils sont encore trop transparent dans leur gouvernance !

    Sincèrement la réaction est exagérée et je m’excuse pour ceux qui n’adhère pas à cet humour mais pour reprendre les termes de quelqu’un juste avant, je rie jaune moi aussi à cette mascarade politique car actuellement, aucun argument légitime et de bon sens justifie ça et je défie quiconque d’en trouver hormis les stériles “si t’as rien à te reprocher, t’as rien à craindre” et le “s’ils sont à leur places, c’est qu’ils savent ce qu’ils font”. Ce sont des phrases d’ignorants cherchant juste à esquiver un débat de fond (mais bon, c’est vrai que le JDG est plus un lieu pour débattre des sujets Apple / Samsung que lois informatiques seems legit ou pas).

  12. @cslevine: “la faim dans le monde, la révolution en Ukraine, le gaz de schiste, l’Afrique, Nelson Mandela, les cruautés envers les animaux, la pollution, la fin du Pétrole, les municipales…” en quoi cela à un rapport avec le numérique? Oui, ça n’a aucun rapport avec le numérique. Zéro. Niet. Nada.
    Et la programmation militaire? Bah le lien est direct.
    Le JDG montre des infos sur le monde du numérique (incluant de ce fait, la High Tech).
    Par A + B, tu as juste, tord.

  13. Ce qui vient d’être voté est très grave et seulement 15 commentaires VS plus de 60 pour Free vs Montebourg, c’est le plus triste.
    Ces mesures étaient acceptables si elles étaient sous le contrôle d’un juge, là l’espionnage de vos données par l’administration est sous le contrôle de l’administration, ce n’est pas si Godwin d’affirmer que ce type surveillance n’existe que sous des régimes autoritaires.

    Un peuple prêt à sacrifier sa liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’un ni l’autre

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