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[Critique] Ready Player One : Le blockbuster d’auteur virtuose de Spielberg

Adapté du best-seller éponyme, et suivant le décevant BGG (Le bon gros géant) dans la filmographie de Steven Spielberg, Ready Player One se devait de déployer tout le talent du metteur en scène américain en se montrant, par la même occasion, à la hauteur de ses illustres références. Ce nouveau long métrage est-il alors un grand film de science-fiction (ou plutôt d’anticipation) à même de marquer la culture populaire à son tour, ou bien un hommage nostalgique vide de sens comme beaucoup semblent l’avoir déjà catégorisé ? 

 

En 2045, le monde est en proie à des problèmes économiques et écologiques. Les êtres humains se réfugient alors dans l’OASIS, un monde virtuel aux possibilités illimitées créé par James Halliday. Mais avant son décès, ce dernier a mis en place une immense chasse au trésor où l’enjeu est un héritage de plusieurs milliards de dollars et un contrôle total du jeu. Dans ce contexte, Wade Watts/Parzival, un jeune homme ordinaire, décide de se lancer dans la compétition. De cette histoire d’aventure imaginée par Ernest Cline, le film de Spielberg en conserve l’essence tout en se la réappropriant pour mieux parler de notre destinée, et de son propre réalisateur. L’intégralité de Ready Player One semble dès lors puiser son sens dans le passé pour mieux parler des enjeux présents et futurs de son imaginaire, mais aussi du rapport entre la réalité et la virtualité.

Deuxième film du réalisateur à sortir en France cette année, Ready Player One marque donc le retour de Steven Spielberg au cinéma des années 1980 et 1990, que ce dernier aura largement contribué à bâtir tout au long de sa carrière. À la seule exception que ce Spielberg-là n’est évidemment plus le même que celui d’il y a trente ans. 

Le Nouveau Monde

Ready Player One marque, peut-être pour la première fois dans sa carrière, la fusion parfaite entre la noirceur acquise par le cinéaste avec des œuvres comme A.I Intelligence Artificielle ou Minority Report et le savoir-faire spielbergien (et donc enfantin) des Aventuriers de l’arche perdue. En découle une sorte d’hybridation des styles du réalisateur où l’aventure “fun” proposée par le récit y côtoie une vision plus désenchantée du monde moderne. Tous les passages se situant dans la réalité sont ainsi presque déprimants à regarder, avec une lumière grise très crue créée par le chef opérateur Janusz Kaminski.

Le traitement réservé à l’Oasis sert quant à lui de contraste, mais demeure cependant plus sombre qu’il ne pourrait y paraître au premier abord (et après lecture du livre). Contrairement à la planète de Pandora dans Avatar, l’OASIS semble ainsi être un paradis ambigu et incertain. Et donc forcément intéressant. Comme si Spielberg refusait de rendre trop beau son univers virtuel pour mieux prôner un indispensable retour au monde réel. 

De la même façon, la pop culture légitimement adulée du plus grand nombre est traitée dans Ready Player One avec une maturité exemplaire. Il ne s’agit pas de la rejeter ni même de l’idéaliser à outrance. Mais de la respecter, et par instant, de la célébrer. Mais ce qui compte, c’est surtout d’en tirer un discours lucide sur le cinéma américain d’aujourd’hui. Et ainsi recréer une toute nouvelle mythologie à même de s’ancrer à son tour dans les consciences collectives.

Comment ne pas se souvenir du couple Parzival et Art3mis, de l’Oasis et ses multiples univers fantasmagoriques (la boite de nuit, la pyramide enneigée et transformée en piste de ski visible furtivement dans le prologue, le château d’Anorak…), ou encore de cette séquence euphorisante se déroulant à l’intérieur de l’un des plus célèbres films d’horreur de l’Histoire du cinéma ?

Nostalgie et innovation cohabitent ici à merveille, sans que l’une ne prenne jamais le pas sur l’autre.

De ce fait, le film se fait également l’écho du cinéma hollywoodien actuel qui recycle à tout va son richissime héritage. On pense alors à Star Wars 8 et ses derniers Jedi dont le traitement de la pop culture parait bien faible à côté des partis pris adoptés par Spielberg.

Le film de Rian Johnson ne faisait en effet que déconstruire théoriquement le passé pour ne finalement rien réinventer. Le problème ne se trouvait d’ailleurs même pas dans cette propension à détruire le mythe inventé par Lucas mais bien dans son absence de nouvelles idées (des vaisseaux blancs dans l’espace noir, une planète finale avec une unique idée visuelle comme caractéristique conceptuelle…). Alors que de son côté, J.J Abrams ne faisait du Réveil de la force qu’un remake déguisé d’Un nouvel espoir. Chez Spielberg, c’est bien tout l’inverse qui se produit. La facilité du porno geek dénué d’intellect que certains redoutaient n’en est dès lors que plus puissamment annihilée.

Dieu Spielberg

Le passé est aussi la clef narrative du film et son vecteur de sens premier. Wade/Parzival et ses compagnons d’aventure ne trouveront de solution à leur quête qu’en décryptant la vie d’antan du créateur de l’OASIS. Ce dernier est d’ailleurs l’occasion pour Spielberg de développer son propos en se projetant sur le personnage. Comme James Halliday, le cinéaste est un amoureux et un créateur de pop culture. Et tout comme lui, il pense que pour mieux appréhender et combattre le futur, il faut avant tout commencer par comprendre le passé.

Le réalisateur de Always fait également  de son nouveau film une oeuvre d’anticipation visionnaire qui évoque des œuvres sorties bien avant lui. Tron, Ghost in the Shell, Matrix, Tron Legacy, le court métrage Pixels,… Tous nourrissent Ready Player One sans pour autant le contraindre, bien au contraire, à rester dans l’ombre des classiques du genre. Il faut voir cette séquence stupéfiante, rappelant le meilleur de Blade Runner 2049, où le réel et le virtuel se confondent pour mieux nous faire douter de la poreuse frontière séparant les deux entités.

Poussant la thématique plus loin, la conclusion de la chasse au trésor entamée par Wade/Parzival nous apprendra que la nature d’un mystérieux personnage est comparable à celle d’un “Dieu”. Une touche métaphysique subtile et troublante dont peuvent aisément découler de solides réflexions allant bien au-delà du film.

Images de synthèse

Enfin, la mise en scène de Ready Player One évoque quant à elle les productions Amblin de l’époque (Le Secret de la Pyramide, L’aventure Intérieure, Gremlins…) mais en les transposant dans notre monde contemporain et par conséquent technologiquement évolué. L’occasion pour Spielberg de mettre en scène une séquence de course en voiture/moto anthologique capable de rivaliser avec les passages les plus physiquement intenses de Mad Max : Fury Road.

Rarement aura-t-on vu, ou plutôt ressenti, cette impression d’être plongé dans un jeu vidéo du futur. Pour autant, et c’est là tout le talent monstre du cinéaste, à aucun moment Ready Player One ne ressemble à une banale cinématique vidéoludique. La grammaire utilisée est avant tout celle du cinéma, de laquelle, de toute façon, le jeu vidéo se sera en très grande partie inspiré dans la conception de son propre média. Il faut alors voir ces travellings épouser la vitesse folle des véhicules et former une sorte de ballet spectaculaire et parfaitement chorégraphié. 

C’est ici que peuvent entrer en corrélation la réalisation de Spielberg et les théories d’Eli Faure datant de 1922. L’essayiste français parlait déjà à cette époque d’un cinéma dénommé “ciné-plastique” où le réalisateur, dans les années à venir, pourrait lui-même créer un film dénué des contraintes de la réalité. Faure prenait alors comme exemple le dessin animé, qui, selon lui, pourrait atteindre un jour un rendu techniquement photo-réaliste. Si Final Fantasy : les créatures de l’esprit ou encore Le Pôle Express ont participé à ces avancées, Ready Player One en marque un certain aboutissement à la manière de Gravity et Avatar avant lui. Là encore, le passé n’est qu’une source d’inspiration supplémentaire qui ne sert qu’à le supplanter et l’améliorer dans le but de fabriquer quelque chose de nouveau. 

Mais au-delà de tout ce que le film dit durant deux heures et vingt minutes, il faut surtout retenir une chose fondamentale de Ready Player One : le plaisir immense et intuitif qu’il procure avant même de pouvoir s’intellectualiser.

Sur l’affiche du film, on peut y lire le slogan : “Une aventure trop grande pour le monde réel“. Oui, sauf pour le réalisateur de A.I Intelligence Artificielle serait-on tenté de répondre. Métrage somme d’une intelligence phénoménale, Ready Player One efface d’un revers de la main tous celles et ceux qui avaient déjà enterré Spielberg lors de la sortie de Cheval de Guerre ou encore de Tintin. Le metteur en scène de Jurassic Park assoit ainsi une fois de plus sa place sur le trône , encore actif aux côtés de Cameron, Miller, Cuaron et autres Del Toro. 

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Notre avis

N'importe quel enfant qui découvre Ready Player One aujourd'hui devrait en ressortir marqué à vie. L'oeuvre, amenée à devenir culte, devrait également faire naître, à n'en pas douter, quelques vocations artistiques. Celle, par exemple, de prendre un jour intelligemment la relève de ce merveilleux et unique cinéma de l'imaginaire. Expérimental, jouissif et intimement personnel, Ready Player One est, de plus, une oeuvre questionnant aussi bien la pop culture que les rapports entre le réel et le virtuel. Le film constitue ainsi une incroyable expérience de cinéma où l'utilisation du passé sert tout autant à parler de ce dernier qu'à interroger notre devenir. À ces réflexions dévoilant une profondeur n'ayant d'égale que l'art même de son cinéaste, Ready Player One se fait aussi le résultat d'une mise en scène ahurissante répondant impérialement à la "cinéplastique" théorisée par Elie Faure au début du siècle dernier. Le cinéma hollywoodien n'est pas mort. Steven Spielberg vient juste de le réenchanter.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 9 / 10
8 commentaires
  1. Je suis sorti de la salle il y a à peine une heure, je ne m’en suis pas encore remis..  et je pense avoir besoin de weekend pour m’en remettre complètement ! Il y avait longtemps que je n’avais pas pris une telle droite ! Merci Steven !

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